Cameroun. Le gouvernement aspire à réduire de 60% la mortalité liée au paludisme
« Zéro palu-Tirer un trait contre le paludisme ». Tel est le thème sous lequel s’est célébrée le 25 avril 2021, la 14è journée mondiale de lutte contre le paludisme au Cameroun. Alors que la pandémie de Covid-19 a monopolisé l’attention nationale tout en ayant un impact négatif sur la lutte notamment en matière de prévention, le gouvernement rassure que la maladie n’a pas été laissée pour compte. Pour l’en attester, à travers le Programme national de lutte contre le paludisme (Pnlp), il a adopté pour la période 2019-2023, un nouveau plan de lutte contre cette maladie endémique qui représente un lourd impact socio-économique dans notre pays. Ce dernier vise d’ici 2023, à réduire de 60% la mortalité et la morbidité liées au paludisme. Ceci, par rapport à 2015 où 3 440 décès et 1 million 763 mille 402 malades ont été enregistrés cette année-là.
A cet effet, « Selon l’approche recommandée par l’OMS, le gouvernement a retenue plusieurs axes prioritaires d’actions à savoir le renforcement de la prévention et l’amélioration de la qualité de la prise en charge des cas en particulier chez les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans », a précisé Manaouda Malachie, ministre de la Santé publique. L’administration gratuite du traitement intermittent pour la protection des femmes enceintes et de leurs bébés et des opérations de chimio prévention du paludisme saisonnier chez les enfants dans les régions du Nord et de l’Extrême-Nord « avec des interventions aussi bien dans les formations sanitaires qu’en communautés » ne sont pas en reste, détaille le Minsanté.
Mesures peu adaptées au contexte
Il s’agira par ailleurs de mener des activités de pulvérisation intradomicilliaire des ménages dans les districts de santé ciblés, de gérer la résistance des vecteurs aux insecticides et d’améliorer l’utilisation systématique des Moustiquaires à Longue Durée d’Action (Milda) par toute la population. Sauf que les acteurs de la société civile impliqués dans la lutte contre cette maladie pensent que cette stratégie ne portera pas ses fruits. « Nous n’avons aucune chance si nous ne revoyons pas le plan de lutte. Les stratégies utilisées ne produisent pas les résultats », soutient le Dr Albert Ze, économiste de la Santé. Un avis que partage Benoit Bissohong. « Ses chances de réussite sont très infimes parce que les stratégies actuelles ont montré leur limite. Nous nous entêtons depuis des années avec les mêmes mesures peu adaptées à notre contexte », critique cet acteur de la société civile.
Par exemple, la sensibilisation et la communication pour le développement « sont très peu adaptées et ne placent pas le bénéficiaire au centre de la riposte ; la protection des abords des habitations, la préservation de l’environnement au sens large du termes ne sont pas encouragés », liste Benoit Bissohong. Plus grave, l’utilisation des Milda qui n’ont malheureusement pas jusqu’ici démontré leur impact. En effet, leur taux de possession a certes augmenté (79%) mais celui d’utilisation n’a pas suivi (69%). Chez les enfants de de moins de 5 ans, il est de 60% et de 61% auprès des femmes enceintes. « La Milda peine à démontrer son efficacité et son utilisation est orienté vers d’autres fins », regrette celui qui est par ailleurs promoteur du Programme de santé « 13 Degrés à l’Ombre ». Et ce dernier de questionner où en est le pays avec la lutte antivectorielle traditionnelle, sans oublier « le leurre » qu’est la gratuité de la prise en charge du paludisme simple chez les moins de 5 ans qui reste un problème important.
« Résultats mitigés »
En 2020, le paludisme a tué 4121 personnes au Cameroun selon les chiffres officiels, contre 4510 en 2019. Parmi ces décès enregistrés, 64% sont ceux des enfants de 0 à 5 ans. « La tendance est à la croissance », reconnaît le Dr Ateba Marcelin, secrétaire permanent adjoint du Pnlp. D’après le rapport annuel 2020 de ce programme, le taux d’incidence dans les formations sanitaires (Fosa) pour l’année écoulée est de 103 pour 1000 habitants, contre 101 pour 1000 habitants en 2019. Soit une augmentation « d’au moins 5000 cas de paludisme sans compter les cas dans la communauté », relève le Dr Achu Dorothy, Secrétaire permanent du Pnlp.
2 millions 646 mille 139 cas confirmés ont été rapportés (contre 2 millions 628 mille 191 en 2019), avec 32% des enfants de 0 à 5 ans touchés. Toujours au cours de l’année précédente, le paludisme représentait 29% des consultations dans les formations sanitaires et 40% des hospitalisations. Le taux de mortalité actuel lui, est de 16 décès pour 100 000 habitants, comparé au 18 décès pour 100 000 habitants en 2019. Soit une réduction d’environ 500 décès, d’après les responsables du Pnlp. Ceux-ci confirment d’ailleurs une « une légère inflexion ». Et le Cameroun est classé 11e au rang mondial des pays les plus touchés par le paludisme.
Il n’en fallait pas plus pour que le Dr Albert Ze soutienne que « les résultats restent très mitigés ». Ce, alors que « des financements importants pour mener des activités visant à vaincre le paludisme » au Cameroun sont alloués. C’est que, selon lui, « Les stratégies mises en place par le programme Paludisme ne correspondent pas à la logique de la lutte contre le paludisme ». Et pour cause, le Pnlp a pour principale stratégie, « La moustiquaire qui n’a jamais été une méthode efficace à travers le monde ». Dans une tribune à l’attention du Président de la République Paul Biya, ce dernier propose que la lutte contre le paludisme « soit complètement revue au Cameroun afin d’arrêter les pertes financières liées à la mise en place d’un plan inadapté ».
Pour Benoit Bissohong, concrètement, « il faut encourager les stratégies qu’ont choisi les bénéficiaires parce qu’en santé publique, les populations doivent se reconnaître dans les politiques de santé mises en place. Dans le cas contraire, elles vont les rejeter ». En conclusion, il faut mettre à disposition les fonds de contrepartie d’après un médecin de santé publique, poursuivre les actions déjà menées, mais, « avant tout évaluer la riposte actuelle et mettre un accent sur les stratégies de communication qui impliquent les bénéficiaires », prescrit Benoit Bissohong