Aissatou est ménagère. La jeune dame de 28 ans résidant à Maroua souffre d’épilepsie depuis sa tendre enfance. Mais ce n’est qu’à l’âge de 15 ans qu’elle a su de quoi elle souffrait réellement. « Au quartier, on m’appelle tombe-tombe. Au départ, j’avais du mal à supporter le regard de la société, mais aujourd’hui je m’en fou. Surtout que les crises ont baissé. Je peux passer plus de 4 ans sans crise », confie la ménagère.
Honorine, elle, a hérité de ce trouble neurologique cérébral qui se traduit par des crises causées par un dysfonctionnement transitoires de cellules nerveuses cérébrales, de son papa. La situation était un peu plus dramatique pour cette institutrice qui a commencé à faire des crises au cours élémentaire. « Elle faisait des crises presque tous les jours. C’est un tradipraticien qui la soignait et depuis qu’elle a franchi l’âge de 22 ans, les crises ont presque baissé », s’en souvient une proche.
Germaine, 32 ans, est une autre victime de cette maladie dont la journée internationale s’est célébrée le 8 février 2021. Elle lui a d’ailleurs couté son mariage. « Lorsque je me suis mariée, je n’avais presque plus de crises. Elles ont repris avec le stress du mariage et mon mari a dit que je lui fais honte. Il m’a renvoyé chez mes parents avec mes deux enfants et a pris une autre femme », raconte la ménagère.
Patrick, épileptique de 33 ans, a son lot de désagréments dû à cette maladie. Il se souvient par exemple d’un rendez partit à vau-l’eau à cause d’une énième crise. Depuis lors, il n’a toujours pas trouvé l’âme sœur et est convaincu que c’est à cause de ses crises épileptiques. Comme ces quatre malades et bien d’autres cas, les personnes souffrant d’épilepsie sont stigmatisées par la société.
D’après les avis recueillis, celle-ci pose un regard sévère et peu indulgent vis-à-vis des personnes malades. « Je garde au fond de moi, un souvenir qui m’a traumatisé toute ma vie. J’étais en classe de troisième lorsque la crise épileptique m’a prise. Du coup, tous mes camarades pris de panique, m’ont laissé surplace entre les bancs mordants ma langue et me débattant. Ils croyaient que c’était contagieux », relate douloureusement Honorine. Et, « Le comble, particulièrement ce jour, j’ai fait pipi sur moi alors que j’avais aussi mes menstrues. J’ai dû changer de lycée parce que les camarades n’arrêtaient pas de me taquiner », poursuit l’institutrice.
Lourd fardeau
Laquelle précise : « Jusqu’aujourd’hui, mon entourage me traite avec réticence. Certains prennent soin de moi en me mobilisant pendant les crises, mais d’autres non. De mon côté, j’ai pris des dispositions. Je m’habille convenablement et suis mon traitement ». Or, « Les personnes stigmatisées souffrant d’épilepsie risquent d’avoir une estime de soi et une qualité de vie moindres, un isolement social plus grand, une santé psychologique moins bonne et une mort précoce », redoute Mary Secco, la secrétaire générale du Bureau internationale pour l’épilepsie (IBE).
Elle est convaincue que « la réduction des idées fausses et de la stigmatisation constitue un premier pas vers un meilleur accès aux médicaments essentiels antiépileptiques en Afrique subsaharienne ». A l’unanimité, professionnels, spécialistes de la santé conviennent que le fardeau de cette maladie est particulièrement lourd à porter. « Les gens les fui », reconnait le Dr Pierre Amta, médecin à l’Extrême-Nord. Ce dernier se souvient d’une crise épileptique vécue il y a quelques temps.
« C’était un enfant de 8 ans ou moins. Je l’ai vu tomber et j’ai accouru vers lui par réflexe de médecin. On m’a demandé de le laisser ; qu’il a l’habitude de tomber ainsi. J’étais le seul à comprendre de quoi il souffrait. La crise a duré 5 à 6mn. Puis il s’est relevé comme si de rien n’était », indique ce dernier. En réalité, « C’est une maladie très difficile à gérer. Je ne souhaite pas que mon enfant en souffre. Car, ce que je vis, est difficile à gérer. Mes propres frères évitent de manger dans la même assiette et évitent de boire dans mon verre soi-disant qu’elle est contagieuse », regrette Aissatou. Mais, selon Aissa, « On ne peut pas accuser la société de ce qui nous arrive ou de quoi on souffre ».
A en croire le Dr Amta, la région de l’Extrême-Nord a un nombre important d’épileptiques mais en l’absence de données chiffrées, il est difficile d’avoir les statistiques réels. L’épilepsie est la 2e maladie neurologique chronique la plus fréquente, après la migraine. « Dans le monde environ 70 millions de personnes souffrent d’épilepsie dont 80% dans les pays à revenus faible ou intermédiaire. Et le Cameroun a l’une des prévalences les plus élevées dans le monde avec dans certaines régions notamment le Mbam où des fréquences d’une personne sur 10 ont été rapportés », informe le Dr Daniel Gams Massi, neurologue.
Prise en charge
Le constat fait état de ce que la prise en charge des épileptiques au Cameroun est très peu effective. En fait, les parents font d’avantage recours aux guérisseurs traditionnels, aux prêtres exorcistes et pasteurs des églises de réveil. Pourtant, ce trouble neurologique peut être soignée dans 70% des cas. « Dans 7 cas sur 10, le traitement antiépileptique permet de contrôler les crises. Les patients peuvent alors avoir une vie quasi normale », fait savoir le neurologue.
Selon ce dernier, les épilepsies peuvent être classées en épilepsies partielles qui se manifestent par des crises qui affectent une partie du corps; et les épilepsies généralisées qui se manifestent par des crises qui affectent tous le corps. Les causes elles, sont multiples. Chez les enfants nous avons l’asphyxie néonatale et la souffrance fœtale aiguë, les méningites, les malformations cérébrales, etc.
Chez les adolescents/ adultes, nous pouvons entre autres lister les traumatismes crâniens et les infections du cerveau liées au VIH. En ce qui concerne les personnes âgées ce sont les AVC, les tumeurs cérébrales, les maladies neurodégénérative et à tout âge, les causes elles, sont génétiques.