La diplomatie de couloirs bat son plein pour positionner le vaccin russe au Cameroun. A la manœuvre, un groupe d’émissaires russes mandatés par de la firme Gefest Corporation pour négocier et faciliter l’achat de ce vaccin par les autorités camerounaises. En séjour à Yaoundé depuis la mi-décembre, la mission conduite par Dimitri Sergeev espère convaincre le ministre de la Santé publique (Minsanté) d’organiser la vente de vaccins Covid-19 de fabrication russe sur le terroir camerounais.
Ils proposent principalement le vaccin Spoutnik-V développé par l’institut Gamaleya, « grand spécialiste des vaccins recombinants adénoviraux qui a produit des vaccins contre Ebola et MERS », comme le rappelle le généticien Axel Khan. Selon une étude publiée par la revue médicale de référence mondiale « The Lancet » et validée par des experts indépendants, ce vaccin à base d’adénovirus a été déclaré le 2 février 2021 efficace à 91,6% contre les formes symptomatiques du virus.
D’après les résultats présentés dans cet article et corroborés par des scientifiques indépendants, Spoutnik-V est classé parmi les plus performants et serait aussi protecteur que les deux premiers vaccins ARN déjà sur le marché, Pfizer/BioNTech et Moderna qui eux, affichent un taux d’efficacité de 94 à 95%. Il s’agit d’un vaccin en deux injections à « vecteur viral » utilisant deux adénovirus (virus très courants, responsables notamment de rhumes), transformés pour y ajouter une partie de celui qui est responsable du Covid-19.
Il peut être conservé à des températures variant entre +2 et +8°C. C’est dire que ses doses se conservent dans un frigo classique. En fait, c’est un vaccin « Compatible avec notre chaine de froid au Cameroun car c’est à cette température que sont conservés les vaccins de routine », explique un médecin épidémiologiste au Minsanté. En d’autres termes, si le Cameroun décide d’opter pour le vaccin russe, il ne sera pas obligé de changer sa chaine de froid, contrairement à certains vaccins occidentaux. Mais, « Si la conservation se fait aux températures usuelles du PEV, ça va simplement demander la mise à jour de notre chaine de froid », poursuit ce dernier.
C’est à dire, procéder à une évaluation à une évaluation de la chaine de froid sur le plan national, « En constituant un échantillon représentatif stratifié sur la base de la population, du nombre de Fosa, des distances et de l’accessibilité, qui permettra d’évaluer quel est le niveau actuel de fonctionnalités de notre chaine de froid », explique notre source. Aussi, « Si dans les districts urbains c’est facile, cela n’est pas le cas des districts ruraux où la chaine de froid reste un véritable problème », indique cet épidémiologiste.
En tout cas, comme autre avantage relevé, le coût d’une dose du vaccin Spoutnik V pour les marchés étrangers sera inférieur à 10 dollars. En d’autres termes, la molécule russe couterait deux fois moins cher que les vaccins à ARNm, ayant un niveau d’efficacité similaire. Le prix annoncé pour Pfizer est de 19,50 dollars par dose, tandis que celui de Moderna est de 25 à 37 dollars par dose. Les auteurs du rapport ne constatent aucun effet secondaire grave lié au vaccin. Son efficacité atteint même les 100% pour les formes graves du virus. Il serait donc bien plus simple à manipuler que les vaccins à ARN de Pfizer et Modema.
Polémique
Pourtant, l’annonce de ce vaccin en août 2020 par Vladimir Poutine, président de Russie, avait été accueillie avec méfiance par la communauté scientifique internationale et très critiqué pour sa conception et sa sortie rapides. Certains professeurs en biologie avaient émis des réserves et soulevés des craintes par l’absence de tests sur des dizaines de milliers de volontaires (Phase 3). Seules les phases 1 et 2 dudit vaccin avaient été menées, avec un nombre très limités de volontaires sains.
« Le développement du vaccin Spoutnik-V a été critiqué pour sa précipitation, le fait qu’il ait brulé des étapes et une absence de transparence. Mais les résultats rapportés ici sont clairs et le principe scientifique de cette vaccination est démontré », ont argumenté les professeurs britanniques Ian Jones et Polly Roy, dans un commentaire joint à l’étude du Lancet. « Cela veut dire qu’un vaccin supplémentaire peut désormais rejoindre le combat pour réduire l’incidence du Covid-19 », ont insisté ces chercheurs.
Bataille diplomatique
Si The Lancet vient de redistribuer les cartes sur le marché du vaccin contre le Covid-19 en faisant gagner des points à la Russie, rien n’est acquis pour le vaccin russe. En effet, au Cameroun, il arrive sur un terrain déjà quadrillé par des firmes pharmaceutiques occidentales dont Pfizer/BioNTech et Modema. De plus, il ne fait pas partie du package Covax dans lequel le Cameroun est lancé.
Et pour dire le moins, les chancelleries occidentales installées à Yaoundé ne voient pas d’un bon œil cette offensive russe. L’affaire embarrasse d’ailleurs les autorités camerounaises. En effet, l’entreprise russe porteur du projet de vente de ce vaccin rongent leur frein dans l’espoir d’être reçue par le ministre de la Santé publique, Manaouda Malachie auprès de qui son président a pourtant introduit une demande d’audience depuis le 18 décembre.
Quoi qu’il en soit, le vaccin Spoutnik-V est utilisé depuis plusieurs mois en Russie, en Afrique du Nord. L’Algérie a franchi le pas en même temps que l’Argentine, pays d’Amérique du Sud et a jeté son dévolu sur cette trouvaille russe.
Super billet Olive