Essomba Bengono : « Le paludisme pourrait être érigé en cause de santé publique nationale »

Olive Atangana
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Les financements nationaux des pays Africains dont le Cameroun pour la lutte contre le paludisme restent l’une des grandes faiblesses de la riposte. Ceci, malgré les engagements pris par les officiels de la santé et les Parlementaires pour les augmenter. Dans cette interview, le député Rdpc Engelbert Essomba Bengono revient sur la question et donne des pistes pour une mobilisation des ressources et une lutte plus efficace.

 

En 2021, le Réseau des Parlementaires engagés dans la lutte contre le paludisme, dont vous êtes membre, s’est engagé à promouvoir la création d’une ligne budgétaire dédiée à cette maladie. Qu’en est-il de cet engagement trois ans après ?

La ligne budgétaire « paludisme » n’existe pas encore. Pour une raison technique simple : le gouvernement a opté pour la budgétisation par programme. C’est la substance de la loi portant régime financier de l’État et des autres entités publiques. Dans cette optique, si on prend le cas de l’exercice 2024 en cours, le Ministère de la Santé Publique exécute cinq programmes dont deux traitent du paludisme. Ce sont le programme « Prévention de la maladie », qui cible la prévention de la maladie (y compris le paludisme). Ce programme est doté d’une enveloppe budgétaire de 50,8 milliards de FCFA. Il y a ensuite le programme « Renforcement du système de santé » qui met l’accent sur l’accès aux soins et l’amélioration des capacités techniques et opérationnelles des formations sanitaires publiques. Il est doté d’un montant de 95,9 milliards de FCFA. Dans ces ressources, en hausse, il faut intégrer les personnels. En effet, 19 592 personnels de santé, soit 30,58 % de la masse salariale financière de l’État, exerçant dans les formations sanitaires publiques, sont pris en charge. Néanmoins, et nous en faisons tous le constat, les efforts obtenus grâce au plaidoyer parlementaire sont importants, mais ils restent insuffisants. Il y a encore beaucoup de progrès à faire.

Quel est l’apport de ce Réseau pour aider à lutter efficacement contre la maladie ?

Notre apport en tant Parlementaire est connu. Nous pourrions nous-mêmes faire des propositions de texte, si cela s’avérait irrévocablement nécessaire. Mais, nous ne sommes pas en rivalité avec le Gouvernement sur la cause du paludisme. Au demeurant, le Gouvernement étant déjà allé plus vite et plus loin que nous dans la structuration d’une réponse adaptée à la situation, il est plus cohérent, plus responsable et plus pertinent d’organiser notre contribution autour de deux points : examiner favorablement les articulations de la « déclaration de Yaoundé » ainsi que les autres projets de textes y afférents, de manière à les insérer dans un dispositif législatif. En deuxième lieu, contrôler rigoureusement l’affectation conforme et l’utilisation régulière des ressources budgétaires allouées au sous-secteur santé dans le cadre de la lutte contre le paludisme. Le paludisme reste une préoccupation de santé publique majeure. C’est même une cause de salut national, à mon humble avis, l’ampleur de la maladie contrastant avec la modicité des ressources disponibles ou mobilisables. Nous pensons qu’il est impératif de continuer à soutenir le plaidoyer au sein du Réseau parlementaire. Nous en faisons tous le constat, les efforts obtenus grâce au plaidoyer parlementaire sont importants, mais ils restent insuffisants. Il y a encore beaucoup de progrès à faire.

Quelle appréciation faite vous justement de cette « déclaration de Yaoundé » prise par les ministres africains de la Santé en mars dernier ?

La « déclaration de Yaoundé » en mars dernier, bien qu’étant un bon début, ne suffit pas ! Il faudrait désormais agir avec la même célérité et la même efficacité qu’avec la pandémie à COVID-19, pour que la substance de cette déclaration soit rapidement entérinée par le Parlement, afin d’ouvrir la voie qui débouche sur la mobilisation des ressources dont les 11 États ont besoin pour conjurer la maladie. Tout se faisant dans l’intérêt bien compris des populations.

Le constat fait état de ce que la mobilisation des fonds nationaux reste faible. Comment pourrait se faire le financement pour plus d’efficacité ?

Je pense que le sujet porte sur deux choses : le choix politique d’une part, et celui de la stratégie d’autre part. Sur le choix politique, le gouvernement a opté de lutter contre la maladie. Tout un programme est donc dédié à la maladie. Il pourrait choisir de lutter contre le paludisme, seul, et lui dédier tout un programme aussi. On l’a fait pour la pandémie à COVID-19. Dès lors, on pourrait formuler la chose autrement, et créer un programme dédié au seul paludisme. Le financement optimal pourrait se faire par la budgétisation du coût réel d’un cas de paludisme grave, multiplié par le nombre de cas paludisme (simple et grave) enregistrés sur l’année précédente ! Si vous prenez les chiffres indiqués, vous voyez bien qu’ils offrent une base de travail qui pourrait permettre aux ressources budgétaires allouées au paludisme de passer le cap de 300 milliards de FCFA par an, soit à peine 0,08 % des recettes fiscales de l’exercice 2024 en cours. Enfin, il faudrait désormais insérer la lutte contre le paludisme dans la macro stratégie nationale élaborée dans le cadre du développement de la Couverture santé universelle (CSU). Autrement dit, à l’échelle des institutions républicaines, nous devrions apprendre à construire, ensemble, les réponses aux problèmes qui se posent. Ce n’est pas la charge des seuls Parlementaires.

Selon vous, quel peut être l’autre moyen de lutte efficace ?

Nous pensons humblement, qu’il faut retrouver le même état d’esprit qui a prévalu lors de la pandémie à COVID-19. En deux ans, sauf erreur ou omission de ma part, le pays a mobilisé toutes les ressources dont nous avions besoin dans le cadre d’un plan de riposte national, élaboré et mis en œuvre par le Gouvernement. Par ailleurs, au regard de sa forte mortalité, le paludisme pourrait être érigé en cause de santé publique nationale. De manière à susciter, pourquoi pas, une fiscalité spécifique pour son financement. Tous les camerounais pourraient être prêts à en supporter la charge, afin que l’objectif de 2030 que vous avez rappelé dans votre question soit complètement atteint.

 

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Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.
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