L’infirmier supérieur par ailleurs Major adjoint à l’hôpital Central de Yaoundé revient sur les détails de leur arrestation, les conditions de détention et ce qui leur était reproché.
Vous avez été interpellé ce 5 juin devant l’esplanade du ministère de la Santé publique pendant que vous manifestiez pacifiquement, pour être conduits au Commissariat Central numéro 1 de la ville. Que s’est-il passé en ces lieux ?
C’était convivial. Nous n’avons pas été maltraités, il faut le signaler. Même si nous avons noté quand même quelques stress. Vous savez que l’environnement d’un commissariat n’est pas vraiment convivial. Les gens sont restés debout toute la journée. Parmi nous il y avait des jeunes pour qui c’était la première fois et expérience d’entrer là-bas. Vous pouvez imaginer le traumatisme. Nous n’avons pas été violentés sur le plan physique mais sur le plan moral, nous avons quand même pris un coup parce que passer toute une journée c’est-à-dire de 7h30 à 21 heures dans l’enceinte du Commissariat Central, loin de votre famille et autres, ce n’est pas vraiment facile à vivre. Dieu merci, ils sont revenus à la raison et nous ont libéré autour de 21h. Nous avons eu la promesse du Préfet du Mfoundi d’encadrer ce mouvement qui est somme toute citoyen. Nous ne sommes pas là pour casser ou empêcher les gens de faire leur travail. Nous sommes là simplement pour nous faire entendre. Nous en avons ras le bol par rapport à nos conditions de travail. Nous avons été relâchés et la grève continue.
Qu’est-ce qui vous était reproché ?
Nous qui avons été auditionnés, le motif de notre arrestation c’était « Regroupement et troubles à l’Ordre public ». Pourtant nous étions assis ici et ils sont venus nous porter manu militari. Ce qui est encore aberrant c’est que c’est depuis le 22 mai que nous manifestons pacifiquement ici et sommes encadrés par les forces de l’ordre. Les trois derniers jours de la semaine dernière, ils ne sont même pas passé parce qu’ils avaient une confiance absolue en nous. Parmi nous il y a des responsables. Je suis surveillant général, responsable syndical, membre d’une association. Et c’est le cas de plusieurs ici. Nous encadrons pour qu’il n’y ait pas des infiltrations et des récupérations politiques. C’est l’un de nos challenges aujourd’hui. Toutes ces personnes sont impliquées dans la santé de près ou de loin. Certains sont des fonctionnaires, temporaires, infirmiers, contractuels. C’est par solidarité que nous sommes là parce que nous travaillons ensemble et nous ne pouvons pas admettre de travailler avec des personnels démotivés. Dans un contexte où le ministre de la santé lui-même prône l’humanisation des soins, on se pose la question de savoir comment on peut humaniser les soins et négliger ceux-là qui sont chargés d’humaniser ces soins. Il faut commencer par l’humanisation de ces personnels de la santé. Nous pensons que c’est la dernière des priorités de notre tutelle. Parmi ces motifs de revendications nous sommes conscients que le ministre de la santé publique ne recrute pas. Mais qu’il se comporte en vrai père des enfants. Quand vous avez un enfant à la maison qui vous pose un problème, vous n’allez pas l’envoyer chez le voisin. Si vous n’avez pas d’argent vous irez en chercher, vous vous battrez pour votre enfant et pour lui venir en aide. C’est ce que nous lui demandons.
Que peut-il faire en l’état actuel des choses ?
Qu’il nous manifeste sa volonté d’agir avant de ne pas pouvoir. Le dialogue semble rompu. Voyez-vous, depuis qu’il est là, on se serait attendu à ce qu’en père, qu’il descende quand même rencontrer ceux qui manifestent devant son ministère. Mais au contraire, Monsieur le ministre pense que les personnes qui sont dehors sont instrumentalisées par nos leaders. Et nous pensons que c’est une insulte à notre égard. Parce que nous savons parfaitement ce que nous voulons. Nous ne sommes pas instrumentalisés. Voilà la posture de Monsieur le ministre de la Santé publique si vous ne le savez pas. Il pense que nous sommes instrumentalisés. Alors nous lui disons que nous ne sommes pas instrumentalisés. Quelqu’un qui a travaillé pendant 9 ans dans des conditions précaires ne peut pas accepter en manifestant son mécontentement, qu’on lui manque encore de respect en lui disant qu’il est instrumentalisé. Chaque personne ici représenté a un problème. Celui qui n’en a pas est tenu par solidarité d’accompagner et de suivre le mouvement de la grève. C’est pour cela que nous disons qu’il a sa part de responsabilité. Et tout converge vers cela. Puisque lorsqu’on va au premier ministère, on nous dit que le dossier a été transmis au ministère de la santé pour compétence. Nous allons au ministère du Travail et de la Sécurité sociale, on nous dit que le dossier a été transmis à votre ministère pour diligence. Qu’est-ce qu’on fait dans ce cas ? Si ce n’est venir réclamer pour que le ministre de la santé nous parle parce que nous avons l’impression que ce sont des promesses fallacieuses. Ils ont demandé quatre mois pour résoudre le problème. Nous leur en avons donné six. Nous sommes au neuvième aujourd’hui. Qu’est-ce qu’on fait ? On va continuer d’attendre jusqu’à quand pour qu’on nous dise que les dossiers sont sur la table ? Non. Que les gens arrêtent de s’asseoir sur nos dossiers et qu’ils prennent ce problème au sérieux. Qu’ils prennent nos problèmes sérieux.