Flore Kamdem Ngassa : « Le coût de la prise en charge d’un enfant atteint de paralysie cérébrale est très élevé »

La Présidente de l’Aseimc revient sur la nécessité de changer le regard de la société à l’endroit des enfants infirmes moteurs cérébraux et de l’implication des décideurs multisectoriel et autres acteurs au développement pour une prise en charge moins onéreuse de ces enfants.

Vous venez de commémorer la journée mondiale de la paralysie cérébrale sous le thème : « Ensemble, reconnaissons les différences, agissons pour la valorisation des enfants atteints de la paralysie cérébrale ». Qu’est ce qui justifie votre thème de cette année ?

Les pires formes de discrimination, la marginalisation et la stigmatisation à l’égard des enfants atteints de la paralysie cérébrale ne sont plus à démontrer. C’est un fait. Les informations concernant ces catégories sociales restent peu connues par le commun des mortels. C’est la raison pour laquelle ce thème a été choisi pour renforcer la sensibilisation, l’éducation et la communication tant chez les parents qui doivent accepter leurs enfants que les communautés qui doivent comprendre que le handicap est transversal et qu’elles doivent se mobiliser afin que les personnes victimes ou atteints de cette déficience ou défaillance soient inclues dans la société.

Quelles sont les causes les plus fréquentes de la paralysie cérébrale ?

De manière générale, il n’existe pas de données de prévalence sur le plan national. Nous avons plutôt quelques données intra-hospitalières qui nous donnent une idée des causes les plus fréquentes (asphyxie néonatale) et des troubles associés les plus fréquents : paralysies (parésie est plus juste) des 4 membre, troubles du langage, épilepsie.

Aujourd’hui, avons-nous des chiffres sur le nombre d’enfants souffrant de la paralysie cérébrale au Cameroun ?

Il est très difficile pour nous de vous dire avec certitude que des statistiques existent sur ce cas. Mais, nous nous efforçons pour que le recensement de ces enfants se fasse afin qu’on ait une idée sur leur nombre dans notre pays. C’est en ayant des chiffres que les différentes parties prenantes qui interviennent dans ce secteur pourront faire leur travail avec efficacité et efficience. Nous profitons de cette occasion que vous nous donnez de lancer un appel auprès des décideurs multisectoriel et autres acteurs au développement afin que leur prise en charge soit effective.

D’après le constat, ces enfants sont souvent victimes de stigmatisation et de rejet. Les mentalités ont-elles évoluées depuis vos opérations de sensibilisation ?

Non ! Les mentalités n’ont pas évolué. Des cas flagrants de mise à l’index de ces enfants peuvent encore être constatés dans notre société. La stigmatisation et le rejet sont encore malheureusement bien présents, même jusque dans nos écoles. Si ces enfants ne sont pas acceptés au sein des familles, il est fort possible qu’ils soient rejetés dans les communautés. C’est la raison pour laquelle notre association fait tout ce qui est à son niveau pour que les enfants soient acceptés d’abord au sein des familles. Si ceci est fait, ces familles doivent les accompagner dans les communautés afin que nous ayons une société inclusive. Cela dit, avec le travail énorme de sensibilisation effectué par des associations telles que l’ASEIMC accompagné par les autorités publiques telles que le Minsanté et le Minas, l’espoir est permis. Enfin de compte, les pires formes de discrimination, stigmatisation et la marginalisation dont sont victimes les enfants atteints de la paralysie cérébrale ne sera qu’un triste souvenir.

Comment s’effectue la prise en charge de ces enfants et quel est son coût ?

La prise en charge est pluridisciplinaire et nécessite de mettre en place une chaîne allant des familles jusqu’aux professionnels de santé. Elle intègre notamment les pédiatres qui en général sont ceux qui posent le premier diagnostic, les neuropédiatres qui assurent le suivi et la coordination de la prise en charge. Puis les rééducateurs sont sollicités dans le but de prévenir les complications physiques et ou cognitives, aider à récupérer les fonctions altérées et assurer une adaptation de l’enfant en société. Ce sont par exemple : les kinésithérapeutes, les orthophonistes, les ergothérapeutes, les psychomotriciens etc…. Certaines complications peuvent être prise en charge par les chirurgiens et les orthoprothésistes. Naturellement, les psychologues sont sollicités pour aider à porter le fardeau du parcours et retentissement aussi bien chez l’enfant que chez le parent. Dans notre contexte, une telle chaîne de prise en charge nécessiterait un appui institutionnel et d’organismes à but non lucratif pour favoriser l’accessibilité des soins. Pour le coût de la prise en charge des enfants atteints de la paralysie cérébrale, nous vous disons avec sincérité que c’est très complexe. Comme conséquence, il est très élevé le coût de prise en charge. Ce coût très élevé de la prise en charge est dû au fait que plusieurs personnes interviennent dans la chaine de prise en charge. On peut citer entre autres : les psychologues, les neurosciences, les orthophonistes, les travailleurs sociaux etc. Si on y ajoute d’autres frais connexes, vous allez comprendre qu’être parent d’un ou de plusieurs enfants atteints de la paralysie cérébrale n’est pas facile

Quel rôle joue aujourd’hui le Ministère de la santé publique dans la prise en charge de ces enfants ?

Le ministère de la santé publique est un partenaire de choix pour nous. Non seulement dans l’accompagnement de notre structure dans la réalisation de activités, mais il fait ce qu’il peut, malgré ses moyens limités pour mettre à notre disposition des techniciens multidisciplinaires pour suivre enfants et même leurs parents.

Quelles sont les avancées de lutte obtenues depuis que vous sensibilisez sur cette question ?

Dans une société ou la place de la science est encore peu connue, et que la superstition gagne du terrain, surtout quand on ne comprend pas exactement le phénomène, il est difficile pour nous de vous dire avec exactitude ce qu’il y a comme avancées. Pour le moment, les associations et quelques partenaires qui nous accompagnent dans leur combat font ce qu’ils peuvent pour améliorer les conditions de vie de ces catégories de personnes. Donc, les avancées aujourd’hui concernent la prise en charge où il existe de plus en plus d’initiatives d’organismes et structures sanitaires qui sont actifs. Mais beaucoup reste à faire dans le cadre de la prévention, du dépistage précoce, mais surtout de la sensibilisation, de la mise en place d’équipes pluridisciplinaires pour la prise en charge et naturellement, pour l’accès aux soins.

Au sein de votre association, sur quoi mettez-vous désormais l’accent ?

Dans notre association, nous mettons un accent sur l’éducation, la sensibilisation des parents, l’estime de soi et l’acceptation des enfants par les parents, sans oublier le suivi dans la prise en charge médicale et psychologique. Compte tenu du fait que ces enfants sont dépendant et nécessitent un encadrement et un accompagnement particulier et permanent des parents, nous avons instauré les actions orientées vers les activités génératrices de revenu pour rendre les parents autonomes et indépendants.

Comment vivre avec un enfant IMC ?

La vie avec un enfant IMC n’est pas facile. Il faut le suivre au quotidien dans tous ses gestes. Chez certains, ce suivi va jusqu’à son intimité même quand il a un Age considérable. Vous comprenez et vous conviendrez avec moi qu’un enfant atteint de la paralysie cérébrale risque être un « enfant » toute sa vie. Par contre, il y a certains qui s’en sortent et qui mènent une vie normale. Pour ces cas, il faut les accompagner afin qu’ils réussissent dans leur vie professionnelle et conjugale. C’est l’occasion pour moi de demander aux parents de ne pas cacher leurs enfants à la maison.  Nous leur demandons de faire tout ce qui est à leur niveau pour envoyer leur enfant à l’école. Car la clé du succès reste et demeure l’éducation.

Olive Atangana

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.

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