Alors qu’une campagne de sensibilisation est en cours, une polémique couve entre le ministère de la Santé (Minsanté) et certains ordres professionnels de santé.
La campagne lancée en vue de l’assainissement de la carte sanitaire au Cameroun fait couler beaucoup d’encre et de salive depuis quelques jours. Tout est partie de la 2e mission de contrôle, de vérification des autorisations de création et de mise en service des établissements hospitaliers privés, conduite par Manaouda Malachie à Douala le 8 août 2019. A l’issue de cette mission de terrain qui est intervenue après celle effectuée le 2 août dans l’arrondissement de Yaoundé 3ème, l’opinion publique nationale apprenait qu’une polyclinique de renom sis à Bonapriso (et dont le promoteur est membre du bureau de l’Ordre national des médecins du Cameroun : Onmc) n’est pas en règle. C’est-à-dire, ne possède pas une autorisation de création, encore moins d’ouverture délivrée par le ministère de la Santé publique (Minsanté). Mais, juste un document délivré par cet ordre professionnel.
En fait, cette disposition stipulait que l’autorisation d’exercer délivrée par l’Onmc valait autorisation d’ouverture d’une structure de santé. Portant, à en croire des responsables au Minsanté, cette disposition est obsolète. « L’exercice de la médecine au Cameroun est régi par la Loi N°90/36 du 10 Août 1990. Aucun arrêté ne peut être au-dessus de la Loi ni la contredire car la Loi est le sommet et la hiérarchie des normes juridiques est claire sur ce point. En résumé, il n’y a pas de document création ni d’ouverture à demander aux médecins », fait pourtant prévaloir le Dr Guy Sandjon, président de l’Onmc. Il n’en fallait donc pas plus, pour relancer le débat sur ce qui se présente désormais comme un casse-tête mais aussi surtout, comme un duel à fleurets mouchetés entre Minsanté et Onmc.
Riposte et recadrage
En effet, cette sortie du Dr Sandjon a suscité la riposte de leur tutelle à travers son Inspecteur général des services médicaux et paramédicaux. « L’autorisation d’exercice en clientèle privée est délivrée par l’Ordre national des médecins du Cameroun qui ne signifie pas autorisation de création ou d’ouverture qui relève de la compétence du Ministère de la Santé publique», précise le Dr Zoa Nanga. Par ces précisions, il est donc clair que seul le Minsanté a le droit de délivrer une autorisation de création ou une autorisation d’ouverture et de mise en service autant pour les promoteurs des formations sanitaires que pour les médecins exerçant en clientèle privé.
« Les activités de médecine privée des médecins sont régis par la loi de 1990. Mais l’Etat est le garant du bon fonctionnement de ces formations sanitaires. Il doit être plus regardant sur leurs activités », confirme le Pr Tetanye Ekoe, ex-Vice-Président de l’Onmc. Sauf que, son ancien compagnon au sein de l’Ordre et « Beaucoup de collègues trouve à redire sur la manière de procéder à ce contrôle qui s’apparente à du théâtre », dit le Président de l’Onmc, sarcastique. Ce qui lui a valu une volée de bois vert de la part de l’IG des services médicaux et paramédicaux. « Le ministère de la Santé publique assure la tutelle de cinq ordres professionnels détenteurs tous d’une loi. Si tous se comportaient tout le temps comme des ministères bis, on n’avancerait pas. C’est aussi l’occasion pour moi de rappeler qu’on ne va sur les réseaux sociaux quand on parle à sa tutelle », martèle le Dr Zoa Nanga.
Quiproquo
Sauf que, « L’ordre national des médecins n’a rien contre la croisade initiée par le ministre. L’ordre appuie le ministre mais comment peut-on engager un combat comme celui-là sans associer l’ordre national des médecins. Les médecins ont fait la démarche inverse en rencontrant la tutelle pour exposer les problèmes mais ils n’ont pas été reçu », réplique à son tour, Me Yana, l’avocat de cet ordre professionnel.
Selon ce dernier, « le véritable problème vient des structures dites privées de ceux qui ne sont pas professionnels parce que c’est à ce niveau-là qu’on recense les 9 dixième des cas auxquels il fait allusion. Pour ce qui est de l’Ordre national des médecins, il y a un effort, des commissions qui ont été mises sur pied en interne pour réguler et assainir et ces travaux sont régulièrement porté à l’attention de la tutelle ». Donc, « l’ordre national des médecins ne peut pas être contre une croisade initiée par la tutelle. C’est un problème d’incompréhension », se veut-il conciliant.
Diagnostic
En réalité, le Cameroun compte plus de 3400 formations sanitaires (Fosa) illégales. Et depuis 2017, seules 288 Fosa ont daigné se mettre en règle. D’où l’arrêté du 18 juillet 2018 du Premier ministre, portant création et organisation d’une commission nationale mixte chargée de l’assainissement de la carte sanitaire au Cameroun. « Cette commission existe depuis plus d’un an et depuis plus d’un an, le président de l’Ordre des médecins n’a même pas été invité à prendre part aux travaux. Et c’est sur ce plateau que j’apprends qu’il y a déjà des commissions départementales et des commissions qui ont été créées même au niveau des arrondissements. Comment donc on peut mettre sur pied une commission sans associer ceux qui doivent être parties prenantes », s’interroge l’avocat de l’Onmc.
Face à ces propos, « Il est de bon ton de rassurer tout le monde. Nous ne sommes pas entré en phase répressive. Le ministre peut faire sont diagnostic, peut se faire sa propre idée de l’ampleur du problème sur le terrain et on ne peut pas lui faire ce reproche », argue le Dr Zoa Nanga. Sur le terrain donc justement, la situation semble préoccupante. D’après le constat de Manaouda Malachie, la quasi-totalité de ces formations sanitaires fonctionne de manière irrégulière. « Parmi, il y en a qui sont très dangereux pour les vies humaines. On dénombre des formations sanitaires où les normes ne sont pas respectées. L’hygiène ne suit pas toujours par exemple », a dû constater le Minsanté sur le terrain.
Normes et régularisation
A Yaoundé et Douala donc, les établissements considérés comme «dangereux» pour la populations ont été systématiquement fermés, en attendant la mise en règles des responsables desdits centres. Celles ne respectant pas les normes de détention ont été classées dans la deuxième catégorie. Celles qui ne disposent pas d’autorisation (de création et d’ouverture), mais évoluent dans le respect des normes du métier ont été rangées dans la troisième catégorie.
À ce dernier groupe, les garants et responsables des cabinets ont été priés de se mettre en règle dans les brefs délais. Pour cela, « Nous avons mis en place un dispositif spécial pour accompagner tous ceux qui veulent être en règle ». Car, « Nous avons une carte sanitaire à assainir. Nous avons plus de 2000 formations sanitaires qui opèrent dans l’illégalité sur l’ensemble du territoire. Nous sommes décidés à assainir la carte sanitaire nationale», tranche Manaouda Malachie, Minsanté.
L’article rend bien compte des incompréhensions qu’il y’a entre les parties.
Il faut noter que cet assainissement est attendu depuis les constats faits en 2017 et les mesures prises en 2018. Il est donc plus que temps de le faire avec la collaboration des ordres professionnels.
Il va sans dire que les propos et attitudes doivent être empreints de modération de courtoisie et de respect de l’autorité.
Merci bien Dr. Je crois savoir que tout rentrera dans l’ordre pour le bien de tous. Autant des populations que de chaque partie impliquée. Mais comment comprendre l’absence de concertations depuis huit mois avec les 5 ordres professionnels? Ça pourrait peut-être expliquer (sans les justifier bien entendu) ces propos et attitudes de certains…
Eu egards des incomprehensions, l’initiative est à facilter et encourager d’autant plus que l’assainissement de la carte sanitaire est un prealable à la mise à la mise en oeuvre de la Couverture Sanitaire Universelle tant pronnee par ceux qui nous gouvernent .
Personne n’est contre cet assainissement mon cher Dr. Mais l’on a juste l’impression que ces incompréhensions sont de nature à détourner de l’essentiel, du plus important. A mon sens, elles n’ont pas lieu d’être…