La suppression de la prime « technicité agent technique » des bulletins de solde fait grand bruit dans le milieu médical, au ministère de la Santé publique et au sein de l’opinion publique. Celle-ci (Le Minsanté y compris), soutient en partie qu’ayant reçus une « prime indue » de 2400 Fcfa depuis 18 ans, les médecins devraient rembourser le trop perçu à l’Etat camerounais.
« En principe, ces personnels devraient être mis en débet pour avoir perçu quelque chose qui ne leur revenait plus », indique dans les colonnes du quotidien gouvernemental Cameroon Tribune, Emile Ella Ngbwa, directeur des ressources humaines au Minsanté. Et, « Nous nous attendions d’ailleurs à ce que les gens nous invitent à un plaidoyer de tolérance administrative auprès du comité plutôt que de nous dire que nous avons ponctionné leurs revenus », s’insurge le DRH Minsanté.
Riposte médicale
Les médecins eux, ne décolèrent pas après la suppression de cette prime querellée (pour donner lieu à trois autres primes d’un montant de 40 000 Fcfa) et la mise en circulation hier, de la correspondance du 23 juillet du ministre de la Santé publique (Minsanté). Dans celle-ci, Manaouda Malachie demande au ministre des Finances de « bien vouloir supprimer la prime de technicité agent technique (…) conformément aux dispositions du décret N°2002/042 du 04 février, fixant les modalités d’attribution et le montant des primes allouées aux fonctionnaires des corps de la Santé publique ».
Seulement, « Ce ne sont pas ces pauvres médecins qui ont trafiqués le système informatique du service de la solde pour avoir une « prime indue ». Ils en sont aussi des victimes », argue le Dr Roger Etoa. Un avis que partage Albert Ze, économiste de la Santé. « Même s’il y a erreur, ce n’est pas le personnel de santé qui doit payer. Ce n’est pas lui qui avait introduit cette prime», soutient ce dernier. Pour le syndicaliste Sylvain Nga Onana, « Ce doublon aurait du être renommé ou transformé en une autre prime».
De plus, « En droit du travail, les acquis sociaux obtenus par les travailleurs ne peuvent être annulés ou retirés sans dialogue, sans concertation, sans préavis », argumente le Dr Etoa par ailleurs médecin du travail. Aux yeux de ce dernier et de ses confrères, le moment choisit « pour nous ponctionner nos salaires », celui de la crise du coronavirus qui a déjà emporté 17 des leurs (tandis que 763 sont infectés), est inopportun.
Raison de la mobilisation
L’absence de communication et la manière de ce prélèvement «Sans aucune explication préalable » en rajoutent à cette colère. « Ce qui est choquant c’est la manière avec laquelle cette opération a été menée. Aucune communication à ce propos. Le timing de cette décision a été une fois de plus mal choisit », s’indigne un médecin sous anonymat. En effet, « Le timing est mauvais, la procédure mauvaise et l’action est un mépris », tranche le Dr Albert Ze.
Selon les médecins, « Cette soustraction semble incongrue ». Surtout au moment où « partout ailleurs, des professionnels de santé sont acclamés avec revalorisation du salaire ». En effet, « En plein Covid-19, les personnels de santé attendent l’amélioration de leurs conditions de travail par le relèvement des salaires et primes pour un travail décent », relève Sylvain Nga Onana, Président de CAP/Santé. En tout cas, depuis le 27 juillet donc, une pétition a été mise en ligne par « Le Collectif des médecins indignés ». Elle a déjà recueilli plus de 1500 signatures. « Cette pétition, je ne l’ai pas signé pour 2400F. Je l’ai fait pour voir un jour une amélioration salariale du personnel médical et plus loin encore, le respect de tous les textes portant répartition des quotes part et des primes dans les formations sanitaires », explique un autre médecin.
Responsabilités partagées
« Le discours actuel est un discours d’apaisement parce que nous sommes dans une phase technique. Nous verrons comment arrondir les angles. Il ne s’agit pas d’accuser qui que ce soit, parce que les responsabilités sont partagées », se veut conciliant le DRH du Minsanté. A en croire ce dernier, « Le véritable perdant en principe c’est le ministère de la Santé ». En tout cas, « Ce doublon aurait dû être renommé ou transformé en une autre prime », soutient Sylvain Nga Onana. Pour l’heure, « Le Collectif des médecins indignés » poursuit sa concertation pour une meilleure prise en compte de leur pétition.