A l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le cancer le 4 février dernier, le Secrétaire permanent du Comité national de lutte contre le cancer nous a accordé une interview au cours de laquelle il s’est étendu sur les progrès accomplis dans la lutte contre cette maladie au Cameroun mais aussi et surtout, sur les défis dans le traitement et la prise en charge. Lire l’entretien avec le Pr Paul Ndom.
En 20 ans, quels sont les progrès accomplis par le Cameroun dans la lutte contre le cancer ?
Beaucoup de choses ont été faite dans la lute contre le cancer. La première a été la sensibilisation, l’éducation. Le cancer qui était tabou est maintenant progressivement reconnu comme une maladie comme les autres et non plus un sort lancé par des personnes de mauvaises intentions. C’est un progrès indéniable. Le cancer a été pratiqué il y a 20 ans par deux ou trois personnes. Je pense au feu Professeur Anomah Nguh, au Professeur Bidzanga. Mais à ce jour, plus de 20 personnes s’occupent du cancer au Cameroun avec des compétences établies. Il y a plus de centre de traitement à présent. A Douala, à l’hôpital Général, Laquintinie, à l’hôpital Généco-Obstétrique et Pédiatrique de Douala, on s’occupe du cancer. A Yaoundé à l’hôpital général, à l’hôpital Gynéco obstétrique et pédiatrique, au CHU et à l’hôpital Central, on s’occupe du cancer. Sans oublier les centres privés et missionnaires comme la CBC qui s’occupent également du cancer. Donc, il y a plusieurs approches. Le ministère de la Santé a également fait de la lutte contre le cancer une priorité et a créé un Programme national de lutte contre le cancer en 2002. Aujourd’hui, ce Comité ne fait que s’agrandir et va atteindre sa vitesse de croisière en 2020 puisqu’il vient de rédiger son plan stratégique national pour la prévention des cancers et l’adoption va avoir lieu bientôt. En dehors de ceci, il y a une formation en ressources humaines qui se fait à la Faculté de médecine de Yaoundé et nous comptons avec l’aide de nos partenaires, essayer de compléter ces formations par des petits stages à l’étranger. Donc, nous pensons qu’avec ces éléments, nous voyons le cancer mieux se structurer pour pouvoir servir la population camerounaise.
On constate quand même malgré ces progrès énumérés, que le nombre de nouveaux cas de cancer a connu une augmentation entre 2010 et 2018, passant de 10 000 à 15 579 malades. Qu’est ce qui peut justifier ceci ?
Ce qui fait problème, c’est que d’abord ceux qui font ces diagnostics sont nombreux. Donc ça nous permet de voir les cancers qui se cachaient et qu’on étiquetait comme d’autres maladie. Ensuite, je vous ai cité les centres de prises en charge. Ce qui fait que quand on arrive à regrouper ces informations à travers nos registres des cancers bien qu’on ait des difficultés pour certaines phases en ce moment. Maintenant qu’on sait qu’il y a un endroit où on peut trouver la radiothérapie, la chimiothérapie, le malade a tendance à venir à l’hôpital. Et comme on soigne certains cancers, ils ne meurent plus tous. Donc, cette prévalence-là fait que les cancers ne font qu’augmenter. Les nouveaux et les anciens cas. Donc c’est normal que les cas augmentent aussi.
Vous dites que le malade a aujourd’hui tendance à venir à l’hôpital…Sauf que le diagnostic, la prise en charge demeurent problématique et le cout du traitement toujours très élevé…
Le coût est toujours élevé parce que les gens pensent que c’est le malade seul qui doit dépenser pour son cancer. Dans beaucoup de pays, le cancer est pris en charge à 100% à travers les assurances, les contributions des hommes de bonnes volontés. Donc, si l’humanitaire n’a pas sa place au Cameroun, on comprend que le pauvre malade du cancer va se ruiner et ruiner toute sa famille qui cotisera pour sa maladie parce qu’il n’y pas d’assurance maladie encore fonctionnelle au Cameroun. Donc, le traitement du cancer est coûteux quel que soit le pays. Mais ailleurs, c’est supporté par les âmes de bonnes volontés.
Vous semblez dédouaner l’Etat… Pourquoi ce n’est pas le cas au Cameroun ?
Le ministère de la Santé est un peu débordé par les demandes pour la prise en charge du Cancer. Ça deviendra le cas au Cameroun grâce à toute cette action de sensibilisation que nous sommes en train de faire. Le ministère de la Santé est en train d’organiser une Couverture santé universelle. Quand ça va aboutir et qu’on va intégrer le cancer, ce sera bienvenu. Mais dite à nos grandes fortunes du pays d’investir aussi dans le cancer. Il y a des gens assez riches qui peuvent sortir 10 à 20 millions de Fcfa pour appuyer la lutte contre le cancer. Ces gens là sont les bienvenus au Comité pour appuyer le ministère de la santé qui est un peu débordé par les demandes pour la prise en charge du cancer.
Quelle est la stratégie du Comité national de lutte contre le cancer pour lutter contre cette maladie ?
La stratégie est simple. Nous sommes en train de restructurer le Comité afin qu’il puisse disposer suffisamment de personnel pour affronter cette lutte. Qu’il puisse négocier des moyens pour lui permettre d’aller dans l’arrière-pays, s’occuper aussi des malades du cancer là-bas. La 2e stratégie est d’élaborer un plan stratégique de cinq ans pour pouvoir lutter contre le cancer. Le plan stratégique est une boussole qui permet de guider les actions de façon bien coordonnée, bien ordonnée et nous pensons qu’avec ces deux éléments, et le troisième qui est le dépistage systématique et permanent des cancers, nous allons ainsi dépister les légions pré-cancéreuses et les soigner efficacement, réduisant ainsi les cancers qui pourraient suivre ces lésions si elles n’étaient pas soignées. Voilà nos trois stratégies que nous voulons mettre sur pied et nous voulons nous appuyer sur les journalistes qui doivent nous aider à diffuser toutes nos mesures de prévention à travers la communauté.
Certains pensent que lorsqu’on souffre du cancer, on est condamné… Le cancer est-il une maladie curable et comment lutter contre cette maladie ?
Le cancer est une maladie curable et il y a des gens que je souhaite qu’ils vous écrivent pour vous dire « Mme la journaliste j’ai été traité pour mon cancer. Je vis depuis 5 ou 10 ans ». Regardez derrière moi, tous ceux qui sont venus appuyer la lutte contre le cancer, appuyé par la première dame qui a financé tout un congrès pour vous démontrer les survivants du cancer. Donc, le cancer est une maladie curable mais la seule condition c’est d’arriver tôt à l’hôpital. C’est aussi d’avoir les moyens pour se soigner ; c’est être suivi dans un service compétent. Tous ces éléments comptent pour pouvoir recouvrer sa santé.
Malheureusement d’après vous, 80% des malades arrivent à l’hôpital tard…
C’est ça qui est scandaleux Mme. Je suis à ma 36e année d’exercice et j’ai presque chanté la même chose. Donc cette année, il faut que la donne change. Les malades arrivent tard à l’hôpital. Voilà pourquoi nous voulons mettre l’accent sur le dépistage. Nous voulons aller vers les personnes bien portantes pour rechercher les anomalies que nous pouvons corriger, pour que ça ne se transforme pas en cancer.
Combien coûte le traitement du cancer au Cameroun ?
Le traitement du cancer est variable. Le coût du traitement du cancer du sein est différent de celui du colon, de celui du col de l’utérus parce que les méthodes de traitement diffèrent. Mais ce qui est sûr c’est qu’il faut avoir les moyens pour soigner son cancer. Entre 500 et 1 million de Fcfa pour la plupart des cancers.
Est-ce donc à la portée du camerounais moyen ?
Bien sur que non Mme. C’est pour cela que votre action doit être de contribuer à la levée de fonds pour trouver les moyens pour ces malades. Donc appelez moi quand vous allez mettre sur pied un plan de levée de fonds pour pouvoir soutenir les malades de cancers.
Quel était le thème de cette 20e édition de lutte contre le cancer ?
Pour mieux comprendre, vous devez dire : « Je suis Olive Atangana, journaliste. Je m’engage à partir de ce jour à diffuser des informations à visée de prévention, de sensibilisation pour la lutte contre le cancer ». Le thème c’est « Je suis, je vais… ».