Cameroun. Les petites anomalies de l’enquête démographique et de santé 2018
Dans son rapport, elle se limite à certains indicateurs clés et ignore les maladies infectieuses, cardiovasculaires, métaboliques et tumorales.
La cinquième Enquête Démographique et de Santé du Cameroun (EDSC-V) est disponible. Elle a été réalisée sur le terrain du 16 juin 2018 au 19 janvier 2019, par l’Institut National de la Statistique (INS), en collaboration avec le ministère de la Santé Publique (Minsanté) et d’autres partenaires techniques et financiers. Dans le rapport de 71 pages dont nous avons eu copie, il est présenté les résultats clés de cette enquête. L’on peut y voir des estimations actualisées des indicateurs démographiques et sanitaires de base.
Plus précisément, l’EDSC-V contient des données sur les niveaux de fécondité, les préférences en matière de fécondité, la connaissance et l’utilisation des méthodes de planification familiale, les pratiques d’allaitement, la mortalité des enfants, la mortalité maternelle, la santé infantile et maternelle, la possession et l’utilisation des moustiquaires, l’état nutritionnel et les pratiques alimentaires de la mère et de l’enfant, etc. En outre, elle a permis d’estimer la prévalence de l’anémie, du paludisme et du VIH.
Décryptage
Pour ses rédacteurs, « Les résultats présentés dans ce rapport sont suffisamment robustes ». Mais seulement, à la lecture, force est de constater qu’il ne couvre pas tous les domaines de la santé au Cameroun. Par exemple, les maladies infectieuses, cardiovasculaires, métaboliques et tumorales. Pourtant, elles constituent incontestablement un pourcentage de plus en plus important. Pour la dernière catégorie, les statistiques officielles révèlent que 15 000 nouveaux cas de cancer sont enregistrés au Cameroun chaque année. Ils sont d’autant plus inquiétantes que 15% des patients trouvent la mort.
Bien plus, 80% des malades arrivent dans une formation sanitaire à un stade avancé de la maladie. Par ailleurs, le pays est aux prises avec cinq types de cancers les plus récurrents et coûteux dans le traitement aussi. Il s’agit du cancer du sein, de la prostate, du col de l’utérus, du foi et la leucémie. En ce qui concerne les maladie cardiovasculaires, 30-40% de la population camerounaise sont touchées par l’Hypertension artérielle (HTA). Ce tueur à lui seul est la 1re cause d’insuffisance rénale, d’AVC, d’insuffisance et d’arrêt cardiaque.
Le diabète, classé dans les maladies non transmissibles lui, fait 2% de décès chaque année et deux millions de personnes sont touchées par l’obésité. L’enquête elle, ne se limite malheureusement qu’à des maladies de base comme le paludisme, la santé de la reproduction. « Il a été élaboré pour fournir aux décideurs et aux prestataires de services, le plus rapidement possible après la fin de la collecte, des informations sur le niveau de certains indicateurs les plus importants. Une analyse complète des données sera publiée dans les prochains mois », peut-on lire dans le rapport.
Soins prénatals en dessous de la moyenne
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande au moins 4 visites prénatales et 8 contacts, la première visite devant avoir lieu avant le troisième mois de la grossesse. Parmi les femmes de 15-49 ans ayant eu une naissance vivante au cours des 5 années précédant l’enquête, près de neuf femmes sur dix (87 %) ont reçu des soins prénatals dispensés par un prestataire formé c’est-à-dire un médecin, une infirmière ou une sage-femme, ou un aide-soignant. Cependant, un peu moins de sept femmes sur dix (65 %) ont effectué, au moins, les quatre visites recommandées. Et si 95% de femmes du milieu urbain ont bénéficié plus fréquemment des soins prénatals dispensés par un prestataire formé, celles du milieu rural ne sont que de 79 % ; et 79 % des femmes en milieu urbain contre 52 % en milieu rural ont effectué quatre visites prénatales ou plus.
Au plan régional, c’est dans l’Adamaoua (70 %), au Nord (73 %), à l’Extrême-Nord (78 %) et à l’Est (82 %) que le pourcentage de femmes ayant reçu des soins prénatals d’un prestataire formé est en deçà de la moyenne nationale. « En outre, ces régions se distinguent par de faibles pourcentages de femmes ayant effectué quatre visites prénatales (inférieurs à 55 %) », regrette l’étude. Et d’ajouter que « paradoxalement, dans la région du Sud, bien que 92 % de femmes aient reçu des soins prénatals dispensés par un prestataire formé, seulement 60 % ont effectué les quatre visites prénatales ou plus ».
Accouchements difficiles au Nord et à l’Extrême-Nord
A ce niveau, l’analyse par région montre des disparités 25 importantes. Si à Douala, 98 % des naissances se sont déroulées avec l’assistance d’un prestataire formé, ce pourcentage est beaucoup plus faible dans les régions du Nord (40 %) et de l’Extrême-Nord (40 %). Mais il est à noter que 69 % des naissances vivantes ayant eu lieu au cours des 5 années précédant l’enquête se sont déroulées avec l’assistance d’un prestataire de santé formé et 67 % des naissances ont eu lieu dans un établissement de santé. En milieu urbain, neuf naissances sur dix (90 %) se sont déroulées avec l’assistance d’un prestataire de santé formé contre seulement 53 % des naissances en milieu rural.
Prévalence élevée du paludisme chez les enfants
Les résultats du Test de Diagnostic Rapide (TDR) sur la prévalence paritaire du paludisme effectué chez les enfants de 6-59 mois indiquent qu’elle est de 24 %. Cette prévalence est beaucoup plus élevée en milieu rural avec 32 %, qu’en milieu urbain (14 %). Celle la plus élevée est observée dans la région du Centre où elle est de 47% (sans Yaoundé). À l’opposé, c’est à Douala (8 %) et dans la région du Nord-Ouest (10 %) que les prévalences les plus faibles sont observées. Déjà en 2017, les enfants de moins de cinq ans continuaient de payer le plus lourd tribut des décès palustres. En effet, sur 3 195 décès liés au paludisme enregistrés dans les formations sanitaires en 2017, 1942 ont été enregistrés chez cette tranche d’âge. Soit 60,78%.
Mortalité infantile en légère baisse
Ces indicateurs sur la mortalité des enfants ont de nouvelles tendances. On observe de manière générale, une tendance à la baisse des risques de décès des enfants avant cinq ans. Estimé à 77 % en 1998, le quotient de mortalité infantile est passé à 74 % en 2004 ; à 62 % en 2011 et à 48 % en 2018. Dans la même période, le quotient de mortalité infanto-juvénile a aussi diminué, passant de 151 % en 1998, à 144 % en 2004, à 122 % en 2011 et à 79 % en 2018.
Il est cependant à relever que le risque de mortalité néonatale a peu varié depuis 2004 où il avoisine 30 %. Quant aux composantes de la mortalité infantile, elles se situent à 28 % pour la mortalité néonatale et à 20 ‰ pour la mortalité post-néonatale. Ce qui fait que de manière générale, le risque de mortalité infanto-juvénile (risque de décès avant l’âge de cinq ans), est de 79 %.