La correspondance du ministre des Finances à son collègue du ministère de la Santé publique est restée sans suite. Dans cette lettre datant du 27 janvier 2021 le ministre des Finances, Louis Paul Motazé demande à Manaouda Malachie de lui transmettre toutes les pièces justificatives « des liasses de dépenses payées en avance de trésorerie », dans le cadre de ce Fonds spécial de lutte contre le Covid-19. Ceci, « conformément aux règles en vigueur, afin que les couvertures budgétaires soient faites dans le dispositif mis en place pour la gestion des dépenses du CAS (Compte d’affectation spécial : Ndlr) Covid 19 ».
Les justificatifs exigés portent sur la somme de 45,89 milliards de Fcfa, versés au ministère de la Santé publique (Minsanté) dans le cadre du mécanisme d’avance de trésorerie, informe le Rapport d’exécution au titre de l’exercice 2020 des ressources du Fonds spécial de solidarité nationale pour la lutte contre le coronavirus et ses répercussions économiques et sociales. Cet argent a été mis à la disposition du Minsanté entre mars et août 2020, pour faire face à l’urgence sanitaire de la pandémie du Covid-19.
Le gouvernement avait alors provisoirement fait recours à ce procédé « au bénéfice exclusif » du Minsanté, avant la signature du décret de répartition des fonds de Covid-19 et la mise en place du CAS Covid-19. Les dépenses effectuées au titre de ces avances de trésorerie devaient être régularisées une fois tout le dispositif du Compte d’affectation spécial Covid-19 mis en place. Seulement, « À date, les pièces justificatives pour la régularisation de ces dépenses sont encore attendues au ministère des Finances », regrette le rapport d’exécution édité par le Minfi au mois de juillet 2021.
L’enveloppe se décompose ainsi qu’il suit : 8,07 milliards de Fcfa représentant les avances de trésorerie consentis par la pairie spécialisée CAS Covid-19 ; 34,52 milliards payés à la paierie spécialisés du Minsanté pour les prestations réalisées avant l’opérationnalisation de PROBMIS CAS Covid-19 ; 3,3 milliards au titre des sommes perçues sous formes de dons des personnes physiques et morales logées dans les banques commerciales BGFI et UBA et gérés par le Minsanté « à travers la sous-commission administrative et financière dont le président est constitué billeteur ad hoc » et provenant des dons des personnes physiques et morales.
Dans la synthèse de son rapport de juin 2021, la Chambre des comptes de la Cour suprême du Cameroun avait déjà déploré une absence de contrôles préjudiciables à la bonne exécution des marchés, la mise à l’écart des comptables matières « susceptibles de faciliter les détournements » et l’absence de visa du contrôleur financier de ces marchés au Minsanté. « Si bien que le total des engagements de crédits du Minsanté pour 2020 s’est élevé à 81,8 milliards de Fcfa, en dépassement de 31,6 milliards de Fcfa ».
20 milliards de factures non réglées
Malgré ce dépassement et pour ne rien arranger, 129 sociétés réclament encore 20 milliards de Fcfa au Minsanté. En réalité, ces dossiers répertoriés dans un tableau assorti des montants et objets de dépense, n’ont pas abouti au paiement mais restent dans le circuit de la dépense. Dans ce registre, Mediline Medical Cameroon SA figure en bonne place, avec 8,75 milliards de Fcfa pour la fourniture des tests de dépistages rapides et antigènes. C’est d‘ailleurs la plus lourde commande de ce tableau.
L’on peut aussi y voir des établissements comme SAT Pharma Sarl pour la fourniture du matériel médical (506 millions de Fcfa) ; Metrocalib Sarl pour le matériel médical (495 millions de Fcfa) et Marechal pour deux marchés de fournitures de bureaux et matériels de bureaux pour un total de 327 millions 750 mille Fcfa. La Société KETS SARL pour les travaux de construction d’un bâtiment d’isolement devant se rattacher à l’hôpital de District (HD) de Meyomessala pour un montant de 342 millions 205 mille 596 Fcfa et PAC International Cameroun SARL pour la réalisation « clefs à main » des travaux de réaménagement de la morgue de l’hôpital général de Yaoundé pour un montant de 383 millions 917 mille 157 Fcfa.
Des écueils relevés
Tous ces détails et biens d’autres sont contenus dans le rapport d’exécution du Minfi dont lurgentiste.com a eu copie. L’élaboration et la publication de ce rapport constitue une réponse à un engagement pris par le gouvernement pour assurer la transparence dans la gestion des fonds affectés à la riposte contre le Covid-19. Par conséquent, il rend compte de l’exécution financière résultant de la mise en œuvre des programmes, actions et activités du CAS Covid 19 au titre de l’exercice 2020. Le document de 125 pages comporte trois grandes parties. La première présente le dispositif institutionnel et technique mis en place pour assurer la gestion des fonds Covid ; la deuxième traite de l’exécution budgétaire des différentes allocations accordées aux différentes administrations impliquées et la troisième présente la situation détaillée par administration
D’après ledit rapport qui se donnait pour ambition entre autres, de rendre compte de l’exécution budgétaire des différentes allocations accordées aux différentes administrations impliquées et la situation détaillée par administration, la stratégie gouvernementale « s’est montrée efficace » tout en déplorant « un nombre considérable de morts ». Le gouvernement reconnaît néanmoins qu’un certain nombre d’écueils ont entravé la bonne exécution des activités sur le financement Covid-19 au courant de l’exercice 2020. Notamment, la non régularisation par le Minsanté des avances de trésorerie consenties à son profit pour un montant total de 45,9 milliards.
A noter que le Minsanté est logé dans le programme 971 correspondant au renforcement du système de santé.