Prise en charge des cas. Le casse-tête permanent
Confinement à domicile sans suivi, personnel de santé « désorganisé et démotivé », traitement et examens payants, tests de dépistage « peu fiables », prise en charge clinique « inadéquate » des patients, capacité d’accueil actuelle « dépassée » ou « en passe de l’être » et protocole thérapeutiques dépassé. Voilà autant de griefs formulés autant par la classe médicale que l’opinion publique, contre la prise en charge des patients infectées au Covid-19 au Cameroun. Mathurin vient d’ailleurs d’en faire les frais. Ce jeune cadre employé dans une structure internationale se remet progressivement de ce virus qui l’a cloué au lit pendant deux semaines.
Comme protocole clinique, il a reçu de l’Azithromycine « et un autre médicament où les écritures étaient en chinois » dans le Centre de prise en charge au sein duquel il a été consulté et dépisté. Il a dû se procurer à ses frais, le calcium, le Zinc et la nivaquine prescrits par le personnel. « Ils ont dit qu’il n’avait pas ces produits-là», précise ce dernier. Mais pour lui, le plus grave c’est « Qu’aucun de mes cas contacts n’a été appelé », fulmine ce dernier. De plus, « Quand votre test est positif, le personnel médical ne vous dit pas quelle est l’attitude à adopter, on ne vous demande même pas comment vous vous sentez. On expédie juste le malade. Tout est fait comme si ces gens sont uniquement là pour tester et collectionner les cas. Votre prise en charge dépend de vous », critique ce dernier.
Autre témoignage, celui de Serge. Interné dans une formation sanitaire publique à Yaoundé après un test positif, il a dû payer les frais de ses examens complémentaires parmi lesquels la radio du thorax. D’après nos sources, le Centre de prise en charge Orca à Yaoundé fait payer aux familles les ordonnances et les examens à leurs patients. « On leur demande de faire les examens à l’extérieur », confirme un médecin en service dans ce Centre. Suffisant pour conclure que, « Les pouvoirs publics ne jouent pas franc-jeu dans la prise en charge réelle des cas», affirme Sylvain Nga Onana, président du syndicat CAP/Santé. Selon certaines sources médicales, les capacités d’accueil actuelle sont « saturés ». Selon d’autres, « en voie de l’être ». Pour l’instant, « Plusieurs personnes se soignent encore à domicile. Quand le nombre de morts va atteindre un certain niveau, ce sera plus visible », indique un médecin.
Le Cameroun utilise comme protocole thérapeutique l’Azithromycine, la chloroquine, le Zinc, la vitamine C et le paracétamol. Mais à en croire certains professionnels, celui-ci est dépassé et par conséquent, il faut le revoir. En effet, « Le protocole doit d’abord statuer sur les examens à demander. Le scanner thoracique doit être officiellement réintégré, ainsi que d’autres examens qui détectent précocement les caillots de sang. Il y a dans le traitement l’ajout des corticoïdes comme la dexaméthasone et l’apport d’autres molécules autres que la chloroquine », préconise un médecin au Centre des urgences de santé publique. Pour lui, « Il faut également standardiser l’oxygénothérapie, vulgariser la surveillance de la saturation, réorganiser le dispositif de dépistage et d’accès aux urgences, organiser la surveillance et la prise en charge à domicile ».
Il plaide aussi pour l’organisation d’«un colloque scientifique où toutes les personnes y compris les naturopathes ou tradipraticiens exposent leurs résultats. Au bout du compte, on pourrait avoir des protocoles harmonisés, acceptés de tous et très efficaces ». Son confrère au cœur dans la prise en charge des patients et par ailleurs membre du conseil scientifique lui, soutient que « Nous devons renforcer la prévention et la capacité de prise en charge. Il s’agit de 80-95% du problème qui nécessité un vrai investissement non vaccinal ».
Moyens financiers et matériels. Dotation à géométrie variable dans les Districts de santé
Malgré la décentralisation de la riposte nationale contre le Coronavirus, des responsables de certaines formations sanitaires se plaignent de ne pas disposer de moyens matériels et financiers pour mener la lutte. En effet, pour riposter contre le Coronavirus, le personnel du district de santé d’Ayos et de l’hôpital régional annexe de la même ville, dit par exemple ne disposer que de « quelques tests de dépistage rapide très insuffisants ; de quelques matériels de protections, gants, masques, chlore et autres » et de deux concentrateurs d’oxygène. Pour l’heure, «Nous n’avons pas de moyens financiers. Ce qui fait que nous sommes obligés de confiner les patients chez eux, même si c’est risqué puisqu’ils ne respectent pas toujours ce protocole », explique un médecin en service au sein de cette formation sanitaire publique. Conséquence, « Le dépistage massif des élèves et enseignants ne peut plus avoir lieu comme prévu, faute de tests et de moyens financiers de déplacement. Nous allons peut-être les dépister au retour des congés de pâques », poursuit ce dernier.
En résumé, cette Fosa a « quelques tests rapides et équipements de protection, mais pas de moyens financiers pour la prise en charge complète des patients et pour se mouvoir dans tout le district », liste notre source médicale. Aussi, « L’appui financier date. Ce sont les 10 millions de la dernière fois et depuis, nous n’avons plus rien reçu ». Même son de cloche dans la région du Nord. « On nous demande de tester les malades mais nous n’avons pas d’équipements de protection. Ce qui fait que vous dépistez en vous exposant. Quand vous avez des cas positifs, vous faites face à une absence de moyens pour leur prise en charge », confie un directeur d’hôpital de district. Amère.
Dans le Nord-Ouest, des sources médicales au sein de l’hôpital de District de Nkwain dans la ville de Bamenda, affirment elles aussi être sans moyens matériels et financiers de riposte. Pour lutter contre le virus mortel, un accent est mis sur le respect des mesures barrières, le port du masque, la distanciation physique. « Ils sont vraiment stricts sur ces aspects. Nul n’y entre s’il n’a un masque de protection et ils veillent à la distanciation physique», confirme un ressortissant de cette ville. A Meyomessala dans la région du Sud, il y a un mois, l’hôpital de district a reçu des masques, tests, lits, thermomètres infrarouges, oxymètre, tensiomètres, lits, surblouses, visières, deux extracteurs d’oxygène. Pareil pour Meiganga où le DS s’est vu doter du matériel nécessaire pour la riposte. Il s’agit des Equipements de protection individuelle et de 4 concentrateurs d’oxygène entre autres.
En matière d’équipements, « Les formations sanitaires ne sont pas au même niveau », confirme l’une de nos sources impliquées dans la riposte nationale. Selon celui-ci, le Cameroun dispose de « très peu de réanimateurs » et « avant la crise, il n’y avait pas plus de 10 réanimateurs fonctionnels au Cameroun ». Certes, de nombreux concentrateurs d’oxygène et respirateurs (252 au total selon le Minsanté) ont été achetés et distribués dans les DS sur le territoire national. Cependant, « Il faut déterminer la bonne organisation du système de soins et dire où installer, faire la maintenance, parce que la crise va durer », recommande ce dernier.
A noter que le 11 mars 2021, les DS des 10 régions du pays se sont officiellement vu doter à nouveau de 10 millions de Fcfa dans le cadre de la riposte contre le Covid-19. Cet argent servira principalement à la recherche active des cas (3 millions 500 mille Fcfa), à l’hygiène et assainissement (3 millions de Fcfa) et à la coordination (3millions 500 mille Fcfa).
*Prochains articles :
Vaccin. La difficile équation du sérum idéal
Solutions endogènes. Enfin la reconnaissance ?