Hôpital régional de Garoua. Les couveuses de la honte

Depuis le drame du 23 février 2019, d’autres prématurés ont encore perdu la vie pour manque de couveuses et de soins adéquats au sein du service de néonatalogie de cette formation sanitaire publique.

Les prématurés sont de manière permanente, en danger de mort à l’hôpital régional de Garoua. Avec seulement deux couveuses, le service de néonatalogie de cette formation sanitaire (Fosa) publique n’arrive pas à satisfaire la demande. Celle-ci, largement supérieure à l’offre. Soit en moyenne par semaine, une dizaine d’enfants dont le traitement nécessite des couveuses d’après une source médicales. Pis, selon les confidences du personnel médical de cet hôpital, la 2e couveuse ne fonctionne pas. « Le réglage ne marche pas du tout », lâche l’un d’eux, dépité. Et celle en service est rafistolée par du scotch. Un usager lui, soutient que cet hôpital ne dispose que d’une seule couveuse « qui fonctionne quand elle veut. Si tu as la malchance que ton prématuré naisse le jour où elle ne fonctionne pas, tu vas assister à la mort de ton bébé ».

Cette situation indigne le corps médical. « Quand il y a des décès ensuite, on accuse les infirmières, alors que tous les dirigeants et surtout le ministre de la Santé est au courant du très mauvais état dans lequel se trouve cet hôpital », tance un infirmier. Au service de néonatalogie de cette Fosa donc, la situation « est vraiment compliquée », regrette notre source. « Conséquences, il faut faire recours à ce qu’on appelle couveuse artisanale avec des ampoules achetés au marché pour chauffer les enfants», poursuit-elle.

Déficit d’un matériel de soins adéquat

« Les gens souffrent. Parfois, nous nous retrouvons à la garde avec des prématurés qui arrivent mais nous n’avons pas de place pour eux. Nous sommes donc obligés de les référer à l’hôpital de la Cnps. Nous n’avons pas assez de berceaux pour les enfants, pas de photothérapie. Souvent, nous avons des nouveau-nés ictériques (qui a l’ictère c’est à dire les yeux jaunes et le corps peut l’être aussi entièrement, en fonction de la sévérité : Ndlr). Mais nous ne pouvons pas leurs administrer des soins adéquats », regrette un personnel médical. Un dilemme face auquel les alternatives sont moindres. « Nous sommes obligés de mettre deux nouveau-nés sur la même photothérapie (traitement de l’ictère par une source de lumière spécifique : Ndlr) parce qu’on en a qu’une seule », fait savoir la même source. Bien plus, ce service ne dispose que d’une seule radiante (source lumineuse avec un dispositif de literie qui permet de réchauffer les enfants qui ont besoin d’être réchauffés ou qui ont un trouble thermique : Ndlr). « Et c’est sur la même radiante qu’on réanime les nouveau-nés qui sont dans un état critique », précise celle-ci.

En ce lieu, les boites et lunette à oxygène manquent aussi. « Nous n’avons qu’une seule boite à oxygène, pareil pour la lunette à oxygène dont une seule fonctionne. Lorsqu’on se retrouve avec un nouveau-né en situation de détresse respiratoire, ou qui a besoin d’oxygène nous ne pourrons pas l’aider parce que nous ne pouvons pas », regrette notre source. Or, le corps encore immature d’un prématuré ne pouvant assurer toutes les fonctions vitales par lui-même, a besoin d’une alimentation en oxygène plus élevée que la moyenne.

Des travaux menés sur 2000 nouveau-nés ont démontré que maintenir le taux au-dessus de 85% permet d’éviter des lésions neurologiques. En fait, plus d’oxygène peut améliorer la survie des bébés. Car, les bébés nés prématurément se portent mieux s’ils reçoivent de forts taux d’oxygène par assistance respiratoire. A Garoua donc, « Les bébés décèdent parce qu’il n’y pas de matériel adéquat pour le prendre en charge. Même sur le plan des médicaments c’est compliqué. Nous sommes parfois obligés de mettre la cefatoxime qui est un médicament contre-indication pour le nouveau-né », dit une autre source. Triste.

Décès

C’est donc un service où des nouveau-nés continuent à y perdre la vie. Du moins, ceux qui ne sont pas nés sous une bonne étoile. Ceci, faute de couveuses et de soins adéquats. Nos sources affirment que depuis le drame du 23 février 2019 qui a vu la mort de trois prématurés, d’autres décès y sont survenus, même si le chiffre exact ne peut être connu. « Nous espérons que ça va changer. Le directeur nous a promis une couveuse dernièrement qui devait arriver mais jusqu’à présent ce n’est toujours le cas. Nous espérons que ça va arriver », argue une autre source.

Sauf qu’à ce jour, ce service n’a été doté d’aucune autre couveuse. Les infirmières incriminées elles, ont confié que le problème est survenu parce qu’à cours de couveuses, elles avaient été obligées de mettre deux bébés prématurés dans une seule couveuse pour éviter qu’ils décèdent. Malheureusement, c’est ce qui s’est passé. « Elles ont été accusées du fait qu’elles ont gardé deux prématurés dans une même couveuse. Actuellement, ils n’acceptent pas de mettre deux bébés dans une même couveuse. Ils préfèrent les référer », souffle notre source.

Insalubrité

Ce tableau sombre s’étend aussi à l’hygiène et salubrité au sein de ce service de néonatalogie. L’image du couloir qui longe ledit service hautement sensible pour la santé des nouveau-nés n’est guère reluisante. Le bâtiment a une peinture défraîchie et craquelée par endroit. Le sol lui, est crasseux et a visiblement besoin d’un coup de serpillière. A l’entrée du service, l’on aperçoit un chariot vide et à l’abandon ; ce qui tient sans doute lieu d’une serpillière, un balai et des babouches complètent ce tableau d’insalubrité qui y prévaut. L’intérieur de ce service affiche aussi grise mine. Murs sales et peinture défraîchie aussi, mais sol un peu salubre.

De nombreux usagers de la ville de Garoua ayant déjà séjourné dans cet hôpital le décrivent comme un service insalubre. « Ce n’est même pas un service de néonatalogie là-bas mais c’est la poubelle. C’est un grand bazar accessible à tous n’importe comment et à n’importe quelle heure », lâche courroucé, Legrand Bahyang. Cet opérateur économique installé à Garoua y a assisté, impuissant, à la mort de sa fille dans la nuit du 23 févier 2019. Le personnel soignant de cette formation sanitaire publique avoue que l’environnement dudit service néonatalogie n’est pas propice pour la guérison du nouveau-né. « Des garde-malades entrent tout le temps et en ressortent selon leur bon vouloir. En plus, ce n’est pas propre, ce n’est pas balayé, ni protégé », informe l’un d’eux.

Olive Atangana

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.

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2 réponses

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