(Lurgentiste.com) — Le milieu médical est divisé depuis la publication du communiqué signé du directeur général de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) relatant les circonstances du décès du nommé Mfegue Fefoa Roland, plus connu sous le nom de « Samy Lenwr ». Des médecins accusent Noël Alain Mekulu Mvondo Akame d’avoir violé le secret médical en publiant des éléments du dossier médical du patient interné au Centre hospitalier d’Essos où il a subi une opération chirurgicale avant son décès.
« Ce n’est ni éthique, ni déontologique ce que la direction générale de la CNPS a écrit. On n’utilise pas le diagnostic des patients pour communiquer », s’indigne un médecin légiste en service au ministère de la Santé publique. La situation est d’autant plus déplorable que « Cela a été fait sans le consentement du malade ou de ses ayants droit », poursuit-il. Et de conclure: « C’est une violation pure et simple du secret médical. Le Code pénal est clair là-dessus. Tout comme le Code d’éthique et de déontologie des médecins (article 4 du Code du 10 août 1990: Ndlr)».
Cette position est également partagée le Dr Xavier Etoa Mebara, médecin légiste lui aussi. Pour eux, les responsables de la CNPS tombent sous le coup de l’article 310 intitulé« Secret professionnel », en son aliéna (1). Lequel dispose : « Est puni d’un emprisonnement de trois mois à trois ans et d’une amende de 20.000 à 100.000 francs celui qui révèle sans l’autorisation de celui à qui il appartient un fait confidentiel qu’il n’a connu ou qui ne lui a été confié qu’en raison de sa profession ou de sa fonction ».
Défense
Dans ce débat, le Dr Claudel Noubissié prend la défense de la CNPS. « Dans le marketing hospitalier, en cas de crise de ce type, il est essentiel que les établissements de santé réagissent afin de mettre fin à des interprétations dangereuses qui pourraient nuire à l’image des professionnels de santé », argue-t-il. Le Dr Roger Etoa, médecin du travail, opine pour sa part que le communiqué de la CNPS n’est pas reprochable du point de vue éthique. « Le motif de coups et blessures fait partie des exemptions à la protection du secret médical. Ça s’apprend dans les cours de médecine légale, en formation de médecine du travail », avance-t-il.
Il rejoint ainsi la ligne de défense du staff managérial de la CNPS qui réfute avoir violé la loi dans sa démarche de communication de crise. « Le secret médical n’a pas été violé. Ce communiqué n’est pas un rapport médical. On a juste relaté les faits sur les incongruités relayées en masse sur les réseaux sociaux », se défend Alamine Che, le directeur du Centre hospitalier d’Essos. Un argument contrattaqué par le Dr Etoa Mebara qui fait observer que « le communiqué de la CNPS parle de tout l’état de santé du patient, de son diagnostic médical, ainsi que ce qu’on a posé comme acte médical sur lui. Ce qui est contre-éthique ».
Procédure non conforme ?
En réalité, le communiqué du DG de la Cnps détaille dans « les faits », la prise en charge de « Samy Lenwr » du jour de son admission le 1er juillet, à son décès six jours plus tard, en passant par les examens cliniques réalisées, l’intervention chirurgicale et son déroulement, les complications rencontrées par l’équipe pendant cette opération, et le suivi post-opératoire, entre autres. Toutes choses qui font dire à un médecin sous anonymat qu’ « Il y a plusieurs problèmes sur le fond et la forme dans cette communication de la Cnps ».
D’abord sur le fond, « cet hôpital n’a pas à diffuser le diagnostic d’un patient. Deuxièmement, la reconstitution des faits n’a pas à être faite par la direction générale mais par l’autorité administrative (Préfet ou gouverneur) ou par le Procureur de la République. Et l’autorité administrative le fait après que le Procureur ait diligenté une enquête». Au regard de ce qui précède, « la famille peut décider de porter plainte à l’hôpital pour violation du secret médical », dit-il.
Canevas
Quoi qu’il en soit, « La Cnps aurait due produire un communiqué pour dire que le patient a été admis et pris en charge conformément aux règles de l’art. Mais que malgré la dextérité et le professionnalisme de l’équipe de soignants pour le sauver, le patient est décédé. Présenter ses condoléances à la famille par la suite et dire que leurs locaux restent ouverts pour toute enquête administrative », prescrit notre source proche du dossier.
Ce que Claudel Noubissié soutient lui aussi. Dans ses recommandations pour une communication efficace en pareille circonstance, il conseille notamment empathie et compassion ; transparence ; disponibilité pour répondre aux questions et collaboration avec les autorités compétentes.
Inquiétudes des patients
Dans ce branle-bas suscité par la communication de la CNPS, certains médecins vont plus loin dans le débat. À la lumière du communiqué signé du DG de la CNPS, les patients des formations sanitaires appartenant à cette entreprise publique devraient s’inquiéter du sort réservé aux informations confidentielles contenues dans leurs dossiers médicaux, pensent-ils.
« Le communiqué du DG est clairement dangereux en ce sens qu’il révèle que le patron de la CNPS, qui n’est pas médecin, a la main mise sur les dossiers médicaux des patients. Au regard des nombreuses personnalités de la République qui se soignent à l’hôpital de la caisse, il y a matière à réfléchir », commente un membre de l’Ordre national des médecins du Cameroun. Pour ce dernier, « [ce] communiqué du DG est contre-productif et peut se retourner contre la structure si jamais la famille décide de porter plainte ».