Essai vaccinal contre le coronavirus. Vague d’indignation en Afrique

Olive Atangana
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A l’issue d’un plateau de débat sur LCI sur des essais d’un vaccin contre le coronavirus sur le continent Africain, de nombreuses personnalités dénoncent des propos graves, racistes et méprisants.

C’est une séquence diffusée sur la chaîne française LCI qui n’est pas passée inaperçue le 1er avril dernier. Lors d’un plateau, un chercheur et un médecin discutent du vaccin BCG et des études en cours pour traiter le coronavirus grâce à cette injection. Dans cette vidéo mise en ligne par un internaute hier 2 avril, Jean-Paul Mira demande à Camille Locht, directeur de recherche à l’Institut national de la santé, dans quelle mesure une étude sur le vaccin BCG pouvait être faite en Afrique où il n’y aurait pas de masques et pas de moyens pour faire face à la pandémie.

Ils évoquent ni plus ni moins, l’idée d’une expérimentation en Afrique. « Est-ce qu’on ne devrait pas faire cette étude en Afrique, un peu comme cela a été fait pour le sida avec les prostitués ? ». Ce dernier lui répond qu’une réflexion est justement en cours pour effectuer ce type d’approche sur le continent africain. Ce qui a déclenché une tempête virtuelle et provoqué une vague d’indignation sur les réseaux sociaux.

« Les africains ne sont pas des cobayes »

Les réactions sont nombreuses et les internautes sont généralement choquées. Abdoulaye Coulibaly écrit par exemple sur Twitter : « L’Espagne est à plus de 10 000 décès, occupez-vous d’eux. Ils en ont plus besoin que l’Afrique ». De nombreux internautes ont exprimé leur colère, en France et en Afrique. « Non, les africains ne sont pas des cobayes », s’est indignée l’association française SOS Racisme. C’était dans un communiqué dénonçant « à l’endroit des corps noirs un mépris » et jugeant la comparaison avec le Sida et les prostituées « problématique et malvenue ».

De nombreuses personnalités ont également pris la parole sur les réseaux sociaux. Le footballeur Didier Drogba dénonce « vivement des propos graves, racistes et méprisants ». Le chanteur Alpha Blondy à son tour s’insurge ces propos des deux médecins tandis que l’acteur ivoirien Michel Gohou appelle les Africains à rester « unis, vigilants, main dans la main ».

« Insulte à l’Afrique et à l’humanité »

Natahalie Yamb, elle, met en garde. La conseillère exécutive du candidat à la présidentielle ivoirienne, Mamadou Koulibaly, rappelle que l’Afrique a déjà fait les frais de tests médicamenteux au lendemain Seconde Guerre Mondiale.  « Il est inconcevable que nous continuons à accepter ceci. L’Afrique n’est pas un laboratoire ».

« Faut-il rappeler que le dénuement africain (« pas de masques, pas de traitement »…) n’est pas un fait de nature, mais résulte notamment d’un pillage continu ? Faut-il décrire les sentiments de familles réduites à la condition de rats de laboratoire ? », s’insurge l’association Esprit d’Ébène dans les colonnes du Monde. Dans une tribune signée par de nombreuses personnalités françaises et issues de la diaspora, elle évoque une « insulte à l’Afrique et à l’humanité ».

Confusion

Si le BCG n’est plus obligatoire dans l’Hexagone – où il reste toutefois recommandé -, il l’est dans la grande majorité des pays africains. « Si cette étude devait prouver que le vaccin BCG a un effet protecteur sur le système immunitaire [contre le Covid-19], cela serait une bonne nouvelle pour l’Afrique parce que ce vaccin y est largement disponible, et parce que la quasi-totalité de la population y est déjà vaccinée », détaille l’immunologue kényane Yvonne Mburu, membre du Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA), créé par Emmanuel Macron.

L’étude proposée par Camille Locht concerne donc un vaccin déjà existant et largement utilisé en Afrique. Des expérimentations vaccinales et des traitements spécifiques contre le Covid-19 pourraient toutefois également être réalisés en Afrique. Ce qui alimente la confusion. Ainsi, en RDC, le Dr Jean-Jacques Muyembe, docteur en virologie et spécialiste du virus Ebola, a essuyé une vague d’indignation pour avoir évoqué la possibilité de réaliser des essais cliniques en vue d’élaborer un vaccin contre le Covid-19.

Explications

« Nous avons été choisis pour faire ces essais. Le vaccin sera produit soit aux États-Unis, soit au Canada, soit en Chine. Nous, nous sommes candidats pour faire les essais ici chez nous », a-t-il ainsi déclaré. Face aux critiques nées de la récente méfiance anti-vaccinale, celui qui vient d’être nommé coordonnateur de la riposte contre le Covid-19 en RDC a dû présenter ses excuses : « Je suis moi-même congolais et ne permettrais jamais d’utiliser les Congolais comme cobayes », a-t-il déclaré.

Face aux multiples réactions, pétitions et même signalements au Conseil supérieur de l’audiovisuel, l’Institut national de la santé est sommé de s’expliquer.  « Des essais cliniques visant à tester l’efficacité du vaccin BCG contre le Covid-19 sont (…) sur le point d’être lancés dans les pays européens et en Australie. S’il y a bien une réflexion autour d’un déploiement en Afrique, il se ferait en parallèle de ces derniers. L’Afrique ne doit pas être oubliée ni exclue des recherches, car la pandémie est globale », assure entre autres l’Institut.

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Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.
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