Le bilan des 12 derniers mois écoulés passé au scanner.
12 mois se sont déjà écoulés depuis l’arrivée de Manaouda Malachie à la tête du très stratégique et sensible ministère de la Santé publique (Minsanté). Un ministère qu’il hérite au moment où l’état de santé du Cameroun est admis aux urgences. Acculé par une épidémie de choléra déclarée dans les régions septentrionales, un taux de mortalité lié au paludisme élevé, (plus 3000 décès enregistrés), une épidémie de rougeole et de Pian touchant près de 2000 à l’Extrême-Nord. Pire, Manaouda Malachie est propulsé dans ce secteur au moment où le plateau technique des formations sanitaires est vétuste de plus de 30 ans et le désamour entre patients et médecins est à son apogée. Dès son installation à la tête de ce strapontin, le natif du Mayo-Tsanaga veut ainsi y apporter sa touche. En 365 jours, l’élite de Mokolo s’est bâti une réputation de rigueur, de sérieux et de dynamisme.
N’empêche que son magistère brille par des décisions et sanctions les unes aussi controversées qu’appréciées autant par les usagers que par le corps médical Camerounais. C’est ce que votre journal a choisi d’intituler, les cinq tops et les flops de son action gouvernementale en 2019. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Minsanté ne s’est pas retournée les pouces en un an. Entre son crédo pour l’humanisation des soins et la lutte lancée contre le médicament de la rue, en passant par les visites inopinées dans les hôpitaux, la décision en faveur des malades indigents, les préalables pour la mise en place de la couverture santé universelle, la réhabilitation et équipement de certaines formations sanitaires, la distribution des cartes au niveau des services centraux et déconcentrés et l’assainissement de la carte sanitaire. Des actions (contenues pour certaines, dans le cahier de charge fixé par le Premier ministre en mars 2019), qui ont fait jaser et au bilan mitigé.
Les cinq tops
Dans ce tableau, se trouvent le management, la communication, le dynamisme, l’humanisation des soins et la sensibilisation des infirmiers et personnels des hôpitaux sur ladite humanisation des soins, De manière générale, après un mini sondage réalisé auprès des camerounais, ce sont ces actions que la plupart interrogé apprécient. Certains médecins pensent que « Son management de proximité impulse une certaine dynamique au Minsanté », tel que l’explique un cadre de l’administration centrale. Par ailleurs, « Il est en combat dans un secteur où le laisser-aller et les vieilles mauvaises habitudes ont fait leur nid. Voilà pourquoi on a l’impression qu’il prend des décisions à la hâte. Il a le mérite de s’y lancer même si le système fait tout pour que le résultat soit plus ou moins égal à 0. Il a compris l’importance de la communication et il le fait avec brio», se satisfait une journaliste et influenceuse web. Bien plus, à en croire d’autres, l’espoir est même permis avec son action gouvernementale. « C’est un ministre qui de par ses actions donne un peu espoir », soutient Irène, cadre d’un ministère.
Les cinq flops
La lutte contre le médicament de la rue engagée en juillet 2019, la mesure contre les indigents, la mise en place de la CSU, l’absence d’un plateau technique adéquat et des soins de santé de qualité, la flambée des épidémies (choléra, rougeole notamment) et les « nominations hasardeuses et ses coups de pubs dans les hôpitaux » sont les principaux flops qu’on lui colle. « Ça fait peut-être sensation dans l’opinion mais je ne vois pas ce que cela a concrètement changé en termes d’amélioration de qualité des soins », assène un enseignant de lycée. De l’avis de nombreux usagers, l’ancien pensionnaire de l’Ecole nationale d’administration (ENA) de Paris n’a toujours pas révolutionné le système de santé. Voilà pourquoi « La différence avec son prédécesseur n’est pas encore perceptible », argumente un archiviste. Pour Irène, « Il y a des combats qu’il ne peut mener seul comme cette affaire de médicaments de la rue. C’est interdit mais ça se fait quand même aux yeux de tous même des autorités en charge de la répression », regrette-t-elle. « Il est entré dans cette affaire assez précipitamment, sans vraiment mesurer l’ampleur du phénomène », s’agace une journaliste.
Griefs
Depuis un an, le jeune patron du Minsanté essuie de vives critiques, du fait de certaines décisions et sanctions prises. Par exemple, « il a sacrifié l’image du personnel auprès des patients au profit de son image à lui. Dans tous les domaines, il y a les brebis galeuses mais pour lui, tout le personnel soignant « sont » des brebis galeuses et la population le suit », indique l’un d’eux. Et la liste est loin d’être exhaustive car, « En matière de ressources humaines, une chute drastique des indicateurs se pointe à l’horizon avec les affectations intempestives et qui ne sont toujours pas basées sur les compétences », poursuit ce dernier. Un spécialiste de santé publique interrogé lui aussi, est plus caustique. « Il a réussi à démontrer que ce sont les médecins qui sont le problème du système de santé à travers les descentes musclées humanisantes et les limogeages », s’emporte ce dernier. En plus, les usagers estiment que le Minsanté n’a « pas d’action concrète pour l’amélioration de la santé des populations. Juste les sanctions envers les médecins », tance l’un d’eux.
Vision de la santé
Les ménages camerounais continuent de ployer sous le poids des couts astronomiques des dépenses de santé. Pour eux donc, il demeure tout aussi primordial d’implémenter la CSU même si c’est « un peu utopique pour le moment mais au moins mettre les préalables », en « laissant les discours et les annonces politiques aux politiciens ». Il faut aussi équiper les hôpitaux, payer les subventions régulièrement, suivre les fonds de subvention et leur utilisation, assurer la formation des personnels sur les matériels innovants, encourager la recherche au sein des hôpitaux, énumère un autre usager. « Que le ministre dise aux Camerounais quelle est son idée de la santé publique ; sa stratégie, son plan, ses priorités. Qu’il partage avec les Camerounais ses objectifs et sa stratégie. On l’attend à un niveau macro, mais pas le théâtre des visites surprises où en plus il manque de respects aux personnels des hôpitaux », reproche un expert en télécommunications.
Suggestions
En guise de suggestion donc, le personnel médical souhaite que Manaouda Malachie se penche sur des réformes de fond. Par exemple, la répartition du budget de manière « correcte : 80% en région 20% niveau central ». La gestion des Ressources humaines (RH) de manière « innovante avec primes pour éloigner les médecins des centres urbains Yaoundé et Douala, du sang neuf dans les CSI (Centre de santé intégré : Ndlr) », ne sont pas en reste. Ces derniers, tout en déplorant le fait que les avancements et reclassements ne soient pas effectif dans la plupart des cas, souhaitent aussi une augmentation du salaire des médecins et personnels de santé, la prise en compte de l’ancienneté dans les nominations en zones urbaines, la lutte acharnée contre le phénomène de rappel pour les salaires des nouvelles recrues. « Associer les syndicats dans ses actions ; payer les primes des personnels de santé et continuer à faire des descentes sur le terrain », suggère un contrôleur des prix à Garoua. Certains usagers eux, veulent une gestion plus efficace du personnel de santé, au moins un hôpital de référence par région « avec tous les moyens matériels, financiers, humains et logistiques nécessaires, etc. », précise un étudiant en médecine.