Au moment où dans les pays en développement dont le Cameroun 80% de la populations y ont recours, les acteurs plaident entre autres, pour le développement de l’industrie pharmaceutique locale, l’intégration de l’étude des plantes médicinales dans les universités et la promulgation d’un texte de loi en vue de la reconnaissance de la phytothérapie. Elles ont été faites au cours de la tripartite organisée le 25 juin 2020 à Yaoundé.
Au Cameroun, la médecine traditionnelle a le vent en poupe. La pandémie du Coronavirus a davantage amplifié cet état des choses. En témoigne la ruée vers des solutions à bases des plantes naturelles telles que « Ngul Be Tara », « Elixir Covid » et « Adsak Covid » mises sur le marché depuis la survenue de l’épidémie. D’ailleurs, des études menées ont révélé qu’environ 80% des populations des pays en développement dont le Cameroun, font appel à la médecine traditionnelle pour des soins de santé primaires. « Cette situation se vérifie au Cameroun où le médicament traditionnel rivalise avec le médicament de la médecine moderne », confirme chez nos confrères du journal Mutations, le Dr Marlyse Paule Peyou, biochimiste.
Pourtant, « Nos médecins formés à l’école occidentale ont un tel mépris de la médecine par les plantes qu’ils n’osent même pas y toucher », regrette Mgr Samuel Kleda, naturopathe. Or, « Avec la situation de crise qui prévaut, le temps n’est plus à l’abstraction ou à de vaines spéculations, mais à l’action concrète, des décisions à prendre, des lois à voter », plaide ce dernier. C’est donc pour revaloriser la médecine traditionnelle afin d’en faire un complément efficace dans l’offre de santé au Cameroun, qu’une rencontre tripartite entre le gouvernement, les praticiens de la médecine traditionnelle et le parlement s’est tenue hier 25 juin dernier au Palais des congrès de Yaoundé.
La plénière spéciale présidée par le Président de l’Assemblée nationale a vu la participation des trois figures de proue de la corporation des phytothérapeutes. Il s’agit de Modibbo Bobbo Souci (naturopathe), Dr Marlyse Paule Peyou (biochimiste) et Mgr Samuel Kleda (naturopathe). Ces trois acteurs ont la particularité d’avoir mis sur pied des décoctions préventives et curatives contre le Covid-19.
Richesse des ressources naturelles
Ainsi, les parties prenantes ont à l’unanimité reconnu la richesse des ressources naturelles du pays. Et ce ne sont pas les nombreux chercheurs, médecins, tradi-praticiens venus exposer les produits de leur pharmacopée hier à Yaoundé, qui vont le contester. Comprimés, pommades, herbes, tisanes, poudre de gingembre et de curcuma, miel naturel, décoctions anti-hépatiques, anti-VIH et même anti-Covid se donnait à voir. Pour Mgr Kleda donc, il y a une nécessité d’enseigner la phytothérapie dans les écoles de médecine, d’intégrer l’étude des plantes médicinales dans nos universités et d’utiliser les plantes médicinales dans nos hôpitaux et même dans le système de santé public. « Il est grand temps de sortir la médecine traditionnelle de la stigmatisation et de la marginalisation pour en faire un complément additif à l’offre de santé classique », soutient Cavaye Yeguié Djribril.
Recommandations
De ce fait, un projet de 17 recommandations a été formulé au terme des travaux. Il faut entre autres, présenter au Parlement le Projet de Loi sur la Médecine Traditionnelle en instance depuis plusieurs années au niveau du Gouvernement ; renforcer la plate-forme de collaboration entre le Minsanté, le Minresi, le ministère de l’Enseignement supérieur (Minsup) et les tradi-praticiens de santé ; élaborer un répertoire national des tradi-thérapeutes de santé. Il faut par ailleurs développer l’industrie pharmaceutique locale pour limiter l’importation des médicaments et des consommables et intrants pharmaceutiques. Car, « Malgré les efforts menés au regard de la place réduite de l’industrie pharmaceutique locale, la réglementation actuelle et sa mise en œuvre ne permettent pas d’espérer un développement palpable de ce secteur », fait savoir le Dr Peyou.
Selon elle, « l’allègement des procédures et un accompagnement technique et financier de la part des pouvoirs publics s’avèrent indispensables à tout progrès de la médecine dite alternative dont le marché annuel se chiffre en milliards de dollars américains ». Il faut en outre intégrer la médecine traditionnelle dans le système éducatif camerounais notamment dans toutes les Facultés de médecine, de pharmacie et les Centres de formation en soins médicaux. « Sur le plan juridique, qu’un texte de loi soit promulgué en vue de la reconnaissance de la phytothérapie », indique Mgr Kleda.