(Lurgentiste.com) — Le gouvernement camerounais a décidé d’étendre le programme du Chèque santé aux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. La cérémonie de lancement officiel est prévue le 7 août 2024 à Buea. Dans chacune de ces régions, quatre districts de santé ont été retenus par le ministère de la Santé publique (Minsanté).
Pour la mise en place de ce dispositif, prévu depuis janvier dernier, l’État du Cameroun a alloué une provision budgétaire de 322 millions de FCFA au ministère de la Santé publique. L’information est contenue dans une correspondance datant du 16 avril 2024, du ministère des Finances, fixant les quotas budgétaires du deuxième semestre 2024, dont nous avons obtenu copie. Des sources internes au Minsanté confirment qu’une dotation équivalente à ce montant a été mise à disposition du ministère à cet effet.
Cette enveloppe permettra de procéder au remboursement des prestations et à la coordination du projet tant au niveau central, régional que des districts de santé. En prélude à cette extension, le Minsanté et les équipes du Comité national de transition de la Couverture santé universelle (CNT-CSU) ont procédé à l’accréditation des formations sanitaires (Fosa), au déploiement du logiciel de gestion, à la formation des acteurs et la mobilisation de proximité des populations cibles. Quatre districts ont été choisis dans chaque région et un des hôpitaux précis retenus. « Les Fosa non retenues bénéficient également d’un plan d’accompagnement », informe-t-on au ministère de la Santé publique.
Ces régions anglophones deviendront ainsi, après celles du Grand-Nord, du Sud et de l’Est, les septièmes à bénéficier de ce mécanisme de prépaiement visant à réduire la mortalité néonatale et maternelle en améliorant la prise en charge des femmes enceintes, avec une couverture de 6 000 FCFA par chèque santé.
Défi sécuritaire
Toutefois, il convient de noter que cette extension de la CSU intervient dans un climat d’insécurité au Nord-Ouest et au Sud-Ouest. Ces régions sont confrontées à une crise sociopolitique depuis octobre 2016, où les forces armées camerounaises sont aux prises avec des groupuscules armés d’inspiration irrédentiste. Dans cette guerre asymétrique, les hôpitaux et autres centres de santé de ces deux régions ont souvent été ciblés par des attaques séparatistes, pillés, et leur matériel médical volé. Les enlèvements et démissions du personnel sanitaire, par crainte de représailles, sont fréquents.
En avril 2023, environ 18 % des centres hospitaliers de ces régions avaient été contraints de fermer, selon un rapport de situation de l’OCHA, ce qui atteste que les hôpitaux opérationnels peinent à fonctionner correctement. « Les défis sécuritaires étaient déjà présents lors du lancement du Projet d’élimination des frais d’utilisation dans ces mêmes régions », affirme dans une interview accordée à Lurgentiste, le Dr Désire Anicet Mintop, coordonnateur du Comité national de transition de la Couverture santé universelle (CNT-CSU), organe ayant repris le projet depuis juin 2023. Selon lui, « il ne devrait pas y avoir de craintes particulières quant à la mise en œuvre de cette politique publique, partie intégrante du panier de soins de la phase 1 de la CSU, tant sur le plan technique, administratif, clinique, financier que sécuritaire ».
En 2023, le Nord-Ouest a enregistré 33 829 naissances vivantes pour 27 décès maternels. Soit un ratio de 80 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes. Le Sud-Ouest quant à lui, a enregistré 26 303 naissances vivantes pour 42 décès maternels. Ce qui donne un ratio de 160 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes, selon le ministère de la Santé publique. Ce qui fait dire à Raphael Okalla, ancien coordonnateur du projet Chèque santé (de 2015 à juin 2023), que l’extension de ce processus, qui prend en charge gratuitement tous les soins par le Chèque santé dans les formations sanitaires accréditées du Nord -Ouest et du Sud-Ouest, « est normale et purement épidémiologique ». Un avis partagé par l’actuel coordonnateur du CNT-CSU : « cette extension géographique du Chèque santé, fondée sur des données populationnelles et épidémiologiques, devrait bénéficier à la population en facilitant les accouchements institutionnels, notamment la mortalité maternelle et néonatale », soutient-il.
Choix politique
Cependant, aux yeux de plusieurs médecins de santé publique et spécialistes, si « C’est une bonne idée pour ces zones en conflit », il n’en demeure pas moins que « c’est plus pour faire joli ». En effet, à en croire un autre médecin en service au Minsante, « c’est un choix politique et même républicain parce qu’on ne peut pas oublier nos frères qui souffrent depuis plusieurs années dans ces zones ». Sauf que, « la faisabilité sera difficile. Comment cela va se faire au milieu des balles et tirs de canons de part et d’autre », s’inquiète son confrère médecin de santé publique.