Ferdinand Limassou : « Ce type de malnutrition aigüe chronique n’est pas réversible après 23 mois »

Diagnostic sans complaisance de la situation au Cameroun par ce nutritionniste et astuces nutritionnelles à privilégier pour les enfants, dans cet entretien. A lire.

Malgré la légère baisse observée dans cette nouvelle enquête Smart par rapport aux chiffres de 2018, on note toujours des taux de malnutrition chronique élevés dans les régions du Grand-Nord. Qu’est ce qui justifie cet état de chose ?

C’est une malnutrition qui se manifeste sur plusieurs mois et elle se traduit par des retards de croissance et pour palier à un retard de croissance le processus est un peu plus long. C’est la raison pour laquelle les autres types de malnutrition comme par exemple le cas de malnutrition aigüe modéré ou sévère liée à la perte de poids, il est très facile de remédier à la perte de poids mais quand on arrive déjà au stade de malnutrition chronique, il est difficile de faire un traitement adapté pour que l’enfant puisse grandir rapidement ou retrouver sa santé. C’est le cas par exemple des enfants dont l’âge est déjà supérieur à 23 mois. C’est difficile de palier à un problème de malnutrition aigüe chronique. C’est pour ça que dans les régions septentrionales et des autres régions on observe toujours ce taux de malnutrition aigüe chronique très élevé. Parce que pour observer des résultats concrets c’est avec du temps. C’est un processus vraiment trop long.

Doit-on s’en inquiéter ?

Bien sûr parce qu’un enfant qui est déjà atteint de malnutrition aigüe chronique, il n’est plus facile de palier à son problème de santé. Si par exemple la malnutrition aigüe chronique a déjà affecté son système nerveux, cognitif ou sa mémoire il est difficile de palier à ce problème parce que quand on parle de mémoire on parle de neurones. Si un neurone n’est pas déjà fonctionnel, il est difficile de rendre ce neurone fonctionnel. Donc il faut vraiment s’inquiéter pour ces régions affectées par la malnutrition aigüe chronique parce que nous aurons beaucoup d’enfants avec les problèmes de mémoire avec des conséquences négatives pour leur scolarité et même pour leur lien avec leur famille. C’est vraiment dommage.

Comment inverser la tendance de cette malnutrition aigüe chronique ?

Il y a plusieurs moyens d’inverser cette tendance-là. Dans le jargon nutritionnel, on parle de la période de 1000 jours. C’est-à-dire de la conception jusqu’au 2e anniversaire de l’enfant. C’est durant cette période critique que c’est plus facile de renverser la tendance de la malnutrition aigüe chronique qui se manifeste par un retard de croissance qui n’est pas seulement au niveau de la taille mais aussi au niveau du développement psychomoteur et également pour le développement de de certains autres organes. Donc c’est durant cette période là qu’il faut maximiser les chances pour aider l’enfant à ne pas plonger dans ce type de malnutrition qui n’est pas réversible après 23 mois ou le 2e anniversaire de l’enfant. Donc durant cette période-là, la maman depuis la conception, prend des médicaments pour permettre à son fœtus ou au bébé qui est dans son ventre de bien se développer et après la naissance. C’est pourquoi l’OMS recommande l’allaitement maternel exclusif durant les six premiers mois de vie de l’enfant. C’est en fait pour que l’enfant puisse bien s’alimenter. Qu’il ne puisse pas avoir d’autres maladies liées à l’injection des laits infantiles parce que ça demande beaucoup d’hygiène et d’efforts.  Ce n’est pas évident de donner le lait infantile et de veiller à ce que l’enfant ne tombe pas malade parce qu’on l’expose à des maladies. Et qui dit maladie dit que l’enfant n’aura pas une malnutrition aigüe modérée ou aigue sévère par des œdèmes et qui peuvent le faire plonger dans la malnutrition aigüe chronique. C’est la raison pour laquelle pendant les six premiers mois on prend la peine de bien expliquer aux mamans. Donc on parle plus de prévention dans ces cas-là. C’est pourquoi après six mois dans les campagnes de prévention et de sensibilisation aux mamans on insère les programmes d’initiation à l’allaitement maternel de compléments c’est-à-dire quels sont les aliments qui sont adéquats pour l’enfant jusqu’à ce qu’il ait ses 23 mois. Si après ça il n’a pas eu des causes de malnutrition aigüe chronique, c’est déjà un gain pour la société parce que là il va s’en sortir. C’est difficile par après de perdre cet enfant. Si après ces 23 mois il attrape une malnutrition aigüe modérée, ce ne sera pas ce genre de malnutrition qui affecte son cerveau qui était en pleine croissance durant les mois précédents.

Quelle alimentation et astuces nutritionnelles faut-il privilégier pour les enfants ?

L’alimentation de l’enfant est dépendante des parents aussi. Je viens de l’évoquer, durant les six premiers mois de vie de l’enfant le meilleur aliment de l’enfant c’est le lait maternel uniquement. Donc en dehors des médicaments qui peuvent être prescrit en cas de maladie par un médecin, il est fortement interdit de donner d’autres aliments à l’enfant durant cette période-là parce qu’il n’est pas encore près et ça l’expose à d’autres maladies. Après les six premiers mois, c’est la phase de l’alimentation de compléments. Donc c’est la phase de six à neuf mois. L’enfant a besoin d’aliments qui ont de la consistance. C’est la raison pour laquelle on fait des campagnes de prévention sur comment préparer la bouille enrichie 5 étoiles. C’est une bouille qui est constituée de protéines animales comme tout type de viande et même le poisson et végétales qu’on appelle les légumineuses, de l’huile, des minéraux, des vitamines comme celles C, A qu’on peut retrouver dans certains fruits et légumes. Il y a également les glucides qui sont disponibles dans les céréales comme le maïs, également dans les féculents comme les pommes de terre, les ignames. Nous avons aussi les oléagineux. Donc quand je parle des aliments 5 étoiles ça veut dire des aliments qui contiennent vraiment ces différents groupes là. Il y a aussi les glucides qu’on peut retrouver dans le maïs, le riz. Donc c’est vraiment un tout. C’est pourquoi l’alimentation de l’enfant est beaucoup sensible et quand on prépare la bouillie enrichie il faut vraiment qu’elle contienne tous ces éléments-là. Si l’enfant ne doit manger que cela, elle doit contenir ces éléments. Parce qu’on fait en sorte que les aliments qu’il doit manger ressemblent beaucoup plus au lait maternel avec des concentration un peu plus élevée pour permettre à l’enfant de mieux grandir. C’est après 9 neuf mois qu’on peut intégrer les aliments un peu plus solides. On passe d’abord par le semi solide et au fur à mesure on habitue l’enfant. A partir des aliments 5 étoiles, ils peuvent être plus aptes à faire une bouillie plus enrichie, des menus plus équilibrés pour leur enfants. Si les parents appliquent cette préparation des menus adaptés avec ces aliments 5 étoiles là, la croissance de nos enfants sera garantie, on aura les enfants un peu plus en bonne santé. Et si on respecte aussi les vaccinations et les autres moyens de lutte de prévention contre les maladies, on aura des enfants qui se portent vraiment très bien et qui seront utiles pour notre société, notre communauté.

Ces conseils valent aussi pour les femmes du Septentrion au pouvoir d’achat pauvre et qui vivent dans un taux de pauvreté inquiétant ?

Oui bien sûr. Il faut juste utiliser les aliments disponibles localement qui sont de faible coût.

Olive Atangana

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.

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