Cinq mois et demi après la naissance des sœurs siamoises Merveille, leur famille en appelle aux âmes de bonne volonté pour l’évacuation sanitaire , estimée à 40 millions de Fcfa.
Merveille I et Merveille II s’accrochent l’une à l’autre pour vivre voire, survivre. Inconscientes du triste sort qui est le leur, ces nouveau-nées siamoises utilisent un seul biberon pour se nourrir. Mais celui-ci est désespérément vide ce 22 avril 2019. « Le lait est fini. Les couches aussi. Mon oncle et ma tante qui me soutiennent depuis le début ont déjà épuisés leurs épargnes », explique Laurelle Ngali, la génitrice âgée de 18 ans. Au service de chirurgie pédiatrique de l’hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Yaoundé (Hgopy) où ses bébés sont internés, Laurelle s’applique tant bien que mal à faire allaiter Merveilles I. Mais sa sœur, Merveille II, manifeste son envie de s’alimenter également. Hélas, faute de biberon, la jeune maman désœuvrée ne peut simultanément satisfaire ses deux merveilles.
Nées le 6 novembre 2018 dans un centre de santé à Ayos, les deux fillettes sont reliées au niveau de l’abdomen. D’ailleurs, c’est mal en point qu’elles ont été transférées à l’Hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Yaoundé, dans des conditions précaires. « Elles avaient ce qu’on appelle une omphalite », explique le Pr Angwafo III, Fru Fobuzshi, directeur de cette formation sanitaire. Il s’agit d’une infection du nombril qui s’est développée au niveau inférieur de l’accolement abdominal. « Nous avons soigné cela et au fur et à mesure, d’autres problèmes de santé dont des infections virales ont fait leur apparition. Au cours de cette hospitalisation, nous avons fait ce qui est nécessaire pour leur santé », rassure le directeur.
La famille bénéficie également de l’accompagnement du service social de Hgopy. Au mois de mars dernier, ce service a décaissé la somme de 100 000 Fcfa pour permettre à Laurelle d’acheter des couches et du lait pour les bébés malades. A ce jour où cet argent a été entièrement dépensé, la chaîne de solidarité autour de ce cas social reste timide et ses mobilisations modestes. « Quelques personnes m’ont déjà aidé. Parfois c’est 5 000 Fcfa, parfois moins parfois plus », confie Laurelle.
Évacuation sanitaire
La naissance des jumelles siamoises est considérée comme une pathologie rare, mais pas toujours désespérée. « Nous pensons pour ce cas précis, que la séparation vaut la peine. Le foie étant fusionné partiellement, la séparation est possible », explique le Pr Angwafo III, Fru Fobuzshi. Sauf que le plateau technique des hôpitaux camerounais n’est pas à la hauteur de cette opération particulièrement complexe. « C’est un très haut niveau de chirurgie. Du point de vue des ressources humaines seulement, il faut une multitude de spécialistes », explique un médecin.
En effet plusieurs compétences sont sollicitées à l’instar des chirurgiens pédiatriques, des chirurgiens cardiologues, des chirurgiens vasculaires, des anesthésistes réanimateurs, des plasticiens, des infirmiers de blocs… « Nous avons eu cinq réunions multidisciplinaires avec tous les spécialistes qui se trouvent à Yaoundé et à Douala et des éminents spécialistes de nos facultés en chirurgie pédiatrique, hépatique, anesthésie réanimation, pédiatrie et néonatalogie et en biologie clinique. Au départ, nous avons voulu faire une prise en charge au niveau locale. Mais on s’est buté au plateau technique qui n’était pas adéquat pour ce cas-ci », avoue le directeur de l’hôpital. A la vérité, le Cameroun ne dispose pas d’un équipement de pointe en matière de réanimation et de suivi post opérateur.
A la recherche de 40 millions de FCFA
L’évacuation sanitaire à l’étranger reste donc la seule option salvatrice pour ces enfants. Et le choix du collège des spécialistes en charge de ces bébés en détresse s’est porté sur une équipe médicale basée dans la ville de Lyon, en France. L’hôpital lyonnais a évalué le coût de l’opération à 40 millions de Fcfa et n’attend plus que la mobilisation financière. D’où l’appel à l’aide lancé par la famille à l’endroit des âmes de bonnes volontés. « J’ai besoin d’aide. Il faut de l’argent pour faire voyager mes enfants et leur donner une chance de survivre et d’avoir une vie normale », lance Laurelle.
Parallèlement, un dossier d’évacuation été introduit auprès du ministère de la Santé publique, confie le directeur du Hgopy. Si cette information rassure un tant soit peu Laurelle, la situation de Merveille II qui fait des montées de température régulières, l’inquiète. « Nous lui administrons le médicament prescrit et après quelque temps, elle revient à la normale. Le directeur passe plusieurs fois les voir. Le personnel les traite bien et passe aussi les voir à chaque ronde », reconnait la jeune mère orpheline de père et de mère. Toujours est-il qu’internées à 5 kilos et demi, les deux enfants ont déjà doublé leur poids de naissance. Cependant, leurs vies ne sont pas hors de danger.
De l’amour au cauchemar
Tout commence à Ayos en 2018. Laurelle, une jeune fille sans emploi, file le parfait amour avec son copain. Tout semble bien se passer jusqu’au 6 novembre 2018, jour de la naissance de leurs filles. « Il est arrivé mais dès qu’il a vu les enfants, il a fui. Il a dit qu’il ne peut pas avoir fait de tels enfants », relate Laurelle. Abandonnée à son triste sort, l’avant dernière-née d’une fratrie de cinq enfants n’a eu d’autre choix que de se tourner vers son oncle Eric Abe, et sa tante Christelle Mengue. C’est ainsi que le 12 novembre, ils ont été référés à la Fondation Chantal Biya. Mais, le service de pédiatrie étant en travaux, Laurelle et ses filles ont à nouveau été référées à Hgopy où elles se trouvent depuis ce temps.
Pr Angwafo III, Fru Fobuzshi, directeur de l’Hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Yaoundé.
« C’est un peu plus complexe qu’une simple opération chirurgicale »
A quel niveau se trouve le dossier d’évacuation des enfants siamois ?
Toute évacuation est réglementée. Nous sommes une structure opérationnelle. Nous montons les rapports (médical, d’enquête sociale). Tous ces rapports sont envoyés au niveau de notre tutelle technique qui en fait une étude par le conseil national de santé. C’est au vu de l’ensemble des éléments de santé regroupés que nous pouvons faire un projet d’évacuation avec un chronogramme d’activités dans ce cadre. Vous observez bien que c’est un peu plus complexe qu’une simple opération chirurgicale. Que ce soit une opération au niveau local ou étranger, il faudra l’accompagnement de la mère et des enfants par un personnel médical voir social indiqué. Ceci doit être bien identifié, étudié et il faut mobiliser les moyens y afférents. Voilà la situation. Mais ce qui est important c’est que les enfants sont bien portant. Nous continuons leur prise en charge sociale comme médicale. C’est notre contribution pour mener à bien cette opération.
Quelle est la contrepartie de la famille dans ces charges médicales ?
Comme vous l’avez-vous-même constaté, les parents sont assez démunis. Mais dans le cadre de la solidarité de notre hôpital, nous faisons tout pour encadrer ces enfants. Tous les examens radiologiques et biologiques sont entièrement pris en charge par Hgopy. Une bonne partie de la nutrition et des soins de même. Donc, nous pensons que jusque-là, malgré les difficultés, on tient bon la route.
A quand peut-on espérer l’évacuation ?
Quand il y aura mobilisation des ressources mais la séparation n’est pas l’urgence. Vous avez vu qu’elles sont bien portantes. Ça ne dépend pas de nous. Il faut savoir reconnaître ses limites.