Couverture santé universelle. Le coût du projet ramené à 71 milliards contre 1300 milliards de Fcfa estimés au départ

Olive Atangana
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Toutefois, le flou demeure quant à la mise en œuvre effective de ce projet d’envergure voulu par le Chef de l’Etat, quatre ans après.

La copie du budget prévisionnel de l’implémentation de la Couverture Santé universelle (CSU) au Cameroun vient d’être revue. Le coût estimatif de ce projet évalué sous l’ère Mama Fouda (ex Minsanté) à 1300 milliards de FCFA pour un paquet de base de soins et de services composé de 185 interventions et de 101 sous-interventions, est désormais mis de côté. L’actuel maître des céans, Manaouda Malachie et ses équipes ont changé de stratégie en redimensionnant ce projet, si cher au président Paul Biya.

C’est du moins ce qui ressort de son passage devant la représentation nationale dans le cadre de la séance plénière spéciale consacrée à la CSU. «Au début, lorsque nous l’avons structuré, effectivement il fallait un investissement préalable de 1300 milliards avant de pouvoir espérer rentrer dans la CSU et le Camerounais ordinaire ne devrait avoir accès à la CSU que 20 ans ou 25 ans après les 1300 milliards d’investissement. La réflexion a été poussée et nous nous sommes dit nous allons faire la CSU de nos moyens. Si nous avons 50 milliards, nous ferons la CSU de 50 milliards. Si nous avons 10 milliards nous le ferons pour 10 milliards. Nous sommes aujourd’hui à une évaluation de 71 milliards de FCFA », a expliqué Manaouda Malachie, interrogé par les députés.

Comparativement aux estimations de départ, les besoins financiers inhérents à la mise en place de la CSU subissent ainsi une coupe drastique de 1 229 milliards de FCFA. Soit une réduction de 94,5 % en valeur relative. « Notre objectif c’est de ne pas attendre 20 ans pour que chaque camerounais puisse bénéficier de la CSU. Nous nous sommes mis sur ce projet et aujourd’hui nous avançons quand même », a justifié l’autorité tutélaire du secteur de la Santé.

Mystère et boule de gomme

Pour l’heure, aucune date n’est avancée sur le moment exact où à partir duquel les Camerounais vont pouvoir bénéficier des premiers services de ce projet. Face aux députés, Manaouda Malachie a évité cet aspect du sujet. D’où le flou persistant. En sus du coût du projet, les seules questions abordées par le Minsanté sont liées au choix d’un partenaire privé (Société Santé universelle Cameroun, Sucam SA), aux raisons ayant motivé la signature du partenariat avec cette entreprise avant la loi sur la CSU et à la durée du contrat de partenariat (qui est de 15 ans d’exploitation avec deux ans de mise en place).

Lenteurs et retards

Quatre ans après, force est de constater que le Cameroun se presse lentement à implémenter la CSU. Les seuls points de progression cités par Manaouda Malachie sont notamment la signature du contrat de partenariat public-privé entre l’Etat du Cameroun et la société Sucam SA. Selon les termes de cet accord, cette entreprise est chargée de déployer le matériel, faire de l’enrôlement, la collecte des données et le rachat des soins alors que la partie camerounaise s’occupera des données techniques et de la validation des soins. A ce contrat, s’ajoute la construction du Centre de données (data center), dont les travaux sont exécutés à 80 %. Notons que sur ce point, le chantier accuse déjà un retard puisqu’il devait être livré en février 2021.

Toujours est-il que selon le Minsanté, les équipements d’enrôlement ont été commandés. Là aussi, le projet a pris du retard étant donné que ce matériel devait être livré en mi-janvier dernier. Mais le plus grand retard du Cameroun relève du corpus juridique qui devrait encadrer la mise en œuvre de la CSU au Cameroun. A ce sujet, le gouvernement examine encore l’avant-projet de loi sur la CSU. « Lorsque la loi instituera de manière légale la CSU on pourrait facilement se déployer sur le terrain. A notre niveau pour aller un peu plus rapidement, nous avons déjà élaboré pour discuter avec l’ensemble des partenaires du secteur, sept autres projets de décrets qui vont aller avec l’avant-projet de loi », fait savoir ce dernier.

Pour les partenaires du Cameroun comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le rythme d’avancement du projet CSU est loin d’être satisfaisant. « Ce qui est urgent, c’est vraiment l’accélération. C’est un projet qui est très cher au président de la République du Cameroun. Et donc, toute administration qui a un rôle à jouer doit pouvoir traiter de façon urgente pour que le service puisse accéder aux populations. Pour l’instant, je dirai que le Cameroun est dans la phase du design et des approbations législatives. Mais bientôt, il faudra opérationnaliser cela pour que la population puisse sentir l’importance de cette réforme », a déclaré le Dr Phanuel Habimana, représentant de l’OMS au Cameroun. C’était au cours de l’émission Actualités Hebdo diffusée sur la télévision nationale

De glissement en glissement

Dans une note de synthèse commise en septembre 2019 par la Direction de l’Organisation des soins et de la technologie sanitaire (Dost), les premiers soins couverts par la CSU devaient être effectifs en janvier 2020. Cette échéance n’a pas été respectée. Plus tard, le 27 août 2020, en marge de la signature du contrat entre l’Etat du Cameroun et Sucam, l’opérateur a promis de rendre ce service opérationnel au premier semestre 2021. Après cet autre rendez-vous manqué, le lancement de la CSU est renvoyé sine die par les autorités. « Nous aurions voulu qu’on ait déjà institué la loi sur la couverture santé universelle. Ce projet de loi a été élaboré par le gouvernement et nous pensons que lors des prochaines sessions parlementaires, le président de la République pourra transmettre cela au Parlement », se défend Manaouda Malachie.

Quoi qu’il en soit, « le ministère de la santé publique va continuer son rôle régalien de relèvement du plateau technique, déploiement des ressources humaines et tout le reste. Le partenaire privé va faire de la collecte des données, les investissements de départ en termes d’enrôlement et tout le reste, déployer le matériel pour pouvoir permettre la gestion de la CSU », détaille Manaouda Malachie.

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Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.
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