Lurgentiste.com – Les Drs Joël Marcelin Ateba et Annie Prudence Bisso ne sont plus, respectivement, secrétaires permanents du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP) et du Programme national de lutte contre la tuberculose (PNLT). Remplacés par les Drs Zeh Meka Albert Frank (nouveau SP PNLP) et Owona Manga Appolonie Tecla Cristelle (SP PNLT), ils ont officiellement quitté leurs fonctions les 2 et 3 avril 2025. Les passations de service ont eu lieu quatre et cinq jours après leur limogeage par le ministre de la Santé publique, Manaouda Malachie, le 29 mars.
La rapidité avec laquelle ces remplacements ont eu lieu n’est pas anodine. Des sources proches du PNLP et du ministère de la Santé publique (Minsanté) confirment que ces décisions sont directement liées à l’arrivée imminente d’une mission de haut niveau du Fonds mondial au Cameroun. Les deux responsables paient aussi le prix de plusieurs irrégularités relevées par ce bailleur de fonds majeur dans la lutte contre le paludisme, la tuberculose et le VIH.
Parmi les manquements figurent des détournements de fonds et de médicaments subventionnés. Le Fonds mondial dénonce également la péremption de produits de santé d’une valeur de 6,1 milliards de FCFA. Il pointe aussi la mauvaise gestion des fonds, l’absence de pièces justificatives pour certaines dépenses, et l’achat de 239 congélateurs de laboratoire d’occasion. Des cas de double décaissement pour le transport des moustiquaires imprégnées à longue durée d’action (MILDA) ont aussi été relevés. Autre reproche important : l’absence de mécanismes pour prévenir et gérer les risques de fraude.
Purge et règlement de compte
Pour toutes ces raisons, « le Fonds mondial a exigé des signaux forts témoignant de la ferme volonté de l’État de sécuriser la gestion axée sur les résultats (GAS) des intrants antipaludiques », confie une source proche du dossier au PNLP. Ces signaux forts consistaient, selon la même source, « à remplacer tous les responsables impliqués de près ou de loin dans ce scandale, y compris le ministre de la Santé publique », confirme-t-on à l’Instance de coordination nationale.
Sauf que, « on a sacrifié ceux qui n’étaient pas derrière tous ces problèmes, mais on donne l’impression que c’était eux. Normalement, les trois secrétaires permanents devaient partir. On a excusé celui du VIH parce qu’il est arrivé après les faits », indique une source au Minsanté.
Un avis que ne partage pas notre source au PNLP. À ses yeux, « le boss (Dr Ateba, NDLR) est l’ordonnateur des bons de commande de sortie des intrants de la Cename vers les Fonds régionaux, pour le ravitaillement des Fosa, à partir des commandes des Délégués régionaux de la santé ».
De ce point de vue, « l’absence de traçabilité sur les sorties des antipaludiques engage sa responsabilité, ainsi que celle des autres acteurs de la chaîne d’approvisionnement. Il s’agit notamment de ceux qui effectuent la quantification, et de ceux qui valident et ordonnent le redéploiement à partir de la centrale vers les régions… C’est une chaîne », explique notre source.
Néanmoins, elle estime que « ça pourrait être le début de la purge, en plus du remboursement de plus d’un milliard de FCFA liés aux commandes injustifiées ayant entraîné la déperdition des médicaments ».
Responsabilité au sommet
Dans tous les cas, « on sait tous où est le problème. Tout cela est de la responsabilité du Minsanté », soutient une source au ministère de la Santé publique. À sa suite, son confrère ajoute : « La crise est imputable à des défaillances, et pour calmer le Fonds mondial, le Cameroun doit se séparer de certains responsables ». Quoi qu’il en soit, « cette visite (qui commence le 7 avril prochain, NDLR) n’augure rien de bon », prédit-il d’ores et déjà.
À noter que la mission conduite par Mark Edington, chef de la Division de gestion des subventions du Fonds Mondial, a pour objectifs principaux de discuter des conclusions de la revue des risques menée par le Secrétariat du Fonds mondial. Cette mission portera particulièrement sur trois axes. Il s’agit des cas de non-conformité identifiés dans la gestion financière des subventions et de la chaîne d’approvisionnement ; de la gouvernance de la chaîne d’approvisionnement, y compris le stockage et la distribution des intrants ; de la concrétisation des engagements de cofinancement pris par le gouvernement du Cameroun.