Joseph Mbeng Boum : « Il est temps qu’on implique et valorise davantage la femme dans notre système de santé »

Le Promoteur du « Prix de l’Excellence du leadership féminin en santé au Cameroun » et Directeur du groupe Echos Santé revient sur les contours de l’évènement du 18 novembre prochain et plaide pour une meilleure représentativité des femmes aux postes de décisions dans le domaine de la Santé au Cameroun.

Qu’est ce qui justifie l’organisation du « Prix de l’Excellence du leadership féminin en santé au Cameroun » ?

Parce que nous avons constaté qu’on avait pas mal de gap dans le secteur de la santé en termes d’égalité de genre dans certains postes. On n’a pas par exemple de femmes directeur d’un hôpital de 1ere catégorie, ni de 2e catégorie. Au niveau des hôpitaux de 3e catégorie, nous n’avons qu’une seule femme directeur. Au niveau de l’administration centrale, nous ne retrouvons qu’une seule femme directeur au niveau de l’administration centrale. Au niveau des délégués régionaux de la santé, il n’y a que deux femmes et huit hommes. Pourtant, la gent féminine représente entre 60 à 70 voire même 75% de personnels de santé de façon générale. Dans un environnement où le Cameroun s’est engagé à atteindre les Objectifs de Développement Durable à travers une planète 50-50 avec l’égalité des genres, on se dit qu’il faudrait mettre en lumière toutes ces femmes-là qui malgré ce contexte difficile ou pas assez favorable à leur autonomisation, à leur éclosion, arrivent quand même à tirer leurs épingles du jeu. Nous avons pensé qu’il est intéressant et important de montrer ces femmes-là, montrer ce qu’elles savent faire au quotidien ; de montrer qu’elles sont dévouées et engagées pour réussir à transformer notre système de santé. Et que cela puisse servir de modèle pour les autres femmes mais également que cela puisse passer le message auprès des décideurs de tout ordre pour qu’ils comprennent qu’effectivement, la femme a un rôle important à jouer dans le secteur de la santé. Elle tient un leadership non négligeable, parfois mieux que les hommes et qu’elle mérite autant de chances que les hommes.

Quel est le profil de chacune des 10 femmes primées ?

Vous allez remarquer que ce sont des femmes qui se recrutent dans le secteur public, privé et de la société civile. Les profils sont différents. Vous avez par exemple des femmes qui ont fait toute leur carrière dans la société civile, mais qui aujourd’hui, incarne le leadership tant au plan national qu’international. Vous trouverez également des femmes qui au-delà de leur fonction de médecin, mènent des combats admirables. Chacune de ces femmes a sa spécificité. Elles sortent de toutes les régions du Cameroun, avec toutes les réalités qu’elles y vivent chacune dans son segment de travail.

Sur quels critères ont-elles été choisies ?

En réalité, pour nous le leadership n’est pas basé sur le poste, son titre. Il ne s’agit pas d’un classement lié au poste ni au titre, encore moins les meilleures médecins femmes. Nous parlons du leadership. Et quand nous parlons du leadership c’est l’engagement, les actions menées qui ont menées. Parfois ça peut être de petits gestes mais qui ont contribué à un changement total et radical. Nous avons par exemple une jeune dame qui est délégué régional de la Santé publique pour le Nord (Dr Leila Djamilatou : Ndlr) qui depuis qu’elle est là, on constate quand même une certaine accalmie dans cette région qui a toujours été en proie aux épidémies. Cela veut simplement dire que le travail de sensibilisation qu’elle fait porte ses fruits. Cela relève du leadership parce que d’autres ont forcément les mêmes moyens mais n’atteignent pas les mêmes résultats. Pas parce qu’ils sont médiocres. C’est juste qu’à un moment, il faut aller plus loin. C’est ce leadership là que nous reconnaissons et que nous encourageons.

Bien que de profils différents, certains pensent néanmoins que vous ne valorisez pas assez les visages peu connus qui font également un travail impressionnant pour l’amélioration des soins et du système de santé en général…

Ceux qui suivent depuis trois ans cette cérémonie de remise de ces prix, vous allez remarquer si vous prenez le top 10 des femmes leaders de 2019 et celui de 2020, que nous n’avons que deux visages qui reviennent. Donc ce top 10 s’est renouvelé à 80%. Ce ne sont pas les mêmes visages. On a cette impression parce que le jury est tellement exigeant au point où en fait ce sont des visages qui mènent certaines actions. Parce que vous savez qu’il faudrait déjà occuper certaine position pour pouvoir entrainer un leadership. Vous ne pouvez pas par exemple être juste infirmier de service et prétendre entrainer un certain leadership. Il faudrait que vous ayez un certain leadership pour permettre d’entrainer un mouvement pour qu’on ait un certain résultat. Nous ne prenons pas seulement les visages connus mais nous allons aussi chercher les visages inconnus et à force d’en parler, ce visage devient très connu. Nous avons parfois vu des femmes bénéficier de la confiance de leur hiérarchie juste parce qu’elles ont été mises à la lumière du soleil.

Si les femmes avaient plus de place et postes de décisions pensez-vous qu’elles pourraient réellement impacter de manière positif et remarquable le système de santé ?

L’efficacité n’est pas dans le nombre. Ce sont des femmes aujourd’hui qui impactent le système de santé. Maintenant, si on venait à donner plus de postes aux femmes, plus de chance, si on créait encore des conditions davantage favorables au-delà de tout ce qui est fait, je pense que l’impulsion ou la dynamique des femmes serait encore plus importante. Ça veut dire que ces femmes qui ont déjà eu la chance de pouvoir faire quelque chose ; ont démontré qu’elles en sont capables, qu’elles peuvent faire mieux que les hommes. Tout ce qu’il faut aujourd’hui c’est que le Président de la république, le chef du gouvernement, le ministre de la Santé publique, les parlementaires et les autres décideurs prennent conscience que dans le secteur de la santé en particulier, la femme a un rôle important à jouer. C’est d’ailleurs pourquoi le thème de cette édition est : « La place de la femme dans la transformation du système de santé camerounais ». Parce que nous pensons que la femme a une place prépondérante, un rôle très important à jouer. Vivement aujourd’hui que tous se penchent sur la question et essaient d’améliorer ce gap qui existe en termes de parité et d’égalité genre au sein des postes de décision et qu’au niveau de la société civile également, qu’on puisse permettre aux femmes de s’impliquer davantage, d’aller plus loin.

Quel est votre Plaidoyer en faveur des femmes de la santé au Cameroun ?

Notre rêve c’est que dans les prochains mois, pourquoi ne pas avoir une première femme directeur d’un hôpital général au Cameroun ? De voir deux ou trois femmes au poste de directeur des hôpitaux centraux ? Qu’effectivement, après cette cérémonie, qu’on comprenne que le plaidoyer a marché et qu’on voit des femmes davantage impliquées ; que cela suscite une certaine dynamique dans le système de santé et tout cela pour le bien du pays, des populations et le développement du Cameroun et son émergence souhaité par le chef de l’Etat en 2035. Nous ne saurons parler de l’émergence du Cameroun en 2035 dans le secteur de la santé sans donner une place à la femme parce qu’elle représente quand même près de 70% voire plus. Je pense qu’il est temps qu’on implique et valorise davantage la femme dans le système de santé.

Quelles sont vos perspectives ?

C’est un Awards qui va se pérenniser et peut être penser aussi aux autres cibles et acteurs de santé parce que ça nous revient chaque fois. Donc, dans les années à venir, nous verrons comment organiser quelque chose de façon globale. Peut-être « Les Awards de santé » mais en gardant cette catégorie, prix de l’excellence du leadership féminin en santé. Maintenant pour ce qui est spécifiquement de ces femmes, il s’agira pour nous de continuer à les accompagner, continuer à faire le plaidoyer.

 

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.
Leave a comment

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *