Mort en série des diabétiques et hypertendus à Maroua

Dans la majorité des cas, les victimes ont forcé le jeûne du Ramadan, au détriment de leur état de santé. 

A Maroua dans la région de l’Extrême-Nord, de nombreuses familles ont été endeuillées pendant la période du jeûne du ramadan. Parmi les morts, l’on dénombre majoritairement des musulmans. Ils étaient soit diabétiques, soit hypertendus ou simplement âgés. En dépit de ces facteurs aggravants, auxquels s’est ajoutée la canicule ambiante, ils ont forcé le jeûne au détriment de leur état de santé fragile. C’est le cas de Habiba Yougouda décédée le 10 mai 2020. Elle a été emportée à 45 ans par l’hypertension. Affaiblie par la maladie, elle n’avait pas cessé de jeûner malgré les conseils de sa famille.

« Ma tante souffrait de problème de tension. Elle s’est rendue à l’hôpital régional de Maroua où on l’a mise sous traitement. Après quelques temps, sa tension qui était élevée s’est stabilisée.  Mais après, elle a commencé à se plaindre de problème de vue. On lui a demandé de rester dans un environnement calme. Quelques temps après, elle s’est mise à se plaindre tantôt du mal de cou, tantôt du mal au niveau du thorax. C’est ainsi que finalement elle est devenue raide et est passée de vie à trépas. Le hic, c’est que malgré son état, elle a toujours continué de jeûner », relate dans les colonnes du journal L’œil du Sahel Boubakari Hamadou, le neveu de feue Habiba Yougouda.

Etat de santé précaire

Hamadou alias Gounougaya qui résidait dans le quartier Doualaré et Mairamou Abana du quartier Congoré sont morts eux aussi, dans des conditions similaires. Les deux, diabétiques et âgés d’environ 55 ans, ont forcé le jeûne alors que leurs états de santé se détérioraient. Finalement, ils n’ont pas tenu et sont morts.  Ces trois cas sont en réalité la face visible de l’iceberg.  Les chiffres exacts des morts pendant cette période de ramadan ne sont pas connus, mais selon diverses sources, en trois semaines, des dizaines des cas ont été recensés. D’ailleurs, il ne se passe plus un seul jour sans qu’on ne signale un mort. Les cimetières du chef-lieu de la région de l’Extrême-Nord sont quotidiennement animés par des cérémonies d’enterrement.

Ce phénomène nouveau ébranle la ville de Maroua. « Le jeudi, 07 mai 2020, entre 6h et 8h, 19 personnes dont 15 adultes et 04 enfants ont été enterrés au cimetière de Dougoï. C’était terrifiant. J’ai assisté à cette cérémonie funèbre complètement abattu », confie Abakar Aguilou en précisant que parmi les décédés, la majorité était des diabétiques et des personnes âgées. « En deux semaines, je suis allé huit fois au cimetière pour assister à l’enterrement. Alors qu’avant, je pouvais passer trois à quatre mois sans qu’on ne signale un mort dans mon entourage qui pouvait me conduire au cimetière », ajoute-t-il dans les colonnes du journal d’informations régionales.

Maladies opportunistes

A en croire des musulmans, le jeûne de ramadan de cette année 2020 aura été le plus difficile. Pendant cette période, des dizaines des personnes, porteuses des maladies opportunistes ont été emportées avant la fin de la période de pénitence. Pourtant, selon l’Imam Mohamadou Bachirou, le Coran a prévu des alternatives pour les malades. Ils ne sont pas astreints au jeûne, indique le journal d’informations régionales.

« L’islam préserve l’intérêt suprême de la vie humaine et tout ce qui menace l’intégrité physique ou morale et qui peut conduire à la mort. Dans les situations de maladie, de danger ou autres menaces à la vie humaine, le coran a prévu des alternatives », indique-t-il. Selon lui, en forçant le jeûne malgré leur état de santé fragile, les malades n’obéissent pas aux principes islamiques mais font plutôt l’amalgame avec les pratiques traditionnelles.

Dangers du jeûne pour les diabétiques et hypertendus

Du point de vue de la médecine, le jeûne est risqué pour les diabétiques, hypertendus et les personnes âgées. Si les prescriptions médicales ne sont pas respectées, les malades s’exposent à la mort. « Le jeûne prolongé chez un diabétique l’expose aux stress oxydatifs activant la néoglucogenèse qui serait à l’origine du trouble d’hyperglycémie ou d’hypoglycémie entraînant la complication aiguë du diabète », explique Dr Elon Siddi. Aussi, « La méconnaissance des signes d’hyperglycémie (le goût amer) ou d’hypoglycémie (fatigue, vertiges, vision floue, transpiration etc) pour être vite pris en charge. Le dépistage insuffisant de ces maladies qui s’expriment au stade de complication », poursuit le médecin en service à l’hôpital privé de Meskine.

Bien plus : « Le climat chaud dans un état de jeûne accroît la déshydratation et expose le diabétique et l’hypertendu à l’activation de la voie du système angiotensine aldostérone par conséquent une élévation de la tension artérielle », précise ce dernier.  En clair, les diabétiques, hypertendus et les personnes âgées doivent observer un régime de vie et alimentaire bien défini.

Et ce dernier de conclure : « Le décès de certains malades avec antécédents de la maladie hypertensive ou diabète dans le Septentrion, où le pic de chaleur et le degré d’ensoleillement est à son Zenith, s’expliquerait par un dérèglement du système métabolique de notre corps dû aux facteurs endogènes ou exogènes que subit l’organisme l’exposant à la rupture de l’homéostasie du corps», précise Dr Elon Siddi.

Olive Atangana

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.

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