Cename. Dessous de la discorde entre le DG et la PCA

(L’urgentiste.com)– Le Dr Vandi Deli, directeur général de la Centrale nationale d’approvisionnement en médicaments essentiels (Cename) a repris du service depuis le 28 mars 2022. Soit près d’une semaine après la levée des scellés apposés sur son bureau à la demande de Marie Mélanie Bell, la présidente du Conseil d’administration (PCA). « Le ministre de la Santé publique étant dans son rôle de tutelle a demandé la levée de ces scellés et qu’on sursoit à la suspension d’un mois du DG. Car, même le conseil est divisé à ce propos », confie une source proche du DG. Cette reprise des rênes de la Cename s’est ainsi faite au détriment du Dr Saibou, l’intérimaire désigné le 17 mars 2022 par le Conseil d’administration.

« Le DG surfe sur le fait qu’il n’y ait pas de note officielle de suspension ni les résolutions du Conseil d’administration pour continuer à faire comme si de rien n’était. Il signe les documents or, sa suspension court toujours ; il a interdit ses services d’envoyer les dossiers pour signatures au Dr Saibou qui, en retour, ne vient plus au travail », explique un proche de Marie Mélanie Bell.

Selon la même source, le Dr Saibou serait « très embarrassé » par cette situation. « Ce d’autant plus qu’il n’arrive pas à joindre la PCA depuis quelque temps », confie la même source. Au ministère de la Santé publique (Minsanté), on conteste les décisions issues du conseil d’administration, qui n’aurait pas « respecté les règles ». « Pour que les résolutions prises par le Conseil soient opposables à un tiers, il faut qu’elles soient paraphées par la tutelle. Ce qui n’a pas été le cas », avance un haut responsable du Minsanté.

Demande d’explications

Autant dire que la crise entre la PCA et le DG – à qui Manaouda Malachie avait pourtant demandé en 2019 de « former un tandem » – couve toujours. Si les rapports entre les deux responsables n’ont pas toujours été au beau fixe, l’escalade de ce conflit remonte au 21 mars dernier. Ce jour-là, le DG a reçu une demande d’explications de la PCA. « La demande d’explications est consécutive à la non-participation à une ou deux réunions du Conseil d’administration », confie une voix autorisée au ministère de la Santé. Mais à côté de cette version, un cadre administratif de la Cename et réputé proche du DG, ajoute que la PCA reproche au DG d’avoir « outrepassé les pouvoirs du conseil ».

Toujours est-il que la demande d’explications est restée lettre morte. « Le DG n’ayant pas répondu à la demande d’explications, elle a donc convoqué un conseil d’administration extraordinaire au cours duquel il a été décidé de le sanctionner », renseigne un membre du conseil d’administration. Une version corroborée au Minsanté. Contactés, la PCA et le DG n’ont ni confirmé ni infirmé cette information. Après moult relances de notre protocole d’interview, le Dr Vandi dit rester « concentré » dans son travail. Du côté de la PCA, le protocole d’interview reste sans réponse plus d’un mois après sa réception.

Le plaidoyer de la discorde

Dans l’entourage du Dr Vandi, la véritable pomme de discorde entre le DG et la PCA vient d’un plaidoyer entrepris par le DG auprès des services du Premier ministre. L’initiative lancée par le Dr Vandi à l’insu de la PCA visait à modifier le décret présidentiel du 20 septembre 2018 réorganisant la Cename.

L’affaire remonte au mois de février 2022. Dans ce projet, l’ancien directeur de la Pharmacie du médicament et des laboratoires au Minsanté est soutenu par Manaouda Malachie, le ministre de la Santé publique et tutelle technique de la Cename. « Nous avons travaillé avec le ministre pour la révision de ce texte. Nous lui avons envoyé une copie avancée. Il a sorti une lettre pour transmettre le document au Premier ministre avec un avis favorable. Puisqu’il estime que cette révision est salutaire », confie un collaborateur du DG. À la suite de cette démarche, une réunion est convoquée dans les services du Premier ministre. Prennent part à cette rencontre : le DG de la Cename et son directeur des affaires financières (DAF), renseigne une source à la Primature. Durant les travaux, le président de séance demande au DG s’il a saisi le Conseil d’administration. La réponse est non. « Il n’y a aucune disposition qui oblige le DG à saisir au préalable le conseil d’administration pour faire un plaidoyer. D’ailleurs, le texte dit que le DG est seul responsable de la gestion de la structure », argue-t-on dans l’entourage du Dr Vandi. Un avis partagé par des sources internes au cabinet du ministre de la Santé.

Fin de non-recevoir

Sauf que cet argument ne convainc pas à l’immeuble Étoile. D’où la fin de non-recevoir réservée par le Premier ministre à cette mouture de révision du décret du 20 septembre 2018. Dans la même veine, la Primature instruit par la suite le DG de requérir au préalable, « la non-objection du Conseil d’administration », pour relancer la procédure engagée. « Nous avons donc saisi le Conseil. En retour, le DG a reçu une demande d’explication de la PCA. S’il faut donner le contenu des griefs, on va dire insubordination », indique un soutien du Dr Vandi Deli.

La suite ce sera à la session extraordinaire du Conseil d’administration du 17 mars 2022 où le Dr Vandi est suspendu de ses fonctions de directeur général pour une période d’un mois. La décision a été par la suite attaquée par le ministre de la Santé, estimant que le DG est dans son rôle. « C’est la tutelle technique à savoir le ministre de la Santé publique qui peut apprécier cette démarche. La procédure concerne la tutelle technique, les services du Premier ministre et la présidence de la République », motive un proche de Manaouda Malachie. La même source soutient que le projet de modification des textes de la Cename n’est pas une exception. Bien au contraire, d’autres entités étatiques ont obtenu satisfaction après avoir procédé à cette démarche. C’est notamment le cas de l’Agence de régulation des télécommunications (ART), motive-t-on. Mais au moment d’engager le chantier de réforme des textes, le DG de l’ART avait-il lui aussi omis d’informer sa PCA ? Au Minsanté comme chez les inconditionnels de Vandi Deli, la question reste sans réponse.

NB : Dans le fond, la modification sollicitée par le directeur général porte sur les articles 56 et 45 qui encadrent les procédures d’achat de médicament (marchés publics) et de recouvrement post-livraison. Nous y reviendrons en profondeur.

 

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Olive Atangana

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.

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