Services déconcentrés.  Entrée fulgurante des administrateurs de la santé publique

Marginalisés dans l’attribution des fonctions managériales, ils passent d’un à 18 Chefs de District de Santé grâce au vaste mouvement de nomination des responsables des Districts de Santé et hôpitaux de Districts du 4 septembre dernier.

 

Une montée en puissance des « Enamiens » ! C’est ce qui ressort du vaste mouvement de nomination des responsables dans les services déconcentrés du ministère de la Santé publique (Districts de Santé et hôpitaux de Districts). En effet, ces textes signés le 4 septembre 2019 par le Minsanté, consacrent une ascension sans précédent des administrateurs de santé publique, formés à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam).

« C’est inédit », se réjoui l’un d’eux. Une réaction qui traduit à suffisance, le sentiment qui prévaut au sein de ce corps des personnels de la santé au Cameroun. Un seul au départ et intérimaire (Mohamadou Bakary, ancien chef de District par intérim à Guider), ils sont désormais 18 administrateurs de la Santé publique à occuper le poste de Chef de District de Santé (DS) au Cameroun. Notamment dans les régions de l’Adamaoua (03), du Centre (04), de l’Extrême-Nord (06), du Littoral (02) et de l’Ouest (04).

Les promus sont issus de sept promotions de l’Enam. « Le ministre vient de fixer le cap. Le renforcement du système de santé qui va désormais s’appuyer sur les Districts de Santé avec deux acteurs majeurs : les administrateurs de la Santé et les médecins », analyse un membre de l’Association camerounaise des Administrateurs de la Santé publique (ACASP).

« Challenge » et pouvoir

Pour ce dernier, la promotion des administrateurs augure un challenge. « Les administrateurs de santé et les médecins vont chercher à prouver de quoi ils sont capables ». En permanente guéguerre, ces deux catégories des personnels du corps de la santé sont pourtant impliquées dans la gestion des hôpitaux. Toujours est-il que Manaouda Malachie semble avoir prêté une oreille attentive à ses camarades de l’Enam. « Nous espérons qu’avec le nouveau ministre de la Santé qui est lui aussi un administrateur comme nous, nous serons plus représentés au ministère », formulaient-ils en février 2019, lors de l’assemblée générale élective de l’ACASP.

De fait, c’est à cette catégorie fonctionnaires recrutés et formés pour la gestion et l’administration des formations sanitaires corps de métier de la santé un peu mal aimé que revient la gestion, le management des structures de santé publique. D’autant plus que le décret n°2001/145 du 3 juillet 2001 portant statut particulier des fonctionnaires des corps de la Santé publique, leur confère ce pouvoir. Lequel stipule en son article 3 alinéa 6 que : « Les fonctionnaires du corps de l’administration de la Santé publique sont chargés de l’administration et de la gestion des structures de la santé publique ». Hélas, l’application de cette disposition n’était jusque-là qu’une exception. Ceci, parce qu’entre ces derniers et les médecins, ce n’était pas toujours l’entente cordiale.

Arguments et contre-arguments

Et pour cause, selon un médecin responsable d’un hôpital public à Yaoundé, il y’a d’abord la pratique. « Les administrateurs de santé sont une catégorie de personnels dont la formation a été lancée depuis seulement quelques années. Dans la pratique, se sont toujours les médecins qui ont assuré la gestion administrative des formations sanitaires et cela sans problèmes particuliers. Pourquoi cela doit changer aujourd’hui ? En plus, dans l’évolution de sa carrière, un médecin ne peut–il pas légitimement aspirer à des postes de responsabilités ? ».

Pour d’autres, le véritable problème se situe plutôt au niveau du traitement salarial.  « Un médecin qui gagne moins de 200.000 Fcfa par mois se retrouve obligé de cumuler plusieurs postes dans le privé pour joindre les deux bouts. C’est pourquoi on a l’impression qu’ils sont absents des hôpitaux publics. Les quelques-uns qui gèrent les hôpitaux sont tenus d’exercer la médecine. Il est donc impératif de revoir les conditions salariales », précise une source au Minsanté.

Un autre médecin est plutôt critique. « En réalité, le médecin fait sept ans d’études pour faire la médecine et non l’administration. Mais le contexte au Cameroun fait que le médecin s’est formé au management. Du coup, d’autres ne font plus ce qu’ils ont appris parce que l’administration prend tout leur temps. Je connais par exemple les chefs de Districts de santé qui ne font presque plus ce qu’ils ont appris à l’école mais sont plus dans l’administration et la paperasse », regrette notre source.

Quoi qu’il en soit, « Il n’y a pas de guerre. C’est juste une mauvaise organisation. Dans tous les pays du monde on a des administrateurs d’hôpitaux. Tout dépend de l’organisme et des rôles attribués à chacun », tranche un médecin.

 

Encadré

Grincements de dents

Les nominations du 04 septembre ne font pas que des heureux. A côté de belles promotions, il y a lieu de relever que de nombreux directeurs ont été admis à faire valoir leurs droits la retraite, mutés et d’autres rétrogradés. C’est le cas du Dr Eloundou Onomo Paul Adalbert, médecin Rhumatologue. Celui qui est désormais ancien directeur de l’hôpital de District d’Efoulan, affecté à l’HD d’Okola, a dû céder son fauteuil au Dr Mohamadou Guemse Emmanuel, médecin Chirurgien Orthopédiste-traumatologue. Le Pr Omgbwa Eballe André, lui, cède aussi sa place de directeur du très réputé hôpital de District de Biyem-Assi au Dr Ekoua Daniel, médecin Cardiologue. Le réputé Ophtamologue a été redéployé à l’hôpital de District de Djoungolo.

Dans le DS d’Esse dans la région du Centre, le Dr Nkana Danielle, médecin Généraliste, cumule en même temps les postes de Chef de District et Directeur de l’HD. A Mbalmayo, le Dr Enyegue André Marie cède le fauteuil de chef de District à l’administrateur de la Santé publique Bengono Ronny Ernest. Du côté de l’hôpital de District d’Obala le nouveau Directeur est le Dr Tsoungui Atangana Pierre Claude, tandis que l’ancien, le Dr Fouda François Xavier, est admis à faire valoir ses droits à la retraite.

Dans le DS de Soa, c’est le Dr Ekani Boukar Mahamat Yannick, médecin Chirurgien précédemment en service au Centre des Urgences de Yaoundé qui a été nommé directeur de l’HD, en remplacement du Dr Tsoungui Atangana Pierre Claude. Dans la région de l’Extrême-Nord, DS de Kaélé, le Dr Djongmo Daissala le chef de District, est appelé à d’autres fonctions, au profit du Dr Djiawang Tain Anatole. Autre grincement de dents, c’est du côté d’Evodoula où le Dr Bouting Mayaka Georges, qui quitte de Dschang pour de poste de directeur de l’HD d’Evodoula.

Olive Atangana

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.

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