Ordre national des pharmaciens-Minsanté.  Magouilles souterraines pour le contrôle du Conseil

Deux factions dont l’une soutenue par Manaouda Malachie et l’autre du bureau sortant, sont aux prises à cet effet.

Le Conseil de l’Ordre national des pharmaciens du Cameroun (Cnopc) est l’objet de toutes les convoitises depuis plusieurs mois. Deux factions sont aux prises pour en prendre le contrôle. D’un côté, le bureau sortant chapeauté par son président le Dr Hiag Prosper et d’un autre côté, les candidats à ce poste, soutenus par le ministère de la Santé publique. Ces deux parties désormais en conflit ouvert, ne s’accordent pas pour l’organisation d’une Assemblée générale extraordinaire élective (AGEE) qui est en fait, l’arbre qui cache la forêt. « Entre novembre 2019 et février 2020, le bureau sortant a proposé plusieurs dates au ministre de la Santé pour l’organisation d’une AG élective. Pour une raison que nous ignorons, ce dernier n’a donné suite à aucune de ces correspondances », affirme une source proche du dossier.

En guise de réponse, le 6 juillet 2020, par deux décisions, Manaouda Malachie a enclenché la procédure d’organisation de cette AGEE. La première, fixant les modalités de substitution du Minsanté en Conseil de l’Ordre, et la deuxième instituant et constatant la composition de la commission ad hoc chargée de l’organisation de l’AG extraordinaire élective du Cnopc, présidée par le ministre en personne. Pour cela, il s’est appuyé entre autres, sur la loi du 10 août 1990 relative à l’exercice et à l’organisation de la profession de pharmacien ; et du décret du 17 juillet 1992 qui fixe les modalités d’application de certaines dispositions de la loi du 10 août 1990 relative à l’exercice et à l’organisation de la profession de pharmacien.

Processus électoral grippé

L’élection proprement dite devait avoir lieu le 28 août 2020. Elle avait quatre prétendants au poste de Président du Conseil de l’Ordre, tous adoubés par le Minsanté. Il s’agit du Dr Ndombo Koki Samson Mauricet, du Dr Nana Sambou Franck, du Dr Ndongo Eteme Edgard et du Dr Lapnet Moustapha Thomas. Seules ces candidatures ont été validées au préalable, par la commission ad-hoc ministérielle. Sauf que pour une partie du bureau sortant, Manaouda Malachie a voulu faire un passage en force, faisant fi du règlement intérieur de cet ordre professionnel et en ne validant que les quatre candidatures sus-évoquées. Il convient de préciser ici que de ces candidatures, l’on ne retrouve aucune du bureau sortant. Notamment celles du Dr Hiag Prosper (Président), du Dr Ampoan Christophe (Vice-président) et du Dr Yissibi Paulette (Secrétaire générale).

Mais, coup de théâtre.  Le 13 août 2020, cette procédure a pris fin, sans motif. A travers un communiqué radio-presse rendu public ce jour-là, Manaouda Malachie annonçait simplement aux pharmaciens camerounais que « le processus d’élection des membres du bureau du Conseil de l’Ordre national des Pharmaciens du Cameroun que se proposait d’organiser un comité ad hoc mis en place par le ministre de la Santé publique est suspendu ». Et ce dernier dans la même correspondance, de leur réitérer « son engagement pour que règne au sein de la profession des pharmaciens une atmosphère de paix et de quiétude ».

Soupçon d’ingérence du Minsanté et renfort judiciaire

En fait, de sources crédibles, l’élite de Mokolo dans le Mayo-Tsanaga a été contraint à cette décision. « Le Premier ministre a été saisi par le bureau sortant qui lui a présenté tous les documents et le règlement intérieur de l’ordre qui lui confère l’autorité d’organiser son AG élective. Il a ainsi décidé de sommer son ministre de la santé d’arrêter la procédure. D’où son communiqué du 13 août dernier, sans explications», confie une source à la primature. Au sein dudit bureau sortant, le sujet embarrasse. Ni le président, ni le vice-président n’ont donné suite à nos sollicitations.

Entre temps, accusant sa tutelle d’ingérence, le Cnopc représenté par le Dr Hiag Prosper, a initié une procédure judiciaire. En effet, il a saisi le tribunal administratif du Centre-Yaoundé aux fins d’ordonner la suspension des décisions ministérielles fixant les modalités de substitution du Minsanté au Cnopc pour l’organisation de l’AGE élective ; et instituant et constatant la composition de la commission ad-hoc chargée de l’organisation de l’AG extraordinaire élective du Cnopc.

Pétition

Par ailleurs, dans un communiqué à l’attention de tous les pharmaciens inscrits au tableau de l’ordre signé le 28 août, le Cnopc « réaffirme sa volonté d’organiser lesdites élections conformément aux textes de base de notre profession, notamment notre règlement intérieur en vigueur, toujours en collaboration avec notre tutelle ». Et tenant lieu d’avertissement, le Dr Hiag précise que ces élections doivent aussi et surtout s’organiser « dans le respect non seulement de nos textes, mais également de l’indépendance de la profession ». Aussi, « dans l’attente de la non objection de notre ministre de tutelle », le Cnopc a proposé la date du 18 décembre 2020 pour la tenue de cette AG élective. Une proposition du bureau sortant qui n’est pas du goût de certains caciques de l’Ordre.

Ceux-ci ont de ce fait mis en ligne une pétition. Selon nos sources, elle est soutenue entre autres par le Dr Francis Mveng, le Dr Mbida, le Dr Samson Ndombo Koki (par ailleurs candidat au poste de président du Cnopc) . Ils revendiquent ni plus ni moins, la convocation d’une AG extraordinaire au plus tard à la fin du mois d’octobre 2020. Le but est de procéder aux élections, après la mise en place préalable d’une commission électorale. Ils justifient cette démarche par « les défis urgents auxquels est confrontée la profession » et « vu l’impasse qui dure depuis deux ans ». En effet, le mandat du bureau sortant est forclos depuis 2018 et la bataille pour l’organisation d’une AG élective dure depuis lors.

Encadré

Comprendre la bataille de factions

Les prétendants au poste de président du Cnopc et le Minsanté sont tous conscients des « défis urgents auxquels est confrontée la profession » de pharmacien. Ce ne sont entre autres, ceux du rôle du pharmacien, de la place du médicament en général, des pharmacies d’officines et des grossistes répartiteurs en particulier, dans la mise en place dès 2021, de la Couverture santé Universelle (CSU). « Lorsqu’on aura cet outil, chacun aura sa carte d’assuré et lorsqu’il aura une prescription, on ira à la pharmacie prendre ses médicaments sans débourser de l’argent ; l’économie du médicament se portera mieux. Les pharmaciens iront mieux, l’industrie qui s’installe fonctionnera mieux et on créera plus d’emplois dans le secteur », se réjouit d’ores et déjà le Dr Hiag Prosper.

Ce projet sanitaire, social et financier d’envergure viendra en outre mettre à mal la gangrène nommée « médicament de la rue », qui représente 25% du chiffre d’affaire de ce secteur au Cameroun et avec lequel les pharmacies d’officines ont maille à partir. « Il n’est pas normal par exemple qu’on entre dans un marché et on trouve des personnes avec des patentes de vente des médicaments», s’insurge le président de l’Onpc. Au cours de la table ronde organisée par l’Onpc le 10 septembre 2019 à Yaoundé sous le thème: « CSU et l’accès aux médicaments de qualité et efficace pour tous », il a été établi que l’un des principaux défis de cette CSU pour les pharmaciens sera de pouvoir rendre accessible le médicament, investir dans la production locale et dans la pharmacopée traditionnelle.

« Si toutes ces mesures, sont prisent en compte, le secteur de la pharmacie pourra augmenter son chiffre d’affaire de 36% », avait alors confirmé le Pr Alain Fomba Kamga. Par ailleurs, de sources crédibles, il se murmure que la loi régissant la profession de pharmacien sera révisée au cours de la session de novembre prochain au Parlement. Celle-ci va revoir par exemple les conditions d’ouverture des pharmacies d’officines, redéfinira qui est pharmacien qui ne l’est pas. « Si l’élection a lieu après l’adoption du texte de loi, le bureau sortant est gagnant. Voilà pourquoi les initiateurs de la pétition soutenu par le Minsanté veulent une AG élective en octobre », explique une autre source proche du dossier.

Olive Atangana

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.

Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *