Riposte au Coronavirus. La question de la fermeture des frontières divise
Avec la confirmation d’un 5e cas testé positif ce 16 mars, de nombreux camerounais pensent que le Cameroun doit restreindre les mouvements des populations et les vols.
La situation s’aggrave au Cameroun. Ce lundi 16 mars 2020, aux premières heures de la matinée, un 5e cas testé positif au Coronavirus dans la nuit du 15 mars a été enregistré. Le malade est arrivé de France le 2 mars, et a commencé à développer les symptômes le 7 mars. La veille, le pays notifiait aussi son 4e malade. Ceci, un jour seulement après le 3e cas. C’est un camerounais de 34 ans, arrivé au Cameroun sur un vol de Brussels Airlines. Il revenait de Belgique, après un séjour d’un mois. Il est confiné à l’hôpital Jamot de Yaoundé, l’un des sites d’isolement aménagé à cet effet, où il reçoit « un traitement adéquat ». C’est dire que la maladie progresse. « Nous sommes sur la pente exponentielle de la courbe et le nombre de patients devrait doubler environ tous les 6 jours », prévient un médecin.
Au moment où ces nouveaux cas de contamination portent à cinq le nombre de personnes atteintes par cette pneumonie virale au Cameroun, la question de la fermeture des frontières agite davantage l’opinion publique nationale et divise. Surtout à l’aune des grands rendez-vous sportifs que sont le Chan 2020 et la CAN 2021. D’un côté, ceux qui soutiennent qu’il devient impératif de prendre cette mesure qui pourrait s’avérer salutaire pour le pays, afin de limiter les cas. C’est d’ailleurs la classe prédominante. « J’appelle à la fermeture temporaire de nos frontières aux personnes provenant ou ayant transité par les zones de fortes contaminations », soutient un internaute.
A sa suite, un autre croit savoir que « Des restrictions s’imposent davantage allant jusqu’à la mise en quarantaine systématique. Les commentaires selon lesquels l’Afrique supporterait mieux l’effet vont nécessairement drainer les foules dans le sens inverse ». Les avis de nombreux camerounais abondent ainsi dans le même sens. Morceaux choisis : « Je crois qu’il est plus que grand temps d’interdire les vols en Provenance de l’Europe. Ils voyagent avec le Coronavirus et viennent déposer ça ici » ; « Qu’on bloque les entrées des vols au Cameroun au lieu de continuer à nous mettre en danger ».
Même le corps médical n’est pas en reste. « A mon avis, il faut soit les mettre en quarantaine, soit fermer les frontières à ces pays. Le Cameroun n’a aucun moyen de gérer même 50 patients graves seulement », soutient l’un d’eux. Une autre source sanitaire proche du dossier confie avoir suggéré cette mesure dès la confirmation du 2e cas. En vain. Des avis que ne partage pas un de leur confrère, par ailleurs spécialiste de Santé publique. « C’est inutile », martèle ce dernier.
En effet, d’un autre côté, certains pensent que « Nous n’avons pas intérêt à le faire ». Et pour cause, « Le Cameroun n’est malheureusement pas assez autonome pour fermer ses frontières. Même le Cure-dent est importé », écrit l’un d’eux. Il est rejoint dans cette posture par le Dr Albert Ze. « Comment voulez-vous qu’un pays qui vit des importations fermes ses portes à ses fournisseurs ? », s’interroge l’économiste de la santé. Et de trancher : « Qu’on essaye. Même le cure-dents on aura plus ».
Limiter les mouvements et la propagation
Un autre médecin, spécialiste en Santé publique lui aussi, explique : «Beaucoup de gouvernement prennent des décisions fantaisistes qui ne sont forcément pas efficaces ». Selon lui, il faut « simplement limiter les mouvements des populations, il faut des actions coordonnées. Par exemple les vieux de leur côté, faire glisser les dates des examens officiels. Certaines de ces mesures ont marché en Chine. Si on teste bien dans la population on va trouver plus de cas. Il faut simplement appeler au civisme ».
Certains de ses confrères partagent également cet avis. « Il faut déjà limiter les contacts entre les individus au maximum pour limiter la propagation », argumente un autre médecin. En fait, réunions publiques, agences de voyages, établissements scolaires, rien ne doit être laissé pour compte. Ce d’autant plus que « Le principal risque c’est le risque d’importation », tel que l’indique le Dr Etoundi Mballa, directeur de la lutte contre la Maladie, les Epidémies et Pandémies.
Circulation suspendue entre le Tchad et le Gabon
Dans la sous-région Afrique centrale, deux pays ont déjà restreint les mouvements à leurs frontières avec le Cameroun à cause de cette maladie. Il s’agit du Gabon et du Tchad. Les mesures prises par exemple par le Tchad concernent les entrées sur le territoire tchadien mais aussi, la traversée en pirogue tout le long du Lac Tchad. Seulement, Beguy Djimoundoum, économiste spécialiste en conception et évaluation de politique publique, estime que cette mesure aura de lourdes conséquences sur les populations frontalières. « Il y a rareté des ressources alimentaires. Les prix vont augmenter, et cela doit avoir de conséquences que les autorités ne pourront pas toujours évaluer », a-t-il déclaré.
Coté Gabon, Libreville a suspendu provisoirement la circulation sur sa frontière terrestre avec le Cameroun. Mais, n’a pas fermé celle-ci de manière totalement hermétique car l’axe concerné est vital dans le ravitaillement de la capitale gabonaise en vivres fraîches. En effet, beaucoup de fruits et légumes consommés à Libreville, tels que le manioc, la banane, les taros ou les haricots, sont importés du Cameroun par voie terrestre. Les camions de transport des marchandises ont donc le droit de passer à la seule condition de se soumettre aux contrôles sanitaires.
Selon le bilan officiel du 15 mars, plus de 159 844 cas d’infection sont dénombrés dans 137 pays avec 6 420 personnes officiellement décédées. Les plus touchés après la Chine sont l’Italie avec 1 441 morts pour 21 157 cas, l’Iran avec 611 morts (12 729 cas), l’Espagne avec 183 morts (5 753 cas) et la France avec 91 morts (4 500 cas).