Ordre national des médecins du Cameroun. Comment Tetanye Ekoe et Bidzogo Atangana sont tombés

Accusés d’avoir été « un peu trop rigides », ces barons de cet ordre chargée du contrôle de l’action médicale ont perdu la confiance de leurs pairs au cours de l’Assemblée générale élective du 22 mars 2019.

« La démocratie est dangereuse parce qu’elle réserve parfois des surprises ». Guy Sandjon qui tient ces propos face à la presse, ne cache pas sa peine ce 23 mars 2019 à Yaoundé. Au lendemain de sa réélection au poste de président du Conseil de l’Ordre national des médecins du Cameroun (ONMC), le candidat victorieux avec 73% de suffrages, est paradoxalement amère, voire déçu. C’est que, le vent de changement qui vient de souffler sur le bureau du conseil de l’ONMC a emporté deux de ses fidèles alliés et non moins barons de l’Ordre. D’abord le Pr Tetanye Ekoe, évincé du fauteuil de 1er vice-président du Conseil de l’Ordre avec 23 voix seulement, après avoir passé 10 années à l’Ordre. Ce pédiatre de renom, devenu inamovible au sein de l’organisation, était surtout le bras armé de l’Ordre dans la commission académique. Mais il a perdu dans les urnes et a été remplacé par le Pr Ashuntantang Gloria Enow, première femme à accéder à ce poste depuis la création de l’ONMC. La redistribution des cartes a également eu raison du Dr Bidzogo Atangana, éjecté du stratégique poste de Secrétaire général de l’ONMC. Premier employeur des médecins au Cameroun, après l’Etat, Dr Bidzogo Atangana faisait -jusqu’à vendredi dernier- partie de la première ligne des proches du président Guy Sandjon. Après 10 années passées aussi au Conseil de l’Ordre, le très influent médecin a perdu la confiance de ses pairs (avec 57 voix), au profit du Dr Gervais Gabriel Atedjoe, un allié du bureau sortant « sauvé de justesse ». « Le Dr Bidzogo n’est pas passé pourtant il était dans un collège de médecins. Il est parti, élégamment, sans discuter », confie le médecin chef de la Clinique de l’Aéroport à Douala.

Sacrifices

La pilule est donc amère pour le Dr Guy Sandjon qui entame son 4e mandat. « Connaissez-vous beaucoup de pays où on organise une élection on la perd ? Les films où l’acteur du film meurt ? C’est ce qui s’est passé hier », lâche le Président manifestement dépité par les résultats des urnes. « Ils ont sacrifié beaucoup de choses et je tiens à les remercier », dit-il, « Avec un pincement au cœur. Parce que vous savez quand on est habitué à quelqu’un, on souhaite que la personne soit toujours là ». Sauf que la page est tournée pour le Pr Tetanye Ekoe et le Dr Bidzogo Atangana. Du moins pour les trois prochaines années de mandat. Rien ne laissait pourtant présager la chute de ces cadres au matin du 22 mars, jour des élections. Le Dr Guy Sadjon et ses alliés c’étaient même accordés un petit repos pendant le déroulement du processus. Et même si la volonté d’en découdre avec des caciques du bureau sortant était perceptible chez les médecins, le tsunami des urnes n’était pas véritablement envisagé. La veille, le Pr Tetanye Ekoe a même écourté une mission pour assister à ces élections. Ceci, après avoir battu campagne électorale dans les villes comme Douala. « Mais il a été battu. C’est difficile », regrette Guy Sandjon. Surtout qu’« Il fait partie de ceux qui m’ont permis de tenir. Il apportait une touche à la formation. La commission académique c’est la meilleure des commissions et c’est grâce à lui », avoue le gynécologue.

Tête pensante

Bien plus. Le Pr Tetanye Ekoe était la tête pensante de la stratégie implémentée par l’Ordre pour lutter contre les formations médicales illégales, souffle une source. « Mais chacun a son temps. Les médecins pensent qu’il a fait son temps, ils ont voté, c’était transparent. Nous étions en poste. La plupart des votants étaient ses étudiants », commente le nouveau président de l’ONMC. Le cas du secrétaire général laisse davantage songeur, fort de ses états de services mais faible de sa rigidité. Quoi qu’il en soit, leur compagnon de ces années adresse un « Sentiment de gratitude vis-à-vis de mes camarades qui ne sont pas dans ce bureau, dans ce conseil parce qu’ils m’ont accompagné depuis près dix ans en toute citoyenneté. Mais, vous savez, c’est une démocratie et on doit respecter la volonté des médecins qui se sont exprimés dans les urnes et qui ont choisi leurs dirigeants dans les trois années à venir ».

Processus  houleux

Le renouvellement du bureau et du conseil de l’ONMC s’est donc fait à plus de 60%. « C’est la première fois que c’est aussi important. Il y avait un peu de tension, qui traduisait la vitalité de notre démocratie. Entre médecins, on se comprend bien, on doit rester correct pour que les patients puissent nous respecter », souligne le Président. D’après lui, ce fut une élection transparente, difficile, « très discutée qui témoigne de la vitalité des médecins. Impossible de tricher ». Tout au long de ce processus, la commission électorale a dû faire face aux jeunes médecins désireux de faire valoir leur droit de vote. Ceux-ci ont opposé une fin de non-recevoir à la requête de l’un des membres de la commission électorale, de voter par acclamation. Ce n’est qu’au petit matin, que le processus électoral s’est achevé. « C’était tellement dur que même le Pr Kaptué n’a pas pu voter. Il est dans le privé mais il n’avait pas apporté son autorisation d’exercer en clientèle privé », explique le Dr Roger Tchamfong.  Lazare Kaptué est en fait le premier camerounais à avoir créé une école de formation privée au Cameroun, le premier hématologue du Cameroun, le résident du comité éthique du Cameroun, l’ancien directeur de la santé. « Mais il n’a pas pu voter, parce qu’on a voulu être clair », se justifie le Président de l’Ordre.

Olive Atangana

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *