Dr Achu Dorothy:   « Nous avons toujours près de 11000 décès chaque année »

Le Secrétaire permanent du Programme national de lutte contre le Paludisme (Pnlp) dresse le bilan de l’année écoulée de lutte contre le paludisme au Cameroun où l’endémie la plus répandue a tué 4510 personnes en 2019. 

Où en est-on avec la lutte contre le paludisme au Cameroun au moment où s’est célébrée la 13e journée mondiale de lutte contre cette maladie ?

En général, nous avons enregistrés une baisse de la prévalence qui est passée de 30% en 2013 à 24% en 2018. Cependant, nous avons toujours environ 6 millions de cas enregistrés chaque année et près de 11000 décès ; 60% survenant chez les enfants de moins de cinq ans.

Quel est le taux de mortalité et de morbidité dans notre pays ?

Taux de mortalité était de 18,3% en 2019 contre 14,3% en 2018. Le taux de morbidité était de 28% en 2019 contre 25,8% en 2018.

Qu’est ce qui justifie cette hausse alors qu’on avait pu avoir une baisse en 2018 ? 

La hausse a été constaté depuis 2016 et par tout dans le monde. La première cause c’est l’utilisation insuffisante des MILDA et l’accès insuffisant des populations aux soins de qualité. La cause sous-jacente est l’insuffisance des ressources pour mener de manière optimale les interventions de lutte. Il y a aussi une amélioration de la collecte des données qui pourrait donner une impression exagérée de cette augmentation du fardeau. C’est en menant les enquêtes que nous pouvons avoir la situation exacte. Une enquête est planifiée en 2021.

Quelles sont les régions les plus touchées et quel est leur taux de mortalité et morbidité ?

Les régions les plus touchés par rapport au nombre de cas sont l’Adamaoua, l’Est, l’Extrême-Nord et le Centre. Par rapport aux décès, les régions les plus affectés sont les trois régions de du Septentrion (Adamaoua, Nord et Extrême-Nord).

Au niveau des régions les plus touchées en termes de cas et de décès, quel est leur pourcentage respectif ? 

La moyenne nationale de l’incidence est de 103 pour 1000 habitants. Dans l’Adamaoua, nous avons 140 ; 162 à l’Est ; Centre : 120 et Extrême-Nord, 101. Et en termes des décès, la moyenne nationale est de 76,52 pour 100 000 habitants. Dans les régions du Septentrion qui sont les plus touchées, nous avons : Adamaoua,146 ; Nord : 153 ; Extrême-Nord : 120.

Où en est-on avec l’opération de distribution gratuite de 14 millions de moustiquaires à longue durée d’action (Milda) au Cameroun ?

Nous avons visé la distribution de 14,8 millions de moustiquaires au cours de 2019 et à date, nous avons distribués 8,5 millions dans 6 régions complètement et 13 districts de la région du Littoral.

Qu’est ce qui bloque cette opération dans les régions du Centre et du Littoral ?

Pour la région du Littoral, nous devons ajuster la stratégie de distribution en tenant compte du contexte du COVID19. Cette restructuration devra assurer la sécurité des acteurs de mise en œuvre et la planification est en cours. Pour la région du Centre, nous suivons le décaissement des FCP pour passer la commande des moustiquaires.

Doit-on comprendre que la distribution de cette pièce n’est pas pour demain dans ces régions ?

Pour le Littoral, nous voulons envisager la distribution au mois de Mai ou juin 2020 parce que les MILDA sont déjà dans les aires de santé. Mais pour le Centre, nous prévoyons la distribution vers la fin de l’année.

Pourquoi cette distribution coince dans le sud régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest ?

Pour le Nord-Ouest et Sud-Ouest, il fallait ajuster la stratégie pour prendre en compte l’insécurité dans certains districts de santé. Aussi, nous devons identifier les partenaires de mise en œuvre qui pourront travailler avec la population sans difficulté. Un plan de contingence a été validé et les activités préparatoires lancées.

En quoi cette opération a aidé dans la lutte contre cette maladie ?

L’utilisation systématique des MILDA par la population est la méthode de lutte antivectorielle le plus coût-efficace et permet de diminuer l’incidence de la maladie de 20 à 30%. La campagne permet de couvrir toute la population en un temps record et l’utilisation systématique des MILDA par la population permet de casser le cycle de transmission des parasites qui cause le paludisme.

La Milda est-elle le moyen le plus efficace de lutter contre le paludisme au Cameroun ?

Oui, dans les régions où l’utilisation des MILDA a été le plus important, nous avons constaté une diminution de l’incidence mais la moyenne nationale du taux de l’utilisation des MILDA reste faible. 59% comparé à la cible de 80% escompté. Ainsi, nous ne pouvons pas apprécier son efficacité spécifique pour diminuer le paludisme. Aussi, le coût est abordable et le bailleur de fonds les mets à notre disposition gratuitement.

Qu’en est-il de la Chimio prévention du paludisme saisonnier dans les régions du Nord et de l’Extrême-Nord ?

Cette activité est en cours de planification aussi. Les modalités de mise en œuvre vont prendre en compte les mesures de prévention du paludisme. L’activité se déroule du juillet à octobre 2020. Pour l’année 2019, environ 1 457 309 enfants ont été complètement traités pendant les 04 cycles de la CPS. Soit une couverture de 86% d’enfants des deux régions.

Quelles sont les perspectives du programme pour cette année 2020 ? 

Achever la campagne MILDA dans les zones restantes ; organiser la campagne CPS dans les deux régions ; assurer l’approvisionnement des FOSA en intrants et suivre la mise en œuvre des interventions sous directives communautaires. Enfin, mobiliser les fonds auprès du Fonds Mondial.

 

Olive Atangana

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.

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