Riposte au Coronavirus. Les mesures d’urgence du gouvernement à l’épreuve de l’applicabilité

Le PM

Entre difficultés d’application, non-respect, difficultés et réajustements, tout porte à croire qu’elles n’ont pas été maturées.

Officiellement, 261 passagers du vol Air France du 17 mars 2020 sont maintenus en quarantaine dans des établissements hôteliers de la ville de Douala. Ceci, tel que l’instruit la note du ministre de la Santé publique, au gouverneur de cette région. Cependant, 72 heures après, difficile de donner le chiffre exact de ces mis en quarantaine. C’est que, quelques heures seulement après cette opération d’urgence « de mise en quarantaine systématique de tous les passagers débarquant à Douala » exigée par Manaouda Malachie, des couacs et limites ont été notés.

Le dispositif sécuritaire autour des lieux de quarantaine par exemple, a malheureusement facilité des cas de désertion de ces lieux de quarantaine. Depuis mardi en effet, de nombreux passagers s’insurgent contre « certaines combines des autorités ». Et pour cause, six d’entre eux supposés être en quarantaine ont été libérés le 18 mars, pendant que d’autres sont restés confinés. « C’est vrai que certains ont fui », reconnait le Dr Ngono, médecin, épidémiologiste au Centre nationale des Urgences de santé publique (Cousp).

« Une situation que dénoncent tous ceux qui ont été gardés dans cet hôtel dans le but de passer 14 jours tels que recommandé par les autorités sanitaires », fait savoir un proche de confiné. A en croire un autre, « Hier soir (18 mars : Ndlr), nous avons fait descendre tous nos bagages à la réception. Les militaires qui nous gardent et ont dû s’excuser et promis ne plus laisser sortir personne ».

Pressions et bouc-émissaire

En fait, selon certaines sources concordantes, de hautes personnalités de la République ont instruit la libération de leurs proches. « Donc, le policier est le parfait bouc-émissaire », se désole une source policière. Voilà pourquoi, « Nous sommes entrain de travailler avec la direction nationale de la sécurité. Nous avons déjà à notre disposition des éléments des forces de l’ordre pour pouvoir amener ceux qui refusent d’être mis en quarantaine », prévient Gaëlle Issola, responsable de l’Information publique au Cousp.

Ces dernières heures, le gouvernement a renforcé les mesures de protection contre le Coronavirus sur le triangle national. Le pays a par exemple fermé ses frontières, restreint les rassemblements publics, ordonné la fermeture des écoles, des universités ainsi que des débits de boisson et des lieux de plaisance au-delà de 18h.

Mais, l’applicabilité et la pertinence desdites prescriptions restent sujet à question. « Le problème de ces mesures est qu’elles étaient spontanées et mal calibrées », critique une autorité administrative à Yaoundé. Et celle-ci d’interroger les critères de choix des hôtels retenus à Douala et Yaoundé pour le confinement et les garanties de sécurité ; les mesures de contraintes pour s’assurer de la coopération des personnes confinées.

Cris et tics de la classe politique nationale

Le gouvernement « Peut vraiment mieux faire », soutient Michele Ndoki, vice-présidente femme du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (Mrc). Ce d’autant plus que « Certains voyageurs ont commencé à s’enfuir faute de prise en charge sérieuse », a-t-elle tweeté. Et donc, « Certains ont acheté le paracétamol pour baisser la fièvre », indique une source en confinement à Douala. Même si certains camerounais n’accordent encore que très peu de crédit auxdites mesures préventives instituées, « J’ai l’impression que ces mesures sont à la mode. Presque tous les pays attaqués prennent plus ou moins les mêmes mesures », critique Adamou Youmo Koupit.

Le député de l’Union démocratique du Cameroun (UDC) poursuit: « S’agissant de la pertinence, j’ai l’impression que ce sont des mesures qui installent une sorte de psychose dans le pays qui risque avoir des conséquences fâcheuses sur le plan du renchérissement des prix des denrées de première nécessité dans les marchés, et également sur le plan économique et dans le marché financier ».

Et ce dernier de s’interroger : « Lorsqu’on interdit les regroupements de plus de 50 personnes, lorsqu’on dit qu’il faut fermer les débits de boissons à partir de 18h, etc., je me pose la question de savoir si le virus se propage seulement la nuit. Est-ce à partir de 51 personnes qu’on peut être contaminé ? ». Pour lui donc, « Ces mesures sont certes pertinentes, mais elles sont questionnables ». Akere Muna se veut pour sa part conseiller. « Nous devons passer de la réaction à ce qui s’est passé à la préparation de ce qui pourrait arriver », dit-il sur son compte twitter.

Difficultés et réajustements

Peu après l’entrée en vigueur effective de ces prescriptions du gouvernement pour limiter la propagation de la pandémie Covid-19 sur l’ensemble du territoire national, le Premier ministre Joseph Dion Ngute a tenu une 2e réunion interministérielle le 18 mars à Yaoundé. C’était à l’effet de déterminer leurs modalités d’application.

Car, « Un certain nombre de difficultés ont été observées dans la mise en œuvre de quelques mesures notamment la prise en charge des passagers en provenance de l’étranger dans la nuit 17 au 18 mars 2020 », a indiqué le chef du gouvernement dans la note que signe son secrétaire général, Séraphin Magloire Fouda.

Raison pour laquelle, sur instructions complémentaires du chef de l’Etat, le chef du gouvernement a demandé que des dispositions soient prises en urgence. Entre autres, elles « vont s’appliquer sur une durée de 15 jours, renouvelables en cas de nécessité ». Par ailleurs, sur le plan judiciaire, « les audiences dans les juridictions sont maintenues dans le respect du nombre de 50 personnes maximum autorisées pour chaque regroupement », renseigne Joseph Dion Ngute. Sur le plan sécuritaire, il a demandé au Secrétaire d’Etat chargé de la Gendarmerie et au Délégué Général à la Sureté Nationale d’organiser des patrouilles diurnes et nocturnes afin de s’assurer du bon ordre.

A noter que le Cameroun compte désormais 24 cas confirmés au Covid-19. Soit 21 à Yaoundé (dont sept nouveaux ce 20 mars), deux à Bafoussam et 1 à Douala. Les deux premiers malades eux, sont guéris et ont quitté l’hôpital Central de Yaoundé hier 19 mars. Ils resteront en observation pendant quelques jours encore à leurs domiciles.

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.
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