Nord/Extrême-Nord. Triste sort pour les prématurés
Sujets à un déficit criard en couveuses, les hôpitaux publics de ces régions n’arrivent pas à faire face à la forte demande des familles et apporter des soins adéquats à ces bébés fragiles.
L’histoire défraie la chronique depuis le 18 mars 2019. Elle met en scène Aboubakar, Oumar et Ousman. Trois prématurés de sexe masculin nés d’une famille pauvre à Maga, et qui s’agrippent à la vie à l’hôpital régional de Maroua. Le sort a voulu que leur naissance le 12 mars, ne soit pas anodine. Le même sort a également voulu qu’ils voient le jour à sept mois, dans une formation sanitaire sous équipée à Maga, région de l’Extrême-Nord. Les trois prématurés, après le ventre de leur mère Mariam, 32 ans, sont ainsi obligés de partager une couveuse sensée abriter un seul bébé. Nourris à l’intra-veineuse, les prématurés inconscients de leur sort, paraissent épuisés. Et pour en rajouter à cette note triste, l’un d’entre eux se trouve en « état de détresse » et a subi une transfusion sanguine. Mais, « Ils vont bien et sont pris en charge efficacement. Mais les premiers jours où ils devaient tout acheter était l’enfer pour leur parent », souffle une source médicale proche de la famille. Si à ce jour, l’on peut se féliciter de la chaine de solidarité et médicale autour des parents de ces nouveau-nés, cette histoire remet malheureusement au goût du jour le déficit criard en couveuses dans les hôpitaux au Cameroun.
En effet, l’hôpital régional de Maroua par exemple, vieux de 84 ans et ne répondant plus véritablement aux normes de meilleures conditions d’administration des soins de santé, ne dispose que de trois couveuses et les triplés doivent partager communément une couveuse, sur les trois. « L’hôpital régional de Maroua couvre plus de 4 millions d’âmes. Donc même 100 couveuses seront insuffisantes mais peuvent quand même servir à quelque chose », explique une source médicale. Ce déficit en couveuses a aussi fait son nid à l’hôpital régional de Garoua, région du Nord. La situation a même été fatale pour trois prématurés, le 23 février 2019. Des sept couveuses dont dispose cette formation sanitaire publique, seulement deux sont fonctionnelles, pour une moyenne de 9 prématurés à sauver par mois. La solution précaire de « couveuse artisanale » a ainsi été trouvée pour faire face à cette carence. Albert Legrand Bayang, parent d’un prématuré décédé, a dû faire les frais de ces couveuses de fortune. « Après avoir établi que le bébé était prématuré, on m’a demandé d’aller acheter des ampoules pour chauffer la couveuse artisanale dans laquelle elle allait être placée. J’ai acheté quatre ampoules de 60 watts. Mais avant, j’ai pris le soin de savoir pourquoi je devais acheter une ampoule. On m’a fait savoir que l’hôpital ne dispose que de deux couveuses normales et elles sont déjà occupées, et donc, ma fille devait être conservée dans une couveuse artisanale. L’ampoule servirait donc au chauffage », confie dépité, l’homme d’affaires de Garoua.
Lequel a malheureusement assisté au décès de sa fille « dans des couveuses défectueuses », lâche-t-il la mine sombre. Depuis cette ténébreuse nuit du 23 février ayant conduit à ce drame, aucune amélioration n’a été enregistrée au sein du service de néonatalogie de cet hôpital. A Maroua par contre, les responsables de l’hôpital indiquent que des dispositions sont prises pour doter l’hôpital de trois couveuses supplémentaires (2 grandes et une petite), dont la capacité est de sept enfants au maximum. Sauf que, ce problème général de déficit en couveuses n’en sera pour autant pas résolu. « Pour un service comme la néonatalogie, il faudra autant que possible des couveuses », précise un médecin.