Rougeole, choléra, poliomyélite et Covid-19 dictent leur loi dans les Districts de Santé.
La situation épidémiologique n’est guère reluisante au Cameroun. De sources crédibles au ministère de la Santé publique (Minsanté), elle fait état de ce que toutes les 10 régions du Cameroun sont sous l’emprise de quatre épidémies. Rougeole, choléra, poliomyélite et Covid-19 dictent ainsi leur loi dans les Districts de Santé (DS). D’après les données, la région du Centre occupe le peloton de tête, avec quatre épidémies, tel que l’indique le tableau récapitulatif au bas de l’article. Celle du Nord-Ouest est la moins affectée, du fait de la présence d’une seule épidémie.
L’Adamaoua, le Nord, l’Ouest et le Sud-Ouest sont infectées chacune deux épidémies. En fait, « La venue de cette pandémie (Coronavirus : Ndlr) n’a en rien limité l’occurrence des épidémies « habituelles » qui sont le fait de notre situation géographique socio-économique et démographique. Les épidémies de choléra rougeole et autres vont continuer de nous affecter », analyse le Pr Yap Boum, épidémiologiste et directeur d’Epicentre Afrique, le centre de recherche de Médecins sans frontières (MSF).
En effet, concernant la rougeole par exemple, d’après le tableau de l’évolution des épidémies de rougeole de 2017 à 2020 dressé par le Programme élargi de vaccination (PEV), le Cameroun est passé de 04 à 78 DS en épidémie, pour 13 décès à la mi-juin. A cette période, le pays a notifié 4890 cas suspects, pour 1257 cas confirmés. Les régions les plus touchées sont le Sud, l’Est, l’Extrême-Nord, le Nord et le Centre. Et seulement 7 sur 78 DS ont mené des ripostes vaccinales. Soit 9%. Le choléra lui, a refait surface en terres camerounaises depuis mai 2018. Nos sources à la Direction de la lutte contre la Maladie, les Epidémies et Pandémies révèlent que depuis janvier 2020, seules quatre régions sont encore et à nouveau en épidémie.
Ce sont le Centre, le Littoral, le Sud-Ouest et le Sud. Le Centre pasteur du Cameroun (CPC) y a d’ailleurs fait 46 prélèvements, pour 37 positifs. Entre mai 2018 et janvier 2020, « la maladie de la saleté » a tué 120 morts personnes, selon les données officielles du Minsanté. Soit cinq dans les régions du Centre (26 malades) et du Littoral (72 malades) ; 17 au Sud-Ouest pour 363 malades ; 35 à l’Extrême-Nord pour 629 cas et 62 dans la région du Nord, la plus touchée, avec 1212 cas.
Sombres perspectives
Pour le Dr Albert Ze, économiste de la Santé, ces « épidémies dites habituelles sont un peu à l’image d’un parasite qui est nuisible à l’existence d’un être. Le parasite engendre ainsi un sous fonctionnement du système pour lequel il est nuisible. Cela est de même pour les épidémies pour un système de santé ». Ce qui n’est pas sans conséquences pour un système de santé comme celui du Cameroun. En réalité, « La morbidité va augmenter et entraîner un fort taux de mortalité », prévient Roland Owono Fouda, épidémiologiste.
Aussi, à causes de toutes ces épidémies, « la pauvreté augmentera du fait de la charge morbide qui a un coût, parlant de la prise en charge des cas. Il y a aussi les coûts supplémentaires imputables au budget de l’Etat dus à la lutte contre ces épidémies tel que c’est le cas du coronavirus en ce moment », poursuit ce dernier.
A en croire l’économiste de la Santé, « L’existence durable de celles-ci entraîne un sous fonctionnement du système de santé qui a du mal non seulement à engager un niveau optimal de ressources financières, humaines et matérielles mais également éprouve des difficultés à implémenter de véritables politiques de santé ». De plus, « Le système de santé ne dispose pas d’une véritable structure permettant de supporter de véritables politiques de santé » et « Le fardeau des maladies additionné à la mauvaise gestion des financements alloués à la santé forment un énorme blocus sur l’élaboration des politiques de santé, et la structuration du système de santé », explique le Dr Albert Ze.
Comment on en sort ?
« Plus que jamais l’engagement communautaire est une solution à la lutte contre ces différents épidémies », soutient le directeur d’Epicentre Afrique, par ailleurs enseignant de microbiologie. Pour lui, « Le respect des mesures de distanciation ou encore d’hygiène par les populations vont permettre la maîtrise de la covid tout en limitant son impact. Le même respect des règles d’hygiène sont les principales barrières au choléra ».
A ce sujet principalement, partant du constat selon lequel « le choléra est une maladie environnementale (de la saleté) » et que « notre environnement insalubre est favorable à ce type de maladie, pour l’éradiquer, il faut agir sur les facteurs environnementaux que sont les latrines, les déchets, l’eau, etc, et non sur la prise en charge médicale », déclare Roland Owono Fouda. L’eau en quantité et qualité est d’ailleurs l’une des composantes des soins de santé primaires (SSP). Et donc, « on ne peut pas dire qu’on lutte contre le choléra si la population n’a pas accès à une eau de qualité et en quantité », martèle un médecin, spécialiste de santé publique.
S’agissant de la rougeole et poliomyélite, il est important de booster la couverture vaccinale déjà affectée par le coronavirus. Et justement, « La Covid devrait nous permettre de renforcer le système de santé notamment l’intégration des différentes activités au niveau des districts », précise le Pr Yap Boum. En d’autres termes, « La COVID est une opportunité de renforcer notre système de santé », dit-il.
Mais de manière générale et collective, « C’est aussi l’opportunité pour le secteur privé de contribuer non seulement à la lutte contre la Covid en limitant son impact sur la vie socio-économique mais aussi en participant au renforcement des structures sanitaires dans les districts où elles sont implantées. De par leur responsabilité sociale, elles peuvent aussi contribuer aux activités de sensibilisation qui serviraient à limiter la propagation de maladies », explique le Pr Yap Boum. Le Dr Albert Ze croit savoir que pour sortir de cette situation, « il est important de revoir la structure du système de santé. Il faut le relever, le système de santé camerounais est fondé sur une structure mixte à l’image de celui de la France mais ne dispose pas de moyens pour fonctionner en l’état ».
Voilà pourquoi « Il est donc nécessaire et essentiel d’élaborer une structure permettant de répondre aux réalités socio-économiques du Cameroun. De façon profonde, la revue de cette structure permettra également de résoudre plusieurs problèmes à l’instar de celui du financement public de la santé », dit-il. En tout cas, « En fonction du leadership, nous pourrons faire de ces épidémies une opportunité ou une menace pour nos systèmes de santé », conclut le Pr Yap Boum, épidémiologiste.
Tableau récapitulatif des épidémies au 8 juin 2020
REGIONS
|
NOMBRES D’EPIDEMIES |
NATURE DE L’EPIDEMIE |
Adamaoua
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02 | Covid-19 et Rougeole |
Centre
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04 | Covid-19, Rougeole, Choléra et Poliomyélite |
Est
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03 | Covid-19, Rougeole et Polio |
Extrême-Nord
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03 | Covid-19, Rougeole et Polio |
Littoral
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03 | Covid-19, Rougeole et Choléra |
Nord
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02 | Covid-19 et Rougeole |
Nord-Ouest
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01 | Covid-19 |
Ouest | 02
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Covid-19 et Rougeole |
Sud
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03 | Covid-19, Choléra et Rougeole |
Sud-Ouest
|
02 | Covid-19 et Rougeole |
Source : Minsanté