Vaccin AstraZeneca. Le gouvernement joue la carte de la prudence

L’on s’achemine vers l’interdiction de l’utilisation du vaccin AstraZeneca au Cameroun. Confirmation en a été donnée hier 14 mars 2021, par Manaouda Malachie, ministre de la Santé publique. « Il faut que cela soit clair. Le gouvernement n’a pas l’intention de commencer à utiliser un vaccin qui pose déjà des problèmes ailleurs et qui aurait des effets secondaires aussi graves », a-t-il indiqué. En effet, pour le gouvernement camerounais, le vaccin AstraZeneca ne sera pas administré aux populations « tant qu’il subsiste des doutes sur ses effets », a précisé le Minsanté a dans un tweet posté le 12 mars, au moment où les effets secondaires du vaccin AstraZeneca font l’objet d’une vive polémique à travers le monde.

Plus de 14 pays d’Europe (Danemark, la Norvège et l’Islande, l’Italie, France, Allemagne, Slovénie, Espagne), la Thaïlande et la RD Congo ont notamment décidé de suspendre « momentanément » l’utilisation de ce vaccin contre le Covid-19. Cette décision fait suite à des « cas graves de formation des caillots sanguins » chez certains patients après l’administration dudit vaccin. On parle des cas d’embolies, d’hyper coagulation et des cas de thrombose. Mais d’après les scientifiques européens, c’est une attitude de précaution, puisqu’il n’est pas encore démontré qu’il y a un lien entre ces décès et le vaccin.

Précautionneux, les officiels sanitaires camerounais eux, ont saisi « en urgence » le Conseil scientifique des urgences de santé publique et le Groupe consultatif technique national sur la vaccination (Nitag) « pour avis ». Lequel reste toujours attendu. « Une fois que cet avis sera disponible, nous le soumettrons à la haute appréciation de la hiérarchie pour certainement, une prise de décision », a fait savoir Manaouda Malachie. A la vérité, il s’agira du 3e avis émis sur cette question (28 janvier, 25 février et 12 mars 2021) par ce collège d’agrégés de médecine du pays tels présidé par le Pr Koulla-Shiro Sinata, avec pour membre les Pr Eugène Sobngwi, Pierre Ongolo-Zogo, Tetanye Ekoe, etc

L’opinion publique divisée

Pour l’heure, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’équipe de Joseph Dion Ngute a opté pour « une grande prudence et précaution » quant à l’utilisation du vaccin AstraZeneca. Nonobstant le fait que « Ce vaccin est actuellement utilisé dans bien de pays aussi bien occidentaux qu’ africains, sans soucis majeur », reconnaît le Minsanté lui-même.

Au sein de l’opinion publique, cette prudence est diversement accueillie. « On ne peut pas suspendre un vaccin tant que nous même n’avons pas encore expérimenté les effets indésirables. On doit mettre en place un vaccin, une procédure de pharmacovigilance rigoureuse pour observer nous même les effets, tirer nos propres conclusions et décider si oui ou non on doit continuer avec ce vaccin », soutient le Dr Roger Etoa, médecin du travail.

Un avis contesté par le Dr Patrick Ndoudoumou son confrère de Meyomessala. Pour lui, cette prudence trouve son sens dans la mesure où aucun laboratoire camerounais n’a participé ou analysé les vaccins disponibles pour rassurer les Camerounais sur l’innocuité d’un tel vaccin « élaboré dans un temps très court dans un contexte d’urgence ». De plus, « Nous sommes dans un pays où le sentiment anti vaccin et la théorie du complot font de plus en plus de chemin », poursuit le directeur de l’hôpital de district de Meyomessala, au Sud du Cameroun.

En réalité, « Il n’y a pas de preuve que le vaccin prévient la transmission », confie une source interne au Conseil scientifique. Selon elle, si le vaccin réduit les formes sévères. Par conséquent, « ce vaccin est plus indiqué pour les personnes à risque de décès et formes sévères ». Au sein du groupe de travail du Pr Koulla-Shiro Sinata, la tendance dominante pense que, pour la situation épidémiologique actuelle, la solution n’est pas de courir derrière le vaccin. « Nous devons donc renforcer la prévention et la capacité de prise en charge. Il s’agit de plus de 80-95% du problème qui nécessite un vrai investissement non vaccinal », développe un membre du conseil.

L’avis de l’OMS

En tout cas, pour l’OMS, les avantages du vaccin sorti des laboratoires d’AstraZeneca/Oxford l’emportent sur « les données négatives le concernant ». Il est par conséquent recommandé, à ce stade, de continuer à l’utiliser. « Nous devrions continuer à utiliser le vaccin d’AstraZeneca. Il n’y a pas de raison de ne pas l’utiliser », a déclaré vendredi 12 mars, Margaret Harris, une porte-parole de l’agence sanitaire de l’ONU. L’OMS rappelle que la vaccination contre le Covid-19 est recommandée pour des personnes atteintes de comorbidités dont on sait qu’elles augmentent le risque de développer une forme sévère de Covid-19, notamment l’obésité, les maladies cardiovasculaires, les maladies respiratoires et le diabète. « La vaccination n’est pas recommandée pour les personnes de moins de 18 ans dans l’attente des résultats d’études complémentaires », selon l’OMS.

Le sérum d’AstraZeneca est le seul pour le moment homologué par l’agence sanitaire onusienne, avec le vaccin Pfizer/BioNTech. Le produit d’AstraZeneca/Oxford est un vaccin à base de vecteurs viraux appelés ChAdOx1-S (recombinant). Efficace à 63,09% selon l’OMS, il convient au pays à revenu faible ou intermédiaire en raison de sa facilité de stockage.

Le Cameroun, 10e pays ayant notifié le plus grand nombre de cas, va néanmoins réceptionner les premières doses acquises dans le cadre de l’initiative Covax. Il s’agit d’une allocation de 1,752,000 doses de vaccins pour la période de février à mai 2021. Le Cameroun recevra dans les jours à venir 864,000 doses de vaccin comme première livraison de cette allocation. Entre temps, selon les derniers chiffres officiels, le Cameroun enregistre 42 286 cas positifs et 633 décès. « Les chiffres remontent très rapidement, dangereusement. Faisons attention », prévient le Dr Georges Alain Etoundi Mballa, Incident manager au Centre des urgences de santé publique.

Olive Atangana

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.

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1 réponse

  1. 15 mars 2021

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