Cameroun. La prévention du suicide admise aux urgences

(Lurgentiste.com)- Les actions de prévention du suicide ne courent pas les rues au Cameroun. Les professionnels de la santé mentale contactés sont tous unanimes à ce sujet. Ces actes « restent faibles », reconnaissent-ils. D’abord, parce que « la question du suicide est taboue dans notre société. Qu’elle soit moderne ou traditionnelle. C’est l’une des raisons pour lesquelles les activités concernant la prévention sont faibles », soutient Joël Djatche, psychologue-clinicien.  Mais au-delà de tout, la raison majeure est que « la santé mentale n’est pas encore une priorité au Cameroun. Tout comme les maladies mentales », regrette Didier Demassosso, psychologue-clinicien.

En effet, le constat fait état de ce que « Les questions de santé mentale sont un peu méconnues ; mises de côté ; stigmatisées et reléguées vers les derniers plans de la santé que ce soit par les pouvoir publics que par la communauté », déplore Joel Djatche, par ailleurs Responsable de UNIPSY. Par conséquent, « Les activités de prévention du suicide n’échappent pas à cette réalité », poursuit-il. Son confrère Didier Demassosso lui, regrette le fait que dans la santé publique, l’accent est mis sur les maladies infectieuses, tropicales. « Mais en ce qui concerne la santé mentale, il n’y a pas encore une réflexion réelle et concrète sur comment la promouvoir. Non seulement de manière systématique mais continuelle, et surtout prévenir ».

Pourtant, « il y a suffisamment de données probantes qui montrent que nous devons nous attendre à des prévalences extrêmement élevées de plusieurs maladies mentales », alerte Didier Demassosso. Non sans marteler que « La promotion et la prévention sont une partie extrêmement importante en santé publique ». Joël Djtache de son côté, soutient qu’il serait peut-être judicieux d’avoir des statistiques précise en matière de conduite du suicide. A ses yeux, ceci permettrait de prendre « conscience de l’ampleur du problème » et d’apporter des actions de préventions adéquates.

Actions collectives

Ceci est d’autant plus crucial aujourd’hui au regard des cas de suicides qui se sont multipliés ces trois dernières années en terres camerounaises. L’on a encore en mémoire ceux des élèves ayant échoué à leurs examens, de la ménagère de Kribi et plus récemment, du Consul de France à Douala.  En attendant d’y arriver, Didier Demassosso conseille plusieurs astuces tant au niveau primaire, secondaire que tertiaire. Avant tout, « La prévention du suicide est une action collective. Elle implique les familles, la communauté et l’Etat », dit-il. L’une des prescriptions est de réduire la stigmatisation des personnes ayant une maladie mentale de manière générale.

Mais surtout, « que la stigmatisation des personnes de familles de personnes qui meurent par suicide par une culture où le suicide est considérée non pas comme une faiblesse ou un trouble de comportements anormaux mais comme un signe d’une souffrance réelle », plaide-t-il. Et d’ajouter qu’« Il y a aussi un besoin important d’investir concrètement dans la santé mentale au niveau de la santé publique. La prévention est importante et est le meilleur moyen pour lutter contre le suicide dont le nombre va sans cesse croissant ».

Pour Joël Djatche, la prévention du suicide passe par plusieurs niveaux : individuel, familial et national. « Il faut promouvoir la santé mentale ; avoir une bonne hygiène, respecter et promouvoir les règles d’hygiène mentale ; faire le sport ; avoir une bonne alimentation ; connaitre quels sont les signes précurseurs du suicide ; mettre en place des ressources nécessaires tant au plan infrastructurel qu’humain, financier pour que la question du suicide soit abordée », liste-t-il.

Taux de suicide élevé

Au Cameroun, le taux de suicide est estimé à 19.5 pour 100.000 habitants. Ces chiffres sont du rapport intitulé « Suicide in the World, Global Health Estimates », publié le 9 septembre 2019 par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Ce taux est sans cesse croissant, passant de 4,9 en 2012 à 12,2 en 2016. Des chiffres qui placent le Cameroun parmi les 10 pays africains qui ont enregistré le taux de suicide le plus élevé entre 2000 ; 2016 et 2019. Au ministère de la Santé publique (Minsanté), la question du suicide semble ne pas beaucoup préoccuper.

Comme les années précédentes, la célébration le 10 septembre dernier de la 20e édition de la journée mondiale de prévention et de lutte contre le suicide est encore passée presque sous cape. L’une de nos sources à la sous-direction de la Santé mentale du Minsanté confie néanmoins qu’elle fera l’objet d’une « grande » célébration au mois d’octobre prochain, à la faveur de la journée mondiale de la santé mentale. Une campagne dénommée « Octobre rose » sera lancée et dédiée aux problématiques liées à la santé mentale, au viol, au suicide, à la consommation des drogues, violence, agressivité.

Créer l’espoir par l’action

En rappel, la 20e édition journée mondiale s’est célébrée sous le thème : « Créer l’espoir par l’action». Selon l’OMS, ce thème incite à agir et rappelle que le suicide n’est pas une fatalité et, qu’en agissant, nous pouvons susciter l’espoir et renforcer la prévention. « En créant de l’espoir par l’action, nous pouvons montrer aux personnes qui ont des idées suicidaires qu’il y a de l’espoir, que nous nous soucions d’elles et que nous voulons les soutenir », indique l’organisation onusienne. Par ailleurs, « Cela montre aussi que nos initiatives, plus ou moins importantes, peuvent donner de l’espoir à ceux qui luttent ».

A noter que le suicide « résulte d’un mal être ou d’une maladie mentale ». Il est « un grave » problème de santé publique aux conséquences sociales, émotionnelles et économiques considérables. D’après l’OMS, le lien entre suicide et troubles mentaux (en particulier la dépression et les troubles liés à l’usage de l’alcool) est bien établi. De nombreux suicides ont lieu de manière impulsive dans un moment de crise et de défaillance de l’aptitude à faire face aux stress de la vie, tels que les problèmes financiers, une rupture, une maladie ou une douleur chronique.

Olive Atangana

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.

Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *