Cameroun. Human Rights Watch soupçonne des malversations autour des fonds destinés à lutter contre le Coronavirus

« Il est grand temps que le gouvernement publie un compte-rendu complet de toutes les dépenses effectuées en rapport avec le Covid-19 ». Le ton de Human Rights Watch (HRW) sonne comme une menace à l’endroit des autorités sanitaires camerounaises. En réalité, cette ONG internationale s’inquiète de l’opacité qui entoure l’utilisation des fonds reçus par le Cameroun pour lutter contre la pandémie au nouveau coronavirus. « L’Etat a géré dans le plus grand secret l’argent destiné à faire face au Covid-19 », affirme dans une tribune, Sarah Saadoun, chercheuse auprès de la division « Entreprises et droits humains » de cette ONG internationale.

Elle en veut pour preuve l’opacité qui entoure la gestion du Fonds de solidarité national lancé par le président Paul Biya pour aider le gouvernement à soutenir un système de santé déjà en ruines « du fait notamment des crises sécuritaires qui affectent le pays ». Elle note que ce fonds créé à la hâte, « aurait dû venir en complément du Fonds de solidarité pour la santé (réserve d’urgence créée par le gouvernement en 1993 et à laquelle les établissements médicaux versent chaque mois 10 % de leurs recettes) », pense Human Rights Watch.

Absence de traçabilité

Seulement, « le gouvernement a géré ces deux fonds dans le plus grand secret, rendant impossible la traçabilité des ressources publiques. De fait, on ignore si et comment l’exécutif a dépensé cet argent, ainsi que les 226 millions de dollars (190 millions d’euros) qu’il a reçus du Fonds monétaire international (FMI) en appui à sa réponse au Covid-19 », déplore l’ONG. Si dans cette tribune l’on note le fait que le ministère de la santé publique (Minsanté) a publié le 29 juillet dans un communiqué de deux pages, des informations « sommaires » sur la manière dont il avait dépensé 22 milliards de Fcfa en réponse au Covid-19 au cours des cinq mois précédents, à leurs yeux, « c’est seulement sous la pression publique ».

En fait, « ce communiqué n’est qu’une parodie de transparence ». Ce d’autant plus que « les informations fournies sont trop générales pour permettre un véritable contrôle de la part du public ». Pour l’ONG, ces 22 milliards de Fcfa ne représentent pas la totalité des fonds reçus par le gouvernement pour lutter pour lutter contre le virus mortel. Et malgré ces fonds reçus, « de nombreux hôpitaux demeurent dramatiquement impréparés six mois après le début de la pandémie », affirme l’ONG.

Quid des aides de la BAD et du FMI ?

Le Cameroun a également reçu des fonds sous forme d’assistance internationale dans le cadre « d’au moins 43 projets relatifs à la lutte contre le Covid-19, dont 100 millions de dollars de la Banque africaine de développement (BAD) et 226 millions de dollars du FMI », poursuit l’ONG. Mais le détail complet des dépenses et son utilisation restent des zones d’ombres pour l’ONG. Pourtant, dans une lettre sollicitant ce prêt, Louis Paul Motazé, le ministre des Finances (Minfi), soulignait l’importance de ces fonds « pour couvrir des besoins urgents en matière de modernisation du système de santé ».

Et donc, cette lettre contenait un engagement à publier tout document concernant des acquisitions d’équipements liés à la lutte contre le Covid-19, y compris les noms des propriétaires des compagnies auxquelles les contrats étaient attribués, « mais nous n’avons pas pu trouver ces contrats », regrette HRW. Dans sa lettre, le ministre promettait également de publier les résultats d’un audit indépendant avant la fin de l’année fiscale 2020, laquelle a pris fin le 30 juin sans qu’aucune information ne permette de savoir si un tel audit a été réalisé ou est en cours.

Et l’ONG de conclure : « La traçabilité de cet argent est une question qui va au-delà du devoir qu’a le gouvernement de répondre à la solidarité publique par une gouvernance responsable ; elle est aussi essentielle pour assurer que des fonds indispensables pour lutter contre une pandémie soient distribués dans leur totalité et de manière équitable à travers le pays ».

 

Olive Atangana

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.

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1 réponse

  1. 1 octobre 2020

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