Ministère de Santé publique. L’agaçante sous-représentativité des femmes dans la sphère décisionnelle

Pourtant, elles représentent plus de 60% des personnels de santé au Cameroun, sont compétentes et ont des profils de qualité.

Le constat n’est guère reluisant. Peu de femmes occupent des postes de décisions stratégiques dans le secteur de la santé publique au Cameroun. Au niveau de l’administration centrale du ministère de la Santé publique (Minsanté) par exemple, le trio de tête (ministre, secrétaire d’Etat et secrétaire général) est tenu par trois hommes.

Au niveau des directions les femmes semblent tout aussi tenues à l’écart. Sur les 7 postes de directeur et 3 postes de chef de divisions qui meublent l’organigramme du Minsanté, seule la Direction de la promotion de la Santé est coiffée par une femme, le Dr Fanne Mahamat. Les neuf autres fauteuils de directeur étant occupés par des responsables hommes. Idem pour ce qui est des quatre conseillers techniques. A la fonction d’Inspecteur générale (03 postes), une seule femme a voix au chapitre : Dr Kouakap Djinou Ntchana Solange Chantal (Inspecteur des services pharmaceutiques et des Laboratoires). Une femme est aussi Chef de Division de Recherche opérationnelle en Santé (Dros) avec rang de directeur. Il s’agit du Pr Bisseck.

Dans les services déconcentrés, la mise en valeur des compétences des femmes fait pâle figure. En effet aucune dame ne trône à la tête d’un hôpital général, (juste un directeur général adjoint à Douala). Pis, dans les 5 hôpitaux Centraux existant au Cameroun (Central de Yaoundé, de Jamot, du Cury, de l’hôpital de référence de Sangmelima et celui Laquintinie de Douala), ce sont les hommes qui tiennent les rênes au détriment des médecins femmes.

Les profils féminins semblent également marginalisés dans le choix des directeurs des hôpitaux régionaux et hôpitaux régionaux annexes. Seul l’hôpital régional de Bertoua est dirigé par une femme (Dr Meke Akamba). A Yaoundé, capitale politique du pays, aucune femme n’est directeur d’un hôpital de District.

Les délégations régionales de la santé publique ne font pas mieux. Sur 10 délégués régionaux, seules deux sont des femmes (Centre et Nord). Dans les 9 programmes de santé recensés, seulement deux (02) sont tenus par des femmes. Il s’agit des programmes nationaux de Lutte contre le paludisme, de Lutte contre la mortalité maternelle et infanto juvénile. La direction de la Transfusion Sanguine, organe sous tutelle du Minsanté tout comme le Laboratoire national de contrôle de qualité des médicaments et d’expertise (Lanacome), sont néanmoins tenus par des femmes.

Manaouda Malachie, au centre des femmes de la santé.

Difficile équation des 30% de parité genre

A la lumière de ces quelques chiffres, certains observateurs de l’univers sanitaire au Cameroun concluent que moins de 20% des responsables du système de santé sont des femmes. Un véritable paradoxe lorsqu’on sait que la gent féminine représente 73% des personnels de santé de façon générale au Cameroun (70% à l’échelle mondiale selon ONU Femmes). Cette sous représentativité des femmes en santé contraste également avec le quota de parité genre aux postes de décision en vigueur dans notre pays.

En effet, d’après le Pr Marie Thérèse Abéna Ondoua (ex directeur de l’hôpital Central de Yaoundé), ministre de la promotion de la Femme et de la Famille (Minproff), le Cameroun a atteint les 30% de représentativité féminine fixés par la conférence de Beijing en 1995. Mais, le pays reste classé parmi les pays moyens en termes de parité sur le genre en Afrique, avec un score final de 0,59 sur 1. Lors du sommet mondial sur le genre tenu en novembre 2019 à Kigali, le Cameroun avait obtenu la note de 0,53 sur 1 pour la parité travail.

Pour Joseph Mbeng Boum, promoteur du Prix de l’Excellence du leadership féminin en santé au Cameroun, « la femme tient un leadership non négligeable, parfois mieux que les hommes ». Par conséquent, « elle mérite autant de chances que les hommes », soutient-il.

Promotion discrétionnaire et discriminatoire

Si la désignation aux postes de responsabilité relève du pouvoir discrétionnaire des autorités politiques, leurs choix sont perçus comme discriminatoire à l’encontre des femmes évoluant dans le secteur de la santé. « Les décideurs ne veulent pas les promouvoir. Il s’agit d’une décision politique liée à un pouvoir discrétionnaire de la hiérarchie », analyse une source Minsanté. Pour cette dernière, « L’humanisation des soins » recherchée par l’actuel ministre de la Santé publique passerait mieux « par la promotion de plus de femmes dans des postes de direction au sein des hôpitaux et des services de santé. Scientifiquement, le leadership féminin repose sur le Care c’est-à-dire prendre soin. C’est pourquoi les professions du soin sont fortement féminisées », argue-t-elle.

Mais cet avis ne fait pas l’unanimité au sein des acteurs de la santé publique. « Mais travailler avec les femmes est assez difficile. Elles sont en proie aux sauts d’humeurs, font preuve de paresse, etc », avance un cadre du Minsanté.  Un portrait peu flatteur de la femme en santé que contestent celles interrogées. Elles en veulent pour preuve, la mise sur pied du Prix de l’Excellence du leadership féminin en santé au Cameroun.

Plaidoyer pour un leadership féminin

Son but est d’encourager les femmes dont les actions menées ont contribué de manière significative à l’amélioration du système de santé dans le pays au cours de l’année. Il est question pour l’initiateur dudit prix, de mettre en lumière les femmes qui contribuent au rayonnement du secteur de la Santé du Cameroun.

Il se veut être en réalité, un plaidoyer pour une meilleure implication de la femme dans la transformation du système de santé au Cameroun. « Ce prix vise à encourager non seulement le leadership féminin en santé mais aussi d’apporter notre modeste contribution à la valorisation de la femme et de ce fait, de lutter contre les discriminations qu’elles subissent au quotidien », précise Joseph Mbeng Boum, le promoteur de l’évènement et par ailleurs directeur de publication du journal Echos Santé.

Ce prix prime les 10 femmes qui se sont démarquées dans un domaine précis. L’évènement qui est à sa 4è édition cette année aura lieu le 18 novembre 2020 à Yaoundé. La leçon inaugurale dont le thème est : « La place de la femme dans la transformation du système de santé camerounais », sera délivrée par le Pr Ida Calixte Penda, pédiatre et directeur général adjoint de l’Hôpital Général de Douala.

Olive Atangana

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.

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3 réponses

  1. 9 mars 2021

    […] est une « incongruité ». C’est que, le constat fait état de ce que peu de femmes occupent des postes de décisions stratégiques dans le secteur de la santé publique au Cameroun. En d’autres termes, elles sont marginalisées, exclues des sphères […]

  2. 7 mars 2022

    […] prioritaire dans le processus de désignation aux postes dans le secteur de la Santé publique. En effet, les femmes qui constituent 60 % du personnel de santé sont paradoxalement mal loties dan…. Elles demeurent marginalisées, exclues des sphères décisionnelles. D’abord au niveau de […]

  3. 7 mars 2022

    […] prioritaire dans le processus de désignation aux postes dans le secteur de la Santé publique. En effet, les femmes qui constituent 60 % du personnel de santé sont paradoxalement mal loties dan…. Elles demeurent marginalisées, exclues des sphères décisionnelles. D’abord au niveau de […]

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