Minsanté. Fin tragique pour le Dr Fanné Mahamat

(L’urgentiste.com)- Le Dr Fanné Mahamat ne verra pas elle aussi, la fin de l’épidémie de Covid-19 au Cameroun. Une ironie du sort, pour celle qui était depuis 2020, l’un des acteurs de poids dans la lutte contre cette pandémie en terres camerounaises. Celle qui était jusqu’à hier, Directeur de la promotion de la Santé (DPS) au ministère de la Santé publique (Minsanté) s’en est allée ce 23 janvier 2022. De sources officielles, son frère cadet, ses amis et elle ont péri dans un incendie à Yaoundé. La nouvelle de sa disparition tragique s’est répandue comme une trainée de poudre, créant choc, consternation et émoi au sein de la communauté médicale. A son domicile sis au quartier Mendong à Yaoundé, les visages étaient graves, l’atmosphère lourde, morose. L’air chargée de tristesse contrastait avec le soleil qui brillait sous un ciel bleu en cette mi-journée du mois de janvier. Le chagrin était immense, la peine indescriptible.

Le Minsanté et sa famille portent donc le deuil. Ses proches, collègues, confrères et collaborateurs ne tarissement pas d’éloges à l’endroit de cette native de Kousseri dans le Logone et Chari, région de l’Extrême-Nord, qu’ils ont connu. « C’est une perte immense pour tous », laisse entendre la voix brisée, le Dr Adidja Amani. Pour la petite histoire, « C’est elle qui nous reçoit en 2007 à l’hôpital général de Douala lors de mon premier poste d’affectation. C’était la grande sœur qui donnait toujours les conseils, qui travaillait très dur. C’était une lionne, une grande bosseuse. Elle travaillait même le samedi et dimanche », confie ce sous-directeur en charge de la vaccination au Minsanté.

D’ailleurs, le samedi 22, vers 16h, elle était en ligne avec l’un de ses collaborateurs pour faire le point à propos d’un travail. C’est cette qualité de « travailleuse acharnée » dont se souvient aussi le Dr Marie Solange Ebongue-Ndom, conseiller médical à l’hôpital Laquintini de Douala et Présidente de l’association Médecins du Cameroun (MedCamer). Le Dr Fanné, c’était aussi cette femme « simple » ; « humble » ; « discrète » ; « réfléchie » ; « pondérée » ; « Passionnée du travail bien fait » ; « attachante » ; « douce » ; « mère et épouse acharnée » ; « médecin de grande valeur » ; « un exemple de réussite professionnelle et familiale » ; « une courroie pour MedCamer et le niveau Central », s’accordent à dire les acteurs de la classe médicale, du journalisme et de la communication.

Leadership féminin en santé

Mais, la 2e vice-présidente de l’Association camerounaise des femmes médecins (ACAFEM), branche du Centre, était aussi et surtout un modèle de « Femme leader de la santé », reconnait le Dr Ebongue-Ndom. En effet, ce médecin et spécialiste en santé publique, forte d’une riche expérience professionnelle, a fait ses preuves dans le domaine de la santé pendant une quinzaine d’années. Ce qui lui a d’ailleurs valu le premier prix du leadership en santé au Cameroun. Elle était aussi l’un des visages des femmes médecins engagées dans la campagne de lutte contre le cancer du col de l’utérus au pays.

Le médecin de 48 ans avait la réputation d’être une femme de terrain. Certains de ses collaborateurs se souviennent encore d’une de ses descentes sur le terrain du temps où elle était déléguée régionale de la Santé publique pour l’Extrême-Nord, après l’attaque deux centres de santé vers la frontière du Cameroun avec le Nigéria. Ceci, au plus fort des incursions de la secte terroriste Boko Haram. La lutte contre les épidémies comme le choléra n’avait pas de secret pour elle. Elle avait même reçu les félicitations de sa haute hiérarchie à ce propos. Le Dr Jean Louis Abena, ancien secrétaire permanent du Programme national de lutte contre la tuberculose (PNLT) a ainsi été marqué par « La connaissance des problèmes, la gestion des hommes et la touche de compétence féminine» dont a fait montre le Dr Fanné Mahamat.

Actions d’éclats

Elle s’est aussi illustrée par son dynamisme et des actions d’éclats. Par exemple, l’organisation du forum sur le lavage des mains. Elle a redynamisé la sous-direction chargée de l’hygiène et l’assainissement, instauré de multiplier les campagnes sur l’hygiène et l’assainissement dans les écoles. Jusqu’ici, le Cameroun ne disposait pas d’une politique de promotion de la santé. Le Dr Fanné depuis son arrivée à la tête de cette direction, a contribué à l’élaboration de ce draft déjà soumis au Minsanté. Elle a par ailleurs mené le plaidoyer pour une meilleure prise en compte de la santé mentale au Cameroun par la sensibilisation et l’éducation. Pour ce dynamisme, « C’était une femme combattue par les aigris et les jaloux mais répondait par le silence et la puissance de son travail », fait savoir un autre médecin en service à Douala. Dépité.

La DPS n’assumera donc plus ses fonctions d’Incident manager adjoint au Centre national des opérations des urgences de santé publique de Yaoundé (COUSP). Encore moins l’un de ses rôles de sensibiliser les communautés sur le respect des mesures barrières dans le but de limiter la propagation du virus sur l’étendue du territoire, de faciliter le dépistage précoce, de communiquer sur l’évolution de l’épidémie à travers des points de presse quotidien. « Quand elle a commencé à faire ces points de presse, je l’ai appelé et nous avons rigolé des exigences de la télévision », fait savoir Carole Yemelong, responsable de la Communication aux Communes et villes unies du Cameroun (CVUC). Pour cette journaliste, l’ancienne élève du Lycée mixte de Kousseri et du collège Itifac représentait « un grand espoir pour la fille Arabe Choa. Devenue médecin, pour les enfants du coin, tout était désormais possible. Elle a hérité de la combativité de son père, un baroudeur ».

Parcours

Le Dr Fanné Mahamat épse Ousmane a eu une riche carrière médicale. Elle a été tour à tour Coordonnatrice adjointe du Programme national de lutte contre l’onchocercose, déléguée régionale de la santé publique pour l’Extrême-Nord, Coordonnatrice du bureau terrain de l’Oms et parallèlement, point focal de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour le projet Sida/ H4+. En mai 2019, elle a été promue DPS au Minsanté. Elle était nantie de formations dans les domaines de compétences cliniques tels que la médecine générale, gynécologie-obstétrique et en santé publique à l’instar de la promotion de la santé publique, l’épidémiologie, les urgences de santé, la néonatalogie, la santé de la reproduction, la vaccination.

« Le Dr Fanné, au-delà de ses capacités professionnelles que tout le monde appréciait, était d’un grand esprit de collaboration, d’ouverture et d’une disponibilité de tous les instants. Je crois que sa promotion comme directeur de la promotion de la santé était la consécration au vu de ses aptitudes professionnelles, humaines, et d’un engagement au service des populations ancré au plus profond d’elle-même. Nous pleurons non seulement une sœur de valeur mais aussi une grande professionnelle de la santé », conclut Boubakary Abdoulaye, délégué régional du ministère du Commerce pour l’Extrême-Nord. Ses faits d’armes s’étendent aussi dans la sphère politique sous les couleurs du Rdpc. Le Dr Fanné Mahamat laisse trois enfants. «Allah a donné, Allah a repris. Ne pleurez plus et priez plutôt pour elle », exhorte un membre de la famille. Elle repose désormais au cimetière de Nkolfoulou (Soa). Doux repos Dr Fanné.

Olive Atangana

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.

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