Sylvain Nga Onana : « C’est un subterfuge qui permet au gouvernement de transformer le personnel en esclave »

Le Président de CAP/Santé revient dans cet entretien, sur les motivations de la grève en cours dans certains hôpitaux publics et de leurs attentes vis à vis du gouvernement.

Rendu au 4e jour de la grève, qu’elle est la situation sur le terrain ?

La situation sur le terrain est à la prise de conscience des personnels de santé qui viennent de plus en plus dans les piquets de grève. Donc, pour le moment nous tenons bon et les personnels de santé continuent à se mobiliser.

Avez-vous la ferme conviction que cette fois ci, le gouvernement veut apporter des solutions concrètes à vos revendications ?

Nous avons la conviction que le gouvernement veut apporter des solutions à nos revendications. La preuve c’est que hier (24 mai : Ndlr), le ministre secrétaire général des Services du Premier ministre a commis un message porté afin de convier les syndicats et les sectorielles concernées par le dossier à une réunion dans ses services mardi le 30 mai.

D’après vous, pourquoi le gouvernement n’a jusqu’ici pas apporté de solutions concrètes à ces problèmes ?

La question devrait être posée au gouvernement sur pourquoi jusqu’ici, il ne trouve pas des solutions aux problèmes connus et pertinents posés. Nous sommes de pauvres personnels qui donnons le meilleur de nous-mêmes pour soigner la population camerounaise.Le gouvernement pour le moment n’a apporté aucune solution aux problèmes posés. Nous sommes dans l’impasse certes mais nous continuons à nous retrouver. Nous attendons le geste du gouvernement. Qu’il s’engage à résoudre nos problèmes.

Concrètement, pourquoi la grève persiste dans les hôpitaux publics ?

Nous voulons que les personnels dit occasionnels ou précaires qu’on utilise sans contrat ni immatriculation à la CNPS soit effectivement contractualisé. Pour qu’ils sortent de la précarité et vivent décemment de leur art. Nous attendons que le gouvernement signe les textes qui ont été transmis à son niveau. Et permettre que les soignants ne soient plus mal soignés, qu’ils aient encore confiance en leur gouvernement. Aujourd’hui, ils pleurent dans la rue ; ils expriment leur ras le bol par rapport aux engagements non tenus par le gouvernement. Donc nous attendons le geste du gouvernement. Ensuite, nous rentrerons vers la base pour nous donner la conduite à tenir. Parce que nous ne sommes que des portes paroles, des gens qui ont été choisis pour parler au nom de la masse. Pour les autres, il faudra reconstituer leur carrière. Je prends un exemple: Comment comprendre qu’au Cury (Centre des Urgences de Yaoundé: Ndlr), on retienne de manière illégale de l’argent au personnel sensé être reversé pour la CNPS. Or ce n’est pas un hôpital de première catégorie. C’est une direction du ministère de la santé. Que font les inspections au niveau du ministère pour venir vérifier que ces gens on leur coupe illégalement l’argent depuis neuf ans ? C’est une autre frustration de plus. Le personnel de santé est malade mais il ne peur-t pas être pris en charge. Ce sont toutes ces frustrations qui ont conduit à la grève d’aujourd’hui. Ces enfants qui sont là depuis 9, 15 à 19 ans, que comptes vous faire d’eux ? Un responsable de la République nous a dit hier que la loi ne reconnait pas les imbéciles. C’est-à-dire que ces personnels-là qui travaillent, qui se dévouent à la tache quand on demande qu’on régularise leur situation, on nous répond que nul n’est censé ignorer la loi et que la loi ne protège pas les imbéciles. Voilà ce qui a mis le feu aux poudres.

Des sources bien introduites et proches du dossier au Minsanté et Minfopra disent que l’Etat n’a pas les moyens de recruter en masse. Que répondez-vous à cela ?

Pourquoi avoir créer autant de formations sanitaires publiques sans penser aux personnels qui doivent y travailler ? En fait c’est un subterfuge qui permet au gouvernement camerounais de transformer le personnel employé en esclave. Pourquoi ne pas arrêter leur utilisation. Neuf ans sans retenue à la CNPS, avec des retenues CNPS non reversées comme au Cury et à l’hôpital régional de Bafoussam…Ces personnels travaillent pourtant et leur contrepartie c’est le salaire.

Selon certaines indiscrétions, il vous aurait été proposé de l’argent pour laisser tomber la grève. Est-ce avéré ?

Qui nous propose de l’argent ? Pour quoi en faire ? Nous serons toujours esseulés et parfois un peu peinés quand il y aura toujours des suspicions. Les syndicats font un travail de sacerdoce c’est-à-dire de porter les problèmes et revendications de la base auprès des grands décideurs. Pourquoi toujours ce soupçon ? Hier avec le même gouvernement nous avons eu quelques satisfactions. Était-ce au prix de la corruption c’est-à-dire on nous a donné l’argent ou on est en train de nous donner de l’argent. Ce n’est pas de notre côté. S’il y avait même eu de l’argent, certainement que la grève ne se serait pas tenue. Par soucis républicain, responsabilité et patriotisme, nous avons évité ce qui est entrain de se passer en ce moment. Le 13 août de l’année dernière, quand le gouvernement a demandé qu’on leur accorde les six mois qui sont échus là, allez leur demander s’ils ont donné 1F aux syndicats ou à leurs porte-parole. Nous sommes des syndicats responsables. Nous voulons partir de la précarité et vivre décemment de notre métier. S’ils devaient nous payer ce sera à hauteur de combien ? C’est une corruption de bas étage. Je le redis et le réitère : personne ne nous a approché pour nous donner quoi que ce soit. J’estime que c’est trop bas et regrettable. Nous étions au Minsanté de lundi à mercredi. Nous avons tenus trois réunions et nous nous sommes rendus compte que le gouvernement n’avait rien à proposer comme solutions à nos problèmes. Nous attendons que le gouvernement puisse prendre ses responsabilités et apporter des réponses aux problèmes qui sont posés. Qu’ils résolvent les problèmes. Ceux posés sont très pertinents. Quelle est la performance que vous attendez d’un soignant qui est mal soigné ? Certains formations sanitaires et CSI sont tenues par ces personnels-là qui vaccinent, qui font même accoucher. Nous avons besoin des réponses claires du gouvernement. Que le gouvernement cesse de jongler. Il n’a pas besoin de le faire surtout avec les soldats de la santé.  Nous allons continuer à revendiquer jusqu’à ce que le personnel de santé se sente mieux et vivent décemment de leur travail.

Olive Atangana

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.

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