Malgré une ambiance parfois crispée, les deux parties ont convenu de mettre sur pied un groupe de travail.
Ministère de la santé publique le 30 août 2019. Il est un peu plus de 18h lorsque les portes de la salle des conférences s’ouvrent sur Manaouda Malachie. Il franchit allègrement le pas de cette porte et s’engage vers le couloir de sortie, suivi de sa garde rapprochée et de certains collaborateurs. C’est que, le Minsanté vient de passer près de trois heures de concertation avec les différents responsables des ordres professionnels du secteur de la santé et syndicats au Cameroun. Le sourire qu’il affiche semble en dire long sur l’issue ces échanges tant attendus, après trois semaines de polémiques, de piques et répliques, dans le but d’assainir la carte sanitaire du pays.
La presse qui faisait le pied de grue et avide d’en connaitre les grandes résolutions, est obligée de ronger un peu son frein. Car, Manaouda Malachie va plutôt s’arrêter dans un premier temps, au pas de la porte du secrétariat de la Division de la coopération (Dcoop), échanger une poignée de mains chaleureuse avec celui qui est désormais l’ancien Directeur de cette division, le Dr Hamadou Ba (récemment promu Doyen par intérim à la Faculté de médecine et des sciences biomédicales de Garoua) puis, les deux vont se retirer dans son bureau. Cédant ainsi le passage aux participants de ce dialogue inclusif voulu par les ordres professionnels, et finalement décidé par leur tutelle.
C’est ainsi que l’on pourra observer les mines détendues sur leurs visages, des sourires aux lèvres et une ambiance bonne enfant dans ce couloir. « Tout le monde a le sourire aux lèvres parce qu’on a échangé en toute honnêteté. Il n’y a pas eu de sujets tabous. Tous les ordres professionnels souhaitaient rencontrer le ministre pour échanger, lever les malentendus. Lui, il avait déjà un agenda ; il voulait s’en imprégner avant de nous inviter. Nous avons été très contents des échanges parce qu’il (Manaouda Malachie : Ndlr) a répondu à toutes nos questions. Et nous pensons que même s’il y a eu de petits dysfonctionnements, tout ceci est derrière nous pour la bonne prise en charge de la santé de nos populations. Il n’y a pas l’ombre d’une division dans ce que nous pensons », révèlera plus tard, le Dr Sandjon Guy, président de l’Ordre national des médecins du Cameroun (Onmc).
Pareil sentiment de satisfaction animait le Président de l’Ordre national des pharmaciens du Cameroun (Onpc) lorsqu’il s’est confié. « C’était une belle rencontre ; les divergences ont été aplanies et tout s’est bien passé. Nous avons échangé avec le ministre sur les les grands dossiers, l’aspect du médicament a été abordé avec la campagne sur le médicament qu’il a lancé, les ruptures de stocks », indique le Dr Hiag Prosper. Le président de l’Association camerounaise des administrateurs de santé publique (Acasp) lui aussi, surfe non seulement sur cette vague de satisfaction post échanges mais aussi et surtout, d’optimisme. « Je pense que ça augure de lendemains meilleurs pour tous. C’était une bonne réunion », soutient Alexis Mbalaboum Nzié.
Indiscrétions
Certes, « il était question de parler de la carte sanitaire c’est-à-dire comment et où sont soignés les camerounais ; comment sont reparties les formations sanitaires. Il était question de savoir comment canaliser, accompagner le ministre dans cet assainissement », tel que l’a dit le Dr Sandjon. Mais en réalité, le déroulement de cette rencontre à huis clos n’aura pas été sans anicroches. « L’Inspecteur général des services médicaux et paramédicaux (Dr Zoa Nanga : Ndlr) gesticulait beaucoup au départ mais tout est rentré dans l’ordre plus tard», confie une source ayant pris part aux échanges. « Au départ, les gens voulaient jouer au chat et à la souris. Ils étaient superficiels. Jusqu’à ce que le ministre reprenne la parole pour dire que nous sommes en famille et que nous pouvons tout nous dire, les journalistes n’étant plus là. Mme le secrétaire générale a donc pris la parole et c’est ainsi que progressivement, l’atmosphère s’est décrispée. A la fin on rigolait même déjà. D’ailleurs, vous pouvez le constater », confie une autre source.
Selon un troisième informateur, « l’Ordre des médecins s’est même proposé de financer le groupe de travail mis sur pied mais on leur a dit que ça s’apparentait à de la corruption ». Le dernier informateur lui, fait savoir qu’ « on avait l’impression qu’il y avait une sorte de suspicion, de défiance, de tiraillement entre le président de l’ordre des pharmaciens et le ministre au début. Il fallait relire les textes juridiques, aller dans le sens de l’intérêt général et non de l’intérêt prioritaire d’un ordre professionnel particulier». Néanmoins, à l’issue de cette réunion au cours de laquelle d’autres sujets comme les avancées sur le dossier de la Couverture santé universelle et la compagne contre la vente illicite des médicaments de la rue, des résolutions ont pu voir le jour.
Résolutions
De nombreuses sources indiquent que tous les problèmes ayant été évoqués, un groupe de travail a été créé. « Nous avons convenu de mettre en place un groupe de travail présidé par Mme le secrétaire général du ministère de la santé publique, et qui aura en son sein les cinq ordres, les personnels du ministère de la santé, Mme le délégué régional de la santé du Centre et bien d’autres personnes qualifiées, à l’effet de mettre en place une circulaire qui va permettre de lever l’équivoque. Elle comportera des directives, de clarifications. Cette circulaire, ce sera pour clarifier le décret et la loi, pour assainir définitivement le secteur de la santé c’est-à-dire arrivée à qui fait quoi, comment et à quel moment. L’autre chose c’est que nous allons continuer à nous rencontrer pour nous parler. Parce que quand on ne se parle pas ça peut créer des incompréhensions qui peuvent arriver au conflit », détaille une autre source.
« En tant que syndicat, cette réunion nous permet d’avoir des clarifications étant entendu que nous avons pratiquement 60-70% des cabinets de soins, cliniques, polycliniques privées qui n’ont pas la qualité d’exercer. Et ces formations sanitaires privées, non seulement nous doutons de la qualité de leurs soins, aux normes et protocoles, ces cabinets utilisent les personnels formés qui ne sont pas bien rémunérés, qui travaillent dans la clandestinité. Cette réunion va permettre que ce personnel puisse avoir des conditions de travail pour vivre de leur art», informe Sylvain Nga Onana, président de CAP/Santé.
Selon ce dernier, « Pour le moment, l’ordre des médecins concoure à l’éthique. Le ministère de la santé est dans son rôle de contrôle. Il y a un problème d’interprétation des textes. C’est ça qui fait problème. C’est pour cela qu’ensemble, il a été mis en place ce groupe de travail pour lever l’équivoque mais ça nous permet à nous syndicats de présenter les problèmes pour que ces structures sortent de la clandestinité ou alors ferment ».
Quoi qu’il en soit, en définitive, « Assainir la carte sanitaire c’est faire que vous ayez de bons centres de santé, de bonnes cliniques pour la sécurité de nos concitoyens », plaide le président de l’Onmc. Ce d’autant plus que « Nous poursuivons les mêmes objectifs. Nous devons donc avoir une démarche concertée, participative, inclusive pour produire des résultats. C’est pourquoi nous devrons construire une vision commune pour avoir des résultats communs. Personne ne peut réussir seul», conclu Manaouda Malachie.