Covid-19. L’indisponibilité des ressources financières plombe le déploiement des équipes de vaccination
District de santé (DS) d’Ayos dans le département du Nyong et Mfoumou, région du Centre. Au troisième jour de la campagne de vaccination intensive anti Covid-19 lancée le 7 juillet dernier, aucune des deux réunions d’information et d’engagement communautaire prévues n’a été tenue. Pour ces réunions qui garantissent une meilleure implication des autorités administratives, des élus locaux, des leaders religieux et des associations en faveur de la vaccination, le budget prévisionnel se chiffre à 943 000 FCFA, selon le budget arrêté par le ministère de la Santé publique dont lurgentiste.com a eu copie.
Mais ce DS qui couvre 11 aires de santé dans les arrondissements d’Ayos et de Nyakokombo, ne dispose pas d’argent pour préfinancer cette activité. « C’est difficile de mobiliser en si peu de temps ces montants. Lors de la réunion de briefing régional samedi dernier (3 juillet : ndlr), ils avaient promis de financer au moins ces réunions mais jusqu’ici, aucun financement n’est arrivé », déplore une source au sein de ce DS.
Charges lourdes
La situation est loin d’être plus reluisante dans les districts de santé d’Akonolinga, Esse et Nanga Eboko qui doivent respectivement mobiliser 1 million 172 mille, 922 mille et 1 million 451 mille FCFA pour ces mêmes besoins. Précisons que pour chaque réunion d’information et d’engagement communautaire au niveau des arrondissements, le sous-préfet a droit à 25 000 FCFA, le maire 10 000 FCFA et 5 000 FCFA pour les autres participants à savoir 5 leaders religieux, 5 leaders communautaires et membres d’associations, 5 personnels de service apparentés. Ces montants sont appliqués dans toutes les unités administratives du pays, renseigne une source au Minsanté.
En plus de ces dépenses, les DS doivent également préfinancer la prise en charge des équipes de vaccination. Cette prise en charge intègre le versement d’une indemnité journalière de transport de 5000 FCFA pour chaque agent vaccinateur et une ration alimentaire de 2000 FCFA. Soit 35 000 FCFA à verser à chaque agent vaccinateur impliqué dans cette campagne qui s’étale sur cinq jours. Pour le cas du DS d’Ayos où 24 personnes réparties en six équipes ont été mobilisées, la facture va chercher dans les 840 000 FCFA. Là aussi, la note est salée pour le DS d’Ayos dont les ressources financières sont pour le moins limitées. C’est également le cas de la plupart des districts de santé situés dans des zones reculées.
Démotivation
Sur le terrain, ces difficultés d’ordre financier impactent négativement le déroulement de la campagne de vaccination. Faute de moyens, les districts de santé peinent à déployer leurs équipes. A Yaoundé, dans le DS de la Cité Verte, chaque Aire ne bénéficie que d’une seule équipe. « Pour les autres campagnes de vaccination coordonnée par le PEV, ce district mobilise souvent entre 8 et 9 équipes par aire de santé », explique un médecin. A Ayos, sur 6 équipes prévues, seules deux équipes (fixe et mobile) ont déjà été déployées. Conséquence, après deux jours de campagne, seulement 60 personnes ont été vaccinées. Ce résultat est très en deçà de l’objectif prévisionnel de 600 personnes que devaient vacciner les équipes. « Ça ne représente que 10% de notre objectif », regrette un responsable au sein de ce DS.
Outre la faible mobilisation des équipes, cette campagne de vaccination intensive anti Covid-19 bute également sur le faible engagement des autorités administratives et surtout des mairies. « Ça aurait eu à mon avis plus d’impact sur les populations qu’un sous-préfet fasse une campagne de sensibilisation mais nous peinons à réunir les autorités pour les réunions d’engagements sans mesures d’accompagnements véritables. On devait donner les moyens aux autorités locales de se mettre en avant des équipes de vaccination », avance un chef de district
Task force
Généralement dans le cadre des campagnes de vaccinations, les DS bénéficient d’une avance de financement pour lancer les activités. « Mais avec les fonds Covid-19 c’est devenu compliqué parce que c’est la task force mise sur pied par le Secrétariat général de la Présidence de la République qui gère les ressources », explique un sous-directeur au Minsanté. Des propos que nuance un CDS dans la région de l’Extrême-Nord. « Toutes les campagnes de masse se déroulent de la même façon. Vous menez l’activité, présentez les pièces justificatives et vous êtes payés. C’est la règle », précise-t-il. Au Programme Elargi de vaccination (PEV), le sujet embarrasse. Les responsables contactés évitent de se prononcer sur la question.
Echos du terrain
Après 48 heures de déploiement, la campagne de vaccination évolue à géométrie variable d’une région à une autre. Dans le Centre la quasi majorité des équipes déployées peinent à atteindre l’objectif de 50 personnes par jour. Dans l’Adamaoua par contre, l’adhésion massive de la population a entraîné des ruptures de vaccins dans certains DS. « C’est le Nord qui a ravitaillé l’Adamaoua et malgré cet apport supplémentaire de doses de vaccins, il y a environ 6 formations sanitaires qui n’ont pas engagé la vaccination à cause de cette rupture pourtant les populations sont mobilisées », confie un responsable en service à la délégation régionale de santé publique pour l’Adamaoua.
A l’Extrême-Nord, « Fille ainée du Renouveaux », l’engouement des populations a provoqué une rupture des vaccins. « J’ai reçu 1000 doses en plus des 600 que j’avais en stock. Tout est fini et presque tous les DS de l’Extrême-Nord en cherchent », informe l’un d’eux. Pour gérer ces cas de rupture, « Nous faisons juste des redéploiements d’une zone où le taux de consommation est faible pour les zones où les ruptures sont annoncées », rassure Jean Claude Napani, chef de la section Communication PEV.
En rappel, 200 000 personnes sont ciblées par cette 2e campagne de vaccination intensive qui s’achève le 11 juillet prochain. L’objectif est d’atteindre une couverture vaccinale d’au moins 70% de la cible initiale. Au 9 juillet, les données partielles des deux premiers jours font état de plus de 43 mille personnes vaccinées. A noter qu’au Cameroun, 38% des personnes décédées de Covid-19 souffraient d’hypertension artérielle et maladies cardiaques ; 24% de diabète ; 13% d’obésité ; 73% des personnes de plus de 50 ans et 5% de maladies respiratoires.
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