Le Cameroun contraint Médecins Sans Frontières à quitter le Sud-Ouest, 7 mois après le Nord-Ouest

(L’urgentiste.com)- Les multiples médiations depuis 2020 entre Médecins Sans Frontières et les autorités camerounaises sont restées vaines. Ce 29 mars, l’ONG médicale internationale a suspendu toutes ses activités dans les structures privées et gouvernementales de la région du Sud-Ouest. Sept mois après le Nord-Ouest, MSF n’est donc plus actif au Sud-Ouest. Dans un communiqué, l’ONG humanitaire se dit «contrainte» d’en arriver à cette suspension. « Malgré nos efforts à apporter de l’aide aux personnes et communautés nécessiteuses, le climat actuel ne permet pas à MSF de continuer à œuvrer dans cette région», peut-on lire dans ce document qui porte l’estampille de Denis Habaasa, Coordonnateur des opérations dans le Sud-Ouest.

En effet, «c’était devenu invivable pour les équipes avec beaucoup de contraintes. Pour couronner le tout, le chef s’est senti impuissant face à ses deux collaborateurs qui croupissent en prison depuis plusieurs mois. L’infirmière est même enceinte»,confie une source proche du dossier. MSF justifie cette décision par les tensions persistantes avec les autorités camerounaises. « La capacité de MSF à fonctionner en toute liberté a été freinée par le climat tendu qui règne entre l’ONG et les autorités qui l’accusent de complicité avec des groupes séparatistes dans le Sud-Ouest», indique l’ONG dans son communiqué.

Dans un tweet, Me Agbor Balla Nkongho, défenseur des droits de l’Homme et de la cause anglophone, a estimé que cette décision est «extrêmement triste» pour la région du Sud-Ouest qui est non seulement en proie à une crise sécuritaire, mais aussi frappée depuis octobre 2021 par une épidémie de choléra.

Désaccord au sommet

Le désaccord entre Yaoundé et MSF persiste depuis mai 2021. Le directeur général de l’ONG a même séjourné au Cameroun à ce propos. Il avait été reçu en audience par Lejeune Mbella Mbella, ministre des Relations extérieures (Minrex). Mais, il leur avait «été difficile de trouver le juste milieu». Pour ne rien arranger, en décembre dernier, la situation s’est enlisée. Le ministère de la Défense (Mindef) a accusé publiquement l’ONG d’entretenir des «relations étroites avec les terroristes». C’était à la suite d’un autre différend au Nord-Ouest. L’armée avait affirmé qu’une ambulance de l’organisation avait pris en charge un combattant séparatiste sans les avertir. Selon le communiqué du Mindef, cet homme connu sous le nom de guerre de «général Moving Star» avait en sa possession «une fausse fiche d’évacuation», montée «de toutes pièces», «avec la couverture des responsables locaux de MSF».

Pour le Mindef, c’était la preuve irréfutable de ce soutien aux terroristes. MSF avait répliqué via un communiqué indiquant que le centre d’urgence avait reçu un appel signalant une personne blessée dans la zone sanitaire de Tinto. La situation nécessitait une assistance médicale en urgence et l’ambulance de MSF avait donc pris en charge le patient qui avait subi une intervention chirurgicale. Médecins Sans Frontières affirmait avoir informé les autorités militaires locales «comme convenu et régulièrement appliqué». Peine perdue.

Dès lors, les relations se sont détériorées entre Yaoundé et l’ONG humanitaire, pour cette issue pas très surprenante. Toutefois, «elle est temporaire. Nous ne pouvons pas abandonner nos 3 à 5000 milles malades ainsi», fait savoir notre source proche du dossier. À noter qu’en août dernier, MSF avait aussi annoncé son retrait du Nord-Ouest où ses activités y étaient suspendues depuis décembre 2020 par le gouverneur de cette région.

Olive Atangana

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.

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