Mohamadou Dabo. Révélations sur la mort du businessman-philanthrope éclaboussé par le Covidgate

(Lurgentiste.com) – Mohamadou Dabo n’est plus. «L’homme clé de la coopération Cameroun-Corée du Sud» est décédé dans sa résidence de Yaoundé le 18 décembre dernier à 63 ans, des suites d’un arrêt cardiaque d’après nos sources. Il a été conduit à sa dernière demeure lundi dernier au cimetière musulman de Soa, après une prière mortuaire au Complexe Islamique de Tsinga.

Circonstances

Le fondateur de la firme Moda Corporation Group a trouvé la mort alors qu’il était dans son bureau où il a été frappé d’un malaise. Selon ses proches, Mohamadou Dabo souffrait de problèmes cardiaques depuis un bon moment. «Avec ses déboires judiciaires de ces dernières années, il n’a pas eu un suivi sanitaire adéquat», déplore-t-on. En effet, dans le cadre des procédures liées à la gestion des fonds Covid-19, le milliardaire nordiste a été frappé d’une interdiction de sortie du pays par les autorités.

Du fait de cette décision, il ne pouvait plus sortir du Cameroun pour se rendre dans les centres hospitaliers spécialisés où il se soignait habituellement. En guise de solution temporaire en attendant la levée de son interdiction de sortie du pays, des proches confient qu’il faisait venir ses médecins au pays de temps en temps. Sans grand résultat malheureusement.

Alors que son état de santé montrait chaque jour un peu plus de fébrilité, on lui aurait même proposé de sortir en passant par la Guinée Équatoriale ou le Nigeria. «Il a opposé une fin de non-recevoir à cette option». Malheureusement pour lui, cette situation a fini par lui coûter la vie.

Homme-orchestre

À travers sa stature d’homme d’affaires, mais surtout de Consul honoraire de la Corée du Sud à Douala depuis 2000, Mohamadou Dabo aura été l’homme-orchestre au centre de plusieurs projets de la coopération bilatérale entre la République de Corée et l’État du Cameroun. Notamment dans le domaine sanitaire. À titre d’exemple, la construction et l’équipement du Centre des urgences de Yaoundé (CURY) portent sa marque. Idem pour l’Hôpital général de Garoua, l’un des plus prestigieux et performants de la sous-région et surtout «l’une des plus belles réalisations du Renouveau». Pour ce dernier cas, c’est l’une de ses entreprises, Mediline Médical Cameroon (MMC), qui s’est chargée de la réalisation des travaux de construction et l’installation des 400 équipements médicaux qui meublent cet hôpital. Un investissement financé à hauteur de 42 milliards de FCFA avec le concours d’EDCF Eximbank Corée.

Péril sur la CSU?

Et ce n’est pas tout. «Le choix (polémiqué) de l’expertise coréenne pour l’implémentation de la Couverture santé universelle (CSU) au Cameroun n’a été rendu possible que grâce à ce puissant milliardaire dont la proximité avec le ministre de la Santé publique n’était pas un secret», ajoute une tête couronnée du milieu sanitaire. Pour la mise sur pied de ce projet complexe, il aura été de toutes les batailles. Du fait de son entregent dans les milieux d’affaires et de la haute Finance coréens, la seule présence de Mohamadou Dabo au côté de l’État camerounais, était la caution morale qui garantissait la mobilisation des principaux financements nécessaires à la réalisation de la CSU. «C’est lui qui a apporté les logiciels, l’expertise technologique (avec la fabrication en cours des cartes de membres) et le matériel roulant et logistique», ajoute-t-elle.

Autant dire que la disparition de Mohamadou Dabo a de quoi faire perdre le sommeil aux autorités sanitaires. «Il y a lieu de s’inquiéter pour la suite du projet CSU qui va prendre un coup, à la suite de ce décès tragique. Et même, le démarrage de la phase pilote 1 annoncé en 2023 prendra un peu plus de temps», prévient-on dans les milieux diplomatiques.

Une source renseignée et réputée proche du défunt affirme d’ailleurs que plusieurs autres projets de santé vont s’arrêter. Ils étaient environ une dizaine dans le pipe. L’un des plus importants c’était sans doute celui de la construction et l’équipement d’un hôpital cardiovasculaire à Yaoundé. L’infrastructure devait être spécialisée dans la prise en charge des maladies du cœur comme les troubles du rythme cardiaque, l’hypertension artérielle, l’infarctus du myocarde ou les accidents vasculaires cérébraux.

Générosité

La générosité de ce richissime mais discret businessman a régulièrement bénéficié à plusieurs formations sanitaires de diverses régions du pays à qui il a fait des dons d’ambulances, de matériel et d’équipements médicaux. Dans le Mayo-Darlé, à Foumban ou à Bankim, pour ne prendre que ces cas, le visage avenant des hôpitaux et des centres de santé porte son estampille. Aussi, «la pierre angulaire de tous les projets de santé en financements privés des Coréens au Cameroun c’était lui ».

Covidgate

Mais, c’est à travers le scandale relatif à la gestion des fonds alloués à la lutte contre le Covid-19 que les Camerounais connaissent davantage Mohamadou Dabo. Dans cette affaire baptisée : «Covidgate», le natif de Banyo dans la région de l’Adamaoua, est amplement cité dans le rapport d’audit de la Chambre des Comptes de la Cour suprême du Cameroun. Pour la haute instance judiciaire, Mohamadou Dabo, principal bénéficiaire des marchés d’achat de tests anti-Covid-19 au Cameroun, est épinglé pour surfacturation. Ces pratiques auraient fait perdre au moins 14 milliards de FCFA à l’État du Cameroun.

Déboires

Deux de ses entreprises à savoir Mediline Medical Cameroon (MMC) et Moda (Mohamadou Dabo) Holding Hong Kong sont particulièrement visées dans cette enquête. La première a bénéficié d’un «quasi-monopole» dans la fourniture des tests de dépistage du Covid-19, soit 89 % des commandes pour une valeur totale de 24,5 milliards de FCFA, contre 10 % pour deux autres prestataires locaux ayant un meilleur avantage concurrentiel.

La seconde, Moda Holding Hong Kong, a assuré le transport des tests de dépistage achetés par l’entreprise MMC auprès de son fournisseur coréen SD Biosensor. Selon la chambre des comptes, Moda Holding, entreprise «inexpérimentée», aurait pratiqué des «prix (de transport) disproportionnés» qu’elle a facturés au ministère de la Santé publique via MMC. Selon la juridiction financière, ces tests ont été surfacturés à hauteur de 15,3 milliards de FCFA, «avec l’aval des responsables du Minsanté».

Commandeur national de l’Ordre de la valeur depuis 2010, Mohamadou Dabo quitte la scène, alors que les suites judiciaires de ce rapport d’audit de la Chambre des Comptes attendent toujours de connaître un dénouement.

 

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Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.
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