Drame. Mort suspecte d’un médecin  à Bertoua

Olive Atangana
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Le Dr Ebah Epock Lucie a été retrouvée pendue dans sa chambre, au domicile de ses parents.

Les collègues, confrères et amis du Dr Ebah Epock Lucie sont encore sous le choc. Sa famille, meurtrie. Ce médecin généraliste en service depuis deux ans à la Direction régionale de la Santé publique pour l’Est à Bertoua, a été retrouvée morte dans sa chambre le 21 septembre 2019. « Elle s’est suicidée », croit savoir un de ses confrères en service à Bertoua. Une autre source indique qu’« elle a été retrouvée pendue dans sa chambre ». C’était en matinée, aux environs de 9 heures.

En effet, elle s’y serait « enfermée et son frère est passé par le plafond. Malheureusement, elle était déjà décédée », explique son confrère. Pourtant, cette passionnée de pédiatrie paraissait «extrêmement stable et épanouie », confie un autre confrère à Yaoundé. Chagriné. Agée de 29 ans, la défunte était issue de la 42eme promotion de la Faculté de médecine et des sciences biomedicales de Yaoundé, sortie en 2017.

Circonstances du drame

Une enquête a aussitôt été ouverte à la Direction régionale de la police judiciaire de l’Est, afin de déterminer les circonstances exactes de cette mort suspecte, avec l’expertise de l’hôpital régional de Bertoua. « Et sous réserve du rapport final, la conclusion c’est le suicide », confie une source proche du dossier. Ce d’autant plus qu’« elle avait déjà fait une tentative quelques semaines avant », poursuit celle-ci.

De sources concordantes, cette célibataire sans enfants a fait une dépression à la fin de sa formation en 2017. « Elle était suivi par un médecin à l’hôpital Jamot et chaque fois, elle y allait pour ses rendez-vous », affirme notre source. Un autre confrère précise que sa dépression remonte à la fin de la rédaction de sa thèse. Laquelle portait sur les risques d’accidents cardio-vasculaires en milieu professionnel.

Burn-out ?

Dans le milieu médical on soupçonne que la jeune Lucie est une victime du burn-out qui sévit dans cet environnement professionnel. Cet « ennemi » du personnel de santé avait été évoqué à Yaoundé le 17 juin dernier. C’était au cours de la rencontre entre le ministre de la Santé publique et les personnels de santé. Le directeur médical de l’hôpital Central de Yaoundé évoquait en effet le « Burn-Out », qui est entre autres, un épuisement émotionnel, une démobilisation de la relation avec autrui, un accomplissement de soi diminué. Le nombre d’heure de travail par jour, de consultance, la distance entre son lieu de résidence et celui de travail, la charge du travail, les rapports ou conflits avec la hiérarchie sont aussi des facteurs de ce burn-out.

« Les médecins ont déjà une charge de travail assez élevée. C’est très difficile pour eux de pouvoir faire leur travail de manière significative. Du coup, les problématiques de burn-out et de dépression sont assez fréquentes », précise Didier Demassosso, psychologue. Bien plus, « En discutant avec certains médecins, ce stress commence dès la formation à cause de la pression. Ensuite, sur le terrain, la pression des malades et le stress dû à la mort de ceux-ci. D’où le burn out qui en découle », explique une source médicale proche du dossier. A Douala par exemple, sa prévalence est de 42% chez les médecins généralistes, selon une étude publiée en 2017 dans une revue médicale de Bruxelles.

Peur dans la profession

Pour les médecins, c’est « Un suicide de plus dans le corps médical ». Il a encore sans doute en mémoire celui d’un autre médecin survenu en 2016 à Douala. « Il était en 7ème année de médecine et rédigeait une thèse en néphrologie. On l’avait retrouvé pendu dans sa chambre d’étudiant. Il avait jute laisser un mot demandant pardon à ses parents et ses amis », relate un confrère. Triste. Ce d’autant plus que « ce ne sont pas de bons souvenirs pour nous », souligne-t-il.

Mais ceci peut sembler peu, « Sans parler des nombreux et nombreuses collègues en proie à des troubles psychiques et au burn out », regrette un autre médecin. A en croire ce dernier, les facteurs sont multiples. « Les problématiques familiales (non spécifiques au corps), la difficulté à éviter le transfert des souffrances des patients sur la psychologie du médecin ou du soignant, la pression hiérarchisée (le stress professionnel)… », justifie ce dernier.

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Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.
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