Coronavirus. Comment éviter une année scolaire blanche?

C’est la question centrale que se pose le Dr Roger Etoa, médecin de santé publique à travers cette tribune libre publiée avant la reprise des cours. Il donne par ailleurs des pistes pour sécuriser un retour à l’école en contexte de Covid-19.

Une polémique secoue le pays en ce moment au sujet de l’éducation. Faut-il ou non reprendre l’école alors que les cas de coronavirus sont en constante augmentation ?

Je vais le dire d’entrée qu’on se comprenne tous. La crise du coronavirus durera au moins 6 mois encore dans les pays développés et ira au moins jusqu’en décembre dans les pays sous- développés comme le Cameroun.

Dans ce cas de figure, deux choix se présentent à nous:

  1. Se barricader (et nos enfants avec) jusqu’à  la fin quelque soit ce que ça nous en coûte en attendant que les scientifiques trouvent une solution à ce fichu virus (vaccin, traitement fiable);
  2. Développer des mécanismes d’adaptation à la crise.

CORONAVIRUS ET ENJEU EDUCATIF…

En ce qui concerne le secteur de l’éducation, nous sommes partis non seulement pour une année scolaire 2020 blanche , mais aussi, la prochaine rentrée 2020/2021 est déjà  hypothétique. Nous allons donc certainement vivre la « double peine »; la peine sanitaire, mais également la peine éducative. Confinement oblige, nous courrons également le risque d’abrutissement des enfants, de délinquance juvénile, et d’hypothèque de leurs chances à l’avenir. Un enfant qui ne passe pas son examen perd sûrement une chance qu’il lui sera difficile à rattraper.

Par ailleurs, la solution actuellement mise en place par le gouvernement de faire des cours à la télé est insuffisante et injuste, car elle accroît les inégalités d’accès à l’éducation. Quand je vois ces cours à la télé, je ne peux m’empêcher de couler une larme pour mes petits protégés de l’école du village Zilly dans les profondeurs forestières de la région de l’Est du Cameroun. Il n’ y a pas d’énergie électrique la bas et donc pas de télé. Et c’est le même drame que vivent toutes les localités enclavées et les Zones d’éducation Prioritaire (ZEP) du Cameroun dans les régions septentrionales et de l’Est du Cameroun. Ce n’est donc pas un bon modèle et il faut trouver les solutions ailleurs.

SÉCURISER LE RETOUR À L’ÉCOLE…

Rappelons l’enjeu en ce moment du système éducatif camerounais : Terminer le 3ème trimestre (environ 1 mois et demi de cours) et organiser les examens de fin d’année dans un contexte de pandémie contagieuse.

Un des avantages de la classe d’âge de personnes en âge scolaire (enfants et jeunes) c’est qu’ils sont très peu concernés par la morbidité et la mortalité due au coronavirus. Effet du vaccin BCG encore actif chez eux? C’est une hypothèse sur laquelle se penchent les chercheurs. Mais passons…

Le seul risque que présente cette classe d’âge c’est d’être des porteurs sains de la maladie qu’ils pourront transmettre à leurs aînés et parents. Voici à mon sens quelques pistes de solutions pour essayer de boucler l’année scolaire sans trop de casses.

  1. Organiser la distanciation sociale à l’école. L’un des problèmes dans les écoles en Afrique ce sont les effectifs pléthoriques. On peut résoudre ce problème en divisant les effectifs présents dans une classe au même moment par 2 ou par 3 en organisant soit

– L’école à mi-temps comme au bon vieux temps avec les « De matin » et les « De midi »

-L’école alternée: Un groupe de la classe vient aujourd’hui et un autre groupe vient demain.

-L’école segmentée: On répartit les effectifs dans plusieurs classes. Dans cette dernière option, on pourrait par exemple, ne finir l’année scolaire qu’avec les élèves en classe d’examens pour qu’il y ait assez de classes libres pour les repartir.

  1. Renforcer l’hygiène et l’assainissement.

On pourrait exiger que pour qu’une école rouvre, il faut des toilettes propres, et surtout de l’eau courante à l’entrée de chaque bâtiment de classe avec du savon. (CAMWATER, Forage, fûts, etc… peuvent être choisies comme options. Il faudra aussi approvisionner l’école en savons et désinfectants en quantité suffisante. D’ailleurs investir sur L’hygiène a l’école n’est pas que se donner bonne conscience : c’est aussi rentable ! On y a ainsi moins d’enfants qui manquent l’école en raison des maladies diarrhéiques et d’autres pathologies du péril fécal. Des économies sur les dépenses de santé des parents en perspective.

  1. Éduquer les enfants sur l’hygiène.

Pour l’instant, une grande partie de nos enfants sont à la maison en ne savent pas ce qui se passe. S’ils retournent à l’école, on pourrait consacrer 30 minutes de cours par jour à les éduquer sur l’hygiène (des mains, du corps, des dents, des vêtements, de la maison, de la classe, de l’école, etc…). L’enfance est le moment idéal pour implanter les bonnes habitudes. Cette crise peut être un excellent alibi. De retour a la maison, voire quand ils seront plus grands, ils seront ambassadeurs  de l’hygiène qu’ils inculqueront à leurs parents maintenant et à leurs enfants plus tard.

  1. Opérer des restrictions graduelles des fermetures d’écoles. Pour l’instant on peut comprendre les fermetures d’écoles dans les grandes villes et grands foyers de l’épidémie comme Yaoundé, Douala ,Bafoussam ,etc…

Mais pour les élèves de l’école de Zilly qui ont déjà du mal à Bénéficier des mêmes chances dans l’éducation que les enfants vivant à Yaoundé ou à Douala, et où aucun cas de coronavirus n’est encore détecté dans leur village, voire dans leur commune, c’est la double peine. À mon avis, les restrictions doivent être graduelles. On pourrait décider que tant qu’une région (ou une ville) n’atteint pas 5 cas (ou autre), on ne ferme pas encore les écoles de cette région. Par chance, la progression de l’épidémie semble plus lente. Avant que l’épidémie ne touche tout le pays, on aura déjà finit l’année scolaire.

On aura donc le temps de réfléchir pendant 03 mois à l’organisation de la prochaine rentrée scolaire, en espérant que le coronavirus se sera essoufflé un peu…

Dr Roger Etoa

Médecin de santé publique

Ancien élève de l’école de Zilly

NB: Texte publié avant la rentrée scolaire.

Olive Atangana

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.

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1 réponse

  1. 7 octobre 2020

    […] La protection des élèves semble prioritaire avec la reprise des cours qui a eu lieu ce 5 octobre 2…. Ceci, à la faveur de ce contexte particulier que représente la pandémie au nouveau Coronavirus. De ce fait, un protocole sanitaire a été mis en place dans les écoles. Celui-ci inclut l’installation de dispositifs de lavage des mains, ainsi que la distanciation physique qui est appliquée en fonction des infrastructures et des effectifs par la communauté éducative afin de limiter les interactions entre les élèves. « L’implémentation de nos protocoles sanitaires est effective, pour la protection de nos enfants dans ce contexte particulier de reprise des enseignements », a rassuré au cours du point de presse quotidien de ce jour, le Dr Linda Esso, sous-directeur de la lutte contre les épidémies et les maladies au ministère de la Santé publique (Minsanté). […]

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