Covidgate : verdict de la Chambre des comptes attendu ce 17 avril pour quatre cadres du Minsanté

Lurgentiste.com  –  Le collège de juges de la Chambre des comptes de la Cour suprême rendra son verdict ce jeudi 17 avril dans l’affaire dite du Covidgate, qui implique quatre hauts fonctionnaires du ministère de la Santé publique (Minsanté). Il s’agit d’Ousmane Diaby, Eyenga Ndjomo Elysée Amour II, Rémy Edou Bekolo et Ngapout Abiba épouse Njoya, poursuivis pour fautes de gestion dans l’exécution d’un marché public lié à la riposte contre la pandémie de Covid-19. Ils sauront donc s’ils écopent ou non d’une interdiction d’exercer dans l’administration pendant dix ans.

Lors de l’audience du 27 mars dernier, le ministère public a requis deux types de sanctions : des amendes et des déchéances administratives. « L’arme fatale d’une juridiction financière qui veut se faire respecter, c’est la déchéance (…) Le ministère public vous prie de bien vouloir prononcer (à l’encontre des accusés, NDLR) l’interdiction d’être responsable à quelque titre que ce soit pendant un délai de dix ans dans l’administration publique ou dans la gestion des services, organismes et entreprises de l’État », a plaidé l’avocat général Félix Owona Etoundi.

Il a également demandé que soit prononcée « l’interdiction d’assumer, pendant un délai de cinq ans, des fonctions d’ordonnateur, de gestionnaire de crédits ou de comptable dans un service, organisme public ou parapublic, ou dans les entreprises d’État ». Une amende de 2 millions de FCFA a aussi été requise contre chacun des mis en cause, « conformément à l’article 13, alinéa 1, de la loi du 5 décembre 1974. Mais la sanction pécuniaire ne suffit pas », a insisté le représentant du parquet.

Des sanctions « nécessaires »

Dans un réquisitoire d’une trentaine de minutes, marqué par la dénonciation d’« une kyrielle de fautes de gestion », le ministère public a estimé qu’il est nécessaire de prononcer des sanctions exemplaires. Trois principales raisons ont été avancées : envoyer un message fort à l’ensemble des gestionnaires publics, rassurer les bailleurs de fonds et l’opinion sur la rigueur dans le traitement du Covidgate, et enfin poser une jurisprudence en matière de discipline budgétaire et financière. « Vous devez sanctionner cette désinvolture », a martelé Félix Owona Etoundi, déplorant l’attitude « condescendante, suffisante et désinvolte » des accusés vis-à-vis de la juridiction.

Ligne de défense

Les avocats des accusés ont plaidé la relaxe. « L’ensemble des textes convoqués par le ministère public ne sont pas applicables ici », a déclaré Me Achet Nagnini, conseil de Ngapout Abiba, estimant que « la responsabilité de l’agent comptable ne peut pas être retenue si l’État n’a pas subi de préjudice ».

Il a demandé que soient prises en compte les circonstances atténuantes : « Parce qu’elle s’est battue pour que le marché soit exécuté ; parce que l’État n’a pas subi de préjudice ; parce qu’il n’est pas établi qu’elle a commis ces infractions de façon volontaire ».

Me Tsoungui, avocat d’Ousmane Diaby, Eyenga Ndjomo Elysée et Rémy Edou Bekolo, a salué « la résilience » de ses clients, y voyant « leur volonté de servir le Cameroun ». Selon lui, les sanctions demandées visent davantage à « émouvoir l’opinion publique » qu’à rendre justice. « En quoi ont-ils commis des fautes, dès lors que les actes posés sont couverts par le qualificatif de marchés spéciaux ? (…) Nos clients seront lavés de tout opprobre. C’est évident », a-t-il soutenu.

Procès-verbal contesté et marchés spéciaux

Cinq fautes principales de gestion sont reprochées aux mis en cause. Parmi elles : le paiement intégral d’un bon de commande de 111 millions de FCFA avant service fait, le versement d’une avance sans caution préalable, ou encore une avance sur travaux de 40 %, alors que le Code des marchés publics fixe la limite à 20 %.

Pour la défense, ces griefs ne reposent sur aucun fondement juridique. « Le fameux procès-verbal pour lequel nos clients sont là est un acte superfétatoire dans le processus d’exécution de ce marché », a argumenté Me Tsoungui. Et d’ajouté : « Même verbalement, oralement, sans justificatif, l’avance de démarrage peut être accordée, légalement. Ce procès-verbal n’a donc aucun poids juridique dès lors que la loi autorise l’avance sans justificatif ».

Composition irrégulière de la commission de réception

L’une des fautes majeures concerne la composition irrégulière de la commission ayant réceptionné les travaux d’un marché de 278 millions de FCFA pour la construction d’un centre d’isolement à l’hôpital régional de Ngaoundéré en 2020. Y siégeaient, entre autres, feu Alim Hayatou (alors secrétaire d’État à la Santé), Élysée Amour II Eyenga Ndjomo, Ousmane Diaby, Rémy Edou Bekolo, ainsi que le directeur général de l’entreprise Ets Grand Lux, attributaire du marché.

Le ministère public affirme que plusieurs membres n’avaient pas qualité pour siéger. « Au sens strict, ils n’auraient pas dû siéger dans cette commission », a reconnu Eyenga Ndjomo. Rémy Bekolo Edou a concédé qu’« elle n’est pas habilitée, en principe, à réceptionner des travaux de construction ». Quant à Ousmane Diaby, il a déclaré : « Hormis ma personne et celle du maître d’ouvrage délégué, feu Alim Hayatou, les autres membres de la commission incriminée n’étaient pas compétents pour signer un procès-verbal de réception des travaux ».

 

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.
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