Dr Franck Nana : « La Couverture santé universelle ne sera pas la panacée »

Le Président de l’Ordre national des pharmaciens du Cameroun analyse le bien fondé de la prochaine Agence nationale du médicament du Cameroun.

Comment accueillez-vous la mise sur pied prochaine d’une Agence nationale du médicament du Cameroun ?

Pour moi c’est une suite logique. Le Président de la République a signé un décret le 20 août 2021. Lequel décret porte ratification du traité portant création de l’agence africaine du médicament. Donc de façon logique, l’Agence nationale du médicament au Cameroun doit être créée dans les tous prochains jours. Nous les professionnels depuis quelques années déjà, demandions la mise sur pied de cette agence pour plusieurs motifs. L’agence aura plusieurs missions mais il y a certaines qui sont principales. Elle assure la veille sanitaire sur les produits de santé humaine et animale précisément les médicaments, elle garantit la sécurité sanitaire depuis les essais cliniques jusqu’à la surveillance du marché en passant par la délivrance des autorisations de mise sur le marché. Elle est un organe de régulation avec certains autres organes qui seront mise sur pied dont l’Ordre des pharmaciens un certain nombre d’aspect. Elle sera dotée d’une certaine indépendance d’actions, d’une autonomie mais ce sera un organe sous tutelle du ministère de la santé. Ce sera une agence publique à caractère administratif. Elle est vraiment attendue sur le terrain pour lutter, assainir le marché et pourquoi pas donner des orientations pour être beaucoup plus efficace sur un certain nombre d’aspect.

N’est-ce pas une agence de trop au regard de l’arsenal dont dispose déjà le Cameroun pour lutter contre la VIM ?

Ce ne sera pas une agence de trop mais plutôt une première agence en matière pharmaceutique ou médicale au Cameroun. Elle sera dédiée à la santé, la sécurité sanitaire, le contrôle des médicaments, la régulation d’un certain nombre d’aspect purement pharmaceutiques et médical. Seulement, il faudra bien qu’elle puisse remplir ses missions parce qu’elle est vraiment attendue sur le terrain pour lutter et assainir le marché et pourquoi pas donner des orientations pour être beaucoup plus efficace sur certain aspect.

Pour certains pharmaciens et médecins, il faut juste renforcer les pouvoirs des forces de l’Ordre pour plus d’efficacité dans la lutte et mettre en place la Couverture santé universelle qui rendra le médicament accessible et disponible pour tous. Etes-vous de cet avis ?

Certains pharmaciens ont peut-être raison en disant qu’il faut renforcer les pouvoirs de l’Ordre. En ce qui nous concerne, nos textes sont en révision déjà. Nous espérons aboutir d’ici 2023 à la révision de ces textes pour les mettre à jour. Ceci va renforcer le pouvoir de l’Ordre qui ne s’oppose pas à la création d’une agence. Loin s’en faut. Tous les deux sont importants aussi bien la partie inspection pharmaceutiques, direction de la pharmacie, au contrôle par laboratoire. C’est un arsenal dont on a besoin sur le terrain. Et comme j’aime dire, la moisson est abondante mais les ouvriers sont peu nombreux. Il faut donc des ouvriers rompus à la tâche, des ouvriers des organes qui doivent agir plus efficacement afin de réellement donner à la santé camerounaise ses lettres de noblesses. Il faudrait que nous puissions arriver à apporter la qualité dans la santé, précisément dans le secteur pharmaceutique au Cameroun à l’horizon 2035. La mise sur pied effective de la CSU est aussi un pilier important dans cette lutte, cette quête permanente d’une meilleure santé au Cameroun. Tous les patients seront égaux face à la maladie et payeront le même coup face à certaines pathologies bien définies grâce à elle. Mais la CSU ne sera pas la panacée. En France il y a bien la sécurité sociale mais il y a aussi toujours la vente illicite chez eux mais par internet. La CSU va venir réduire un certain nombre d’effet sur des maladies et pathologies bien définies et travailler sur les médicaments essentiels. Mais nous savons que la vente illicite va toujours continuer. Donc la CSU va venir réduire une partie de la vente illicite mais il y aura un pan qui restera. C’est pourquoi nous devons continuer à combattre, faire des plaidoyers auprès de l’administration ou des personnes devant intervenir sur ce volet là et sensibiliser les populations.

Pourquoi malgré les « actions coup de poing » menées depuis plusieurs années et davantage depuis 2021, la VIM persiste ?

Comme son nom l’indique, il s’agit des opérations coups de poing. Mais 2022, il s’agit des actions coup de poing réparties un peu partout au Cameroun et en arrière-plan, une communication un peu plus accrue et des services de renseignements qui se mettent vraiment en branle pour pouvoir faire infléchir cette activité criminelle qui met à mal la santé et l’économie du pays. Donc, hormis ces actions coup de poing, nous allons passer à d’autres types d’action plus vastes, plus pérennes sur tout le territoire. Le ministre de la santé a donné le ton, avec à ses coté le Minat, la gendarment et tous les autres démembrements. Plusieurs villes aujourd’hui ont bénéficié de ces actions et d’autres sont en cours. La toile est en train de se tisser petit à petit.

Selon le ministère, l’Etat perd près de 33 milliards de F liés à la VIM. Comment se traduit cette perte ?

Cette activité criminelle et répréhensible ne paye pas les impôts. Cela donne un coût exorbitant à notre économie. L’absence des impôts et tous les droits qui vont avec, sans oublier l’aspect sanitaire. Lorsque ces produits qui créent des morbidités extrêmes et parfois des mortalités, c’est l’économie du pays qui en prend un coup sans oublier l’Etat qui prend en charge la santé de ces populations. Donc lorsqu’un travailleur est malade du fait des produits mal dosés, délétères qu’il a consommé, il est immobilisé, ceci fait des coûts exorbitants à l’économie du Cameroun.

Olive Atangana

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.

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