[Lurgentiste.com] – Bien que la décision ne soit pas encore officielle, la question des sanctions contre le Cameroun est au cœur des débats au Secrétariat général du Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur (CAMES). Selon des sources internes, des concertations ont eu lieu récemment au cabinet du Pr Souleymane Konaté, Secrétaire général du CAMES, concernant les certificats de prise de service douteux présentés par les candidats camerounais pour le concours d’agrégation en médecine de 2024. « Les deux directeurs des programmes, qui entourent le Secrétaire général, ont eu des discussions avec leurs équipes à ce sujet. Il est fort possible que cette question soit inscrite à l’ordre du jour du prochain Conseil des ministres. Les décisions qui en découleront seront celles qui seront appliquées », confie une source proche du dossier.
Accusations de falsification des certificats
Au sein du CAMES, la question divise. Le premier camp, soutenu principalement par des pays de l’Afrique de l’Ouest, considère que des sanctions doivent être appliquées au Cameroun, l’État ayant au moins une responsabilité partielle. « Le pays a pris l’option de réviser les certificats de prise de service des candidats sans notifier ni expliquer sa démarche auprès de l’instance politique du CAMES qui est le Conseil des ministres », explique une source au sein de l’institution.
Pour mieux comprendre, il faut remonter au 13 décembre 2019, lorsque la présidence de la République du Cameroun prend la décision de recruter des professeurs d’université. La date de prise de service est fixée au 1ᵉʳ janvier 2020, un jour férié au Cameroun. « La modification des notes de services entreprise par les autorités camerounaises visait donc à régulariser cette situation », défend un responsable universitaire.
Mais cet argument est fragilisé par le caractère unilatéral de l’initiative autorisée par le ministère de l’Enseignement supérieur (Minsup). « Posé ainsi, le Président du Conseil aurait donc dû valider la proposition du Cameroun de tenir plutôt compte de la date du 13 décembre. Le Cameroun ne devait pas prendre sur lui-même de la modifier », précise notre source.
Pr Ze Minkande… Conflit d’intérêts
Le deuxième groupe, quant à lui, plaide pour des sanctions ciblées, notamment à l’encontre des candidats recalés et surtout contre certains responsables universitaires impliqués dans le processus de sélection et du montage des dossiers des candidats camerounais. C’est le cas du Pr Jacqueline Ze Minkande, Doyenne de la Faculté de médecine et des sciences biomédicales de Yaoundé et, par ailleurs, présidente des Facultés de médecine au Cameroun à l’époque des faits.
Certains membres du CAMES estiment qu’il y a eu conflit d’intérêts, né du fait de la candidature de sa fille au concours CAMES. « Lorsqu’on a sa descendance qui concourt ou alors lorsqu’on a soi-même un dossier en instance pendant la session du Conseil, on se désiste. On ne peut plus être membre du jury. Mais le Pr Ze Minkande a été présidente du jury d’anesthésie-réanimation. Selon la réglementation du CAMES, cela n’est pas conforme. Au lieu de se désister, elle a plutôt cherché à contourner les règles, car dans un premier temps sa fille n’était pas sélectionnée », charge une tête couronnée au CAMES. De plus, certains de ses confrères jugent qu’elle aurait pu influencer le jury en sa qualité de membre.
Deux ans de suspension ?
Concernant les sanctions à l’encontre des candidats impliqués, ces derniers risquent d’être interdits de concours pendant deux années supplémentaires. Cette idée est envisagée dans le cadre de la politique d’assainissement initiée par l’ancien secrétaire général, explique nos sources. Cependant, cette proposition ne fait pas l’unanimité au sein du CAMES. Certains estiment qu’une telle sanction serait injuste pour ces candidats, qui ne devraient pas être pénalisés pour des manquements dont ils ne sont pas directement responsables.
Contacté à ce sujet par L’Urgentiste, le Pr Maurice Aurélien Sosso a réagi : « Les anciens que nous sommes estimons que c’est très mauvais de mêler les candidats aux sanctions de leurs encadreurs ou de leur pays », déclare le Grand Officier de l’Ordre international des Palmes académiques du CAMES.
Quoi qu’il en soit, les enjeux sont énormes pour le CAMES. L’institution compte défendre sa crédibilité dans ce scandale qui éclabousse son étiquette. « Il s’est dit beaucoup de contrevérités dans les médias camerounais, portant atteinte à l’institution et laissant croire que le CAMES n’est pas sérieux », déplore-t-on au CAMES. Cette situation pourrait encore compliquer la situation du pays.
Bekolo Ebé
Le Pr Bekolo Ebé, Président Coordonnateur des jurys d’agrégation CAMES, avait déjà averti que la décision d’interrompre la participation de 13 candidats sur les 17 présentés par le Cameroun devrait être perçue comme un début de sanction. Selon lui, « le Cameroun doit mesurer l’impact et le préjudice potentiel de cette situation ». Le Président des Agrégés du Cameroun et Recteur honoraire des Universités de Douala et Yaoundé conseille au Cameroun d’engager dans l’urgence une démarche explicative auprès du CAMES afin de calmer les tensions et d’éviter des conséquences négatives pour le pays. « Une communication claire est essentielle pour circonscrire l’ampleur des dégâts et éviter que cela ne se reproduise », conclut-il.
Mais une chose est sûre : les débats s’annoncent houleux lors du prochain Conseil des ministres du CAMES, où le Cameroun risque gros sur le banc des accusés. Pour espérer inverser la tendance et se tirer d’affaire, Yaoundé a tout intérêt à être représenté au plus haut niveau à ces assises.