Nord. Le gouverneur promet la prison à ceux qui n’ont pas de latrines

La menace permettra de changer les habitudes de défécation à l’air libre.

« Nous voici face à un problème qui nous interpelle. De 2015-2017, on n’a pas eu de problèmes de choléra ici. Ça a recommencé parce que les gens ont relâché. Avec l’enquête dans les collèges, lycées on va prendre ceux qui n’ont pas de latrines ». La mine de Jean Abate Edi’i de qui sont ces propos était grave, le ton n’admettait aucune réplique. Menaçant, le gouverneur de la région n’est pas passé par quatre chemin pour envoyer un message aux populations du Nord. « Aller le dire au quartier. Celui qui n’a pas de latrines va gouter à la cellule. J’ai la main très rapide pour signer les gardes à vue administrative. Le magistrat ne veut même pas connaitre ce que tu fais. Je te mets 15 jours dedans. Renouvelable. A partir de cette cellule, tu vas donner des consignes pour qu’on creuse des latrines chez toi », a précisé ce dernier. Et le gouverneur de mettre en garde ceux qui verraient un abus dans cette démarche. « Ceux qui sont prompt avec vos affaires de droits de l’Homme, taisez-vous. Parce que nous avons nos problèmes de santé publique et de protection de la population. C’est trop facile de parler de droits de l’Homme. Droit de l’homme mon œil ».

A Garoua ce jour-là, la réunion de coordination du comité régional de lutte contre le choléra était mouvementée. « On m’a dit tout à l’heure que les gens ont des difficultés à utiliser des latrines à creuser. On va seulement les creuser, je vous le dis. Je ne suis pas venu blaguer ici. Cette enquête dans les écoles et autres va donc nous permettre d’identifier ceux des parents qui continuent à jouer au chat et à la souris. L’enfant est habitué à aller aux toilettes dans son école. On doit leur apprendre cela et le même exercice doit se retrouver en famille. On doit d’abord préserver cet environnement-là », plaide le président du comité régional. En effet, la non-utilisation effective des latrines et la défécation à l’air libre sont des pratiques ancrées dans les mœurs des populations du Septentrion. Et pour le gouverneur, « C’est une honte chaque fois qu’on dit que la région du Nord a 150 cas de choléra. Ce n’est pas bien. Inscrivez cette maladie comme une affaire de honte. Et celui qui n’a pas honte n’est plus quelqu’un. Au sortir de cette réunion, il faut que chacun sache qu’on est face à une situation grave parce que c’est une épidémie. Chacun doit prendre conscience de ce qu’il doit faire ».

Recensement

Jean Edi’i Abate a ainsi instruit un inventaire de ceux qui ont des latrines ou pas dans la région dont il a la compétence. « On va me faire le recensement dans chaque établissement. C’est un questionnaire qu’on va donner à chaque enfant pour savoir s’il utilise les toilettes lorsqu’il rentre chez lui. Je veux ça dans un mois. Comme les chefs s’amusent à protéger leurs collaborateurs, nous avons aussi les moyens de toucher là où ça fait mal. Nous allons supprimer leurs salaires mensuels pour les chefs inefficaces », menace le gouverneur.  Pour lui, « ça sert à quoi d’aménager des points d’eau, de faire tout ce que nous avons prévu si on ne lutte pas contre la défécation à l’air libre. Toutes ces actions vont toujours amener à avoir des souillures. Croyez-moi c’est une honte, qu’on puisse demander à des partenaires d’aller creuser des latrines dans des villages en 2018. Mais c’est quoi ça ? Il y’a quand même un argent qu’on peut demander aux gens avec dignité. Je vois des chiffres. Ça fait des milliards mais ce sont des milliards de honte parce que nous même nous devons prendre en main notre destin». Malgré ce courroux, Jean Edi’i Abate a tenu à féliciter le personnel de santé. « Le personnel de santé doit être encouragé parce que ces gens travaillent dans des conditions difficiles et sont même exposés. Ils se dévouent, ne fuient pas les malades, ne les rejette pas. On doit absolument les encourager. Ils méritent nos encouragements parce que ce que vous faites est quelque chose d’exceptionnel. Continuez à le faire. Ne vous découragez pas ».

Olive Atangana

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.

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