Dépenses non-conformes, défaut de cofinancement : le Fonds mondial maintient la pression sur le Cameroun

Lurgentiste.com – Le Cameroun est tenu de respecter ses engagements de cofinancement sous peine de voir ses subventions réduites de 20 %. C’est ce qu’a rappelé le Fonds mondial de lutte contre le VIH, le paludisme et la tuberculose au ministre de la Santé publique, Manaouda Malachie, lors d’une réunion stratégique tenue à Genève le 22 mai dernier.

Selon la cellule de communication du ministère de la Santé, « le rapport de cofinancement pour l’exercice 2024 a déjà été transmis au Fonds mondial ». Par ailleurs, le Minsanté a assuré Mark Edon-Edington, chef de la Division de la gestion des subventions, que la destruction des médicaments a été effectuée dans les dix régions du pays.

Le ministre a également souligné « la nécessité d’une rigueur absolue dans la gestion de la chaîne d’approvisionnement et des intrants », ainsi que « l’urgence de mettre fin aux dépenses inéligibles, notamment au niveau des fonds régionaux ».

Face à la raréfaction et à la diminution des ressources financières qui menacent les programmes de lutte contre ces trois pandémies, le Cameroun et le Fonds mondial ont convenu de réduire les interventions non essentielles afin de garantir la continuité des soins et de sauver des vies.

Intransigeance affirmée

Avant cette rencontre à huis clos, les autorités sanitaires camerounaises avaient déjà promis d’être « plus strictes, plus rigoureuses, voire intransigeantes » dans la gestion des subventions accordées par le Fonds mondial. C’était le 7 mai 2025, lors d’une réunion à Yaoundé consacrée à l’évaluation des recommandations de l’Institution, à la question du cofinancement, au remboursement des dépenses non conformes, ainsi qu’à la réforme de la chaîne d’approvisionnement et des mécanismes de contrôle.

À cette occasion, le plan d’atténuation mis en œuvre depuis avril 2025 a été évalué. Il repose sur quatre piliers : la lutte contre la fraude, l’optimisation des ressources humaines, la destruction des médicaments périmés et la traçabilité numérique des entrants. Selon Manaouda Malachie, ce plan est déjà exécuté à 63 %. La réunion s’est tenue trois semaines après l’arrestation du « receleur le plus recherché » dans l’affaire des médicaments volés, et quelques jours après un conseil d’administration extraordinaire de la CENAME, citée comme responsable des nombreux cas de péremption, de détournement et de vol de médicaments antipaludiques et antituberculeux.

Au Palais de l’Unité

En réalité, la pression s’accentue sur le Cameroun. Le 9 avril dernier, depuis le perron du Palais de l’Unité, Mark Edon-Edington a clairement déclaré que les « dépenses inéligibles » doivent être remboursées. Le ton était grave, le message sans ambiguïté. Reçu par Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général à la présidence de la République, il avait insisté sur la nécessité pour le gouvernement d’augmenter sa part de cofinancement. « Le gouvernement doit mettre plus d’argent pour garantir les subventions du Fonds mondial », avait-il martelé, avant d’ajouter : « Il y a des améliorations nécessaires dans la chaîne d’approvisionnement, notamment à la CENAME. »

Ce rappel à l’ordre s’inscrivait dans une série de mises en garde formulées depuis l’éclatement du scandale sur la gestion opaque des subventions.

Un remboursement de 852 millions de FCFA exigé

À ce jour, le Cameroun doit rembourser 852,5 millions de FCFA pour le cycle de financement 2020-2023. Cette somme comprend 668,9 millions de FCFA (1,09 million USD) liés aux produits de santé contre le paludisme, et 183,6 millions de FCFA (300 592 USD) pour des coûts de gestion et de stockage à la CENAME et dans cinq Fonds régionaux pour la promotion de la santé (FRPS).

Selon le Fonds mondial 444 228 ampoules subventionnées d’Artesunate injectable sont sorties des magasins de la CENAME dans des conditions suspectes entre janvier 2022 et mars 2023. L’organisme dénonce également des cas répétés de détournements et de vols d’autres médicaments subventionnés. Depuis 2021, plusieurs rapports pointent des dépenses non conformes, sans oublier la scandaleuse affaire des 238 congélateurs d’occasion achetés à prix d’or pour plus de 300 millions de FCFA.

Dans ce contexte tendu, le ministère de la Santé publique assure vouloir démontrer « la bonne foi du Cameroun dans l’assainissement des circuits de financement et le respect des normes de bonne gouvernance ». Mais la vigilance du Fonds mondial reste de mise : la moindre faille pourrait coûter cher au pays et nuire à la lutte contre ces pandémies.

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.
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